Verlaine-L'enterrement
Publié le 09/10/2014
Extrait du document
«
modification volontaire du vers noble répond à la volonté de l’auteur qui désire surprendre
son lecteur en prenant ses distances avec la forme traditionnelle de la poésie.
Derrière l’éloge apparent de l’enterrement se manifeste en réalité une profonde révolte à
l’égard de la condition humaine que Verlaine traite avec une ironie grinçante.
Comme nous l’avons précédemment évoqué, le texte est émaillé par le champ lexical de la
gaité et de l’enthousiasme, provoquant des associations de mots surprenantes ou il est difficile
de ne pas percer une pointe d’ironie.
La « pioche qui brille » du fossoyeur accompagnée de
l’étrange enthousiasme du prêtre « qui prie allégrement » sont autant de décalages qui
manifestent une amertume teintée d’humour noir.
L’utilisation fréquente de la ponctuation
exclamative témoigne également de l’emphase ironique de l’auteur qui a recours au procédé
de l’antiphrase : « tout cela me parait charmant, en vérité ! ».
Cette gaité exagérée ne
peut être authentique et se donne pour vocation de choquer pour mieux rappeler le lecteur à la
tristesse de la scène.
Verlaine reprend ici certains clichés afin de dresser un portrait caricatural et incisif de ses
personnages.
L’engouement heureux du prêtre dans sa prière, la voix féminine de l’enfant de
chœur mais aussi l’évocation du nez rouge du croque mort qui a trop bu permettent à l’auteur
de dénoncer la révoltante indifférence des personnages en présence bis a vis du tragique de la
mort.
La référence faite à la gourmandise des croque-morts dont l’embonpoint rend les
vêtements trop étroits choque également par sa trivialité dans une atmosphère qui se voudrait
teintée d’un humble respect face à la mort.
La dénonciation la plus virulente est cependant
réservée à l’égard de la famille du défunt qui semble se gargariser de « beaux discours concis,
mais pleins de sens » tandis que les cours « élargies » et les « fonts ou flottes une gloire »
semblent davantage tournés vers la perspective d’un héritage que celle de l’hommage rendu
au disparu.
La douloureuse fatalité de notre sort commun est insupportable à l’auteur qui a recours à la
métaphore pour mettre à distance l’horreur de la situation.
Le cercueil est ainsi comparé à
l’ « édredon du défunt » qui rejoint « bien chaud, douillettement » le fond du trou.
L’euphémisme fréquent qui consiste à aborder la mort à travers l’image du sommeil permet à
Verlaine d’adoucir la violence du destin de chaque homme.
Le mol impact de la terre qui
ensevelit le cercueil emporte avec lui le souvenir d’un homme dont personne ne semble prêt a
réellement célébrer l’existence.
On décèle ainsi une véritable angoisse d’un poète qui tente à
travers sa plume d’apprivoiser l’idée de la mort et de dompter sa peur de l’oubli.
Dans « Enterrement », Verlaine traite ainsi le thème de la mort à travers une tonalité
faussement heureuse qui lui permet de mieux dénoncer la désinvolture et la cupidité des
vivants à l’égard du défunt.
La gaieté apparente de ce texte qi semble dépouiller la mort de
tout caractère morbide renvoie néanmoins avec violence à l’inévitable fin de notre existence..
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