VERLAINE ET RIMBAUD
Publié le 05/02/2019
Extrait du document
Avec ses Poèmes saturniens (1866), publiés à compte d’auteur, et Les fêtes galantes (1869), Verlaine offre le spectacle à la fois tourmenté et «déliquescent» de son âme troublée : à cette époque, la bohème et l’absinthe se sont déjà emparées de lui. En 1869, ivre, il tente de tuer sa mère. Son art du vers est déjà sûr et hardi. L’audace prosodique du vers « Et la tigresse épouvantable d’Hyrcanie » stupéfie Rimbaud : c’est la première fois qu’on ose couper un mot à l’hémistiche (six syllabes), sans tenir compte de la césure classique de l’alexandrin.
En août 1870, son mariage avec une douce jeune fille, Mathilde Mauté de Fleurville, lui offre pour quelques mois l’apaisement qu’il évoque dans ses vers : Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant/D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime... et me comprend. Il publie La bonne chanson (1870), composée pour sa femme Mathilde. La rencontre avec Arthur Rimbaud en septembre 1871 a vite raison du bonheur du couple.
Sagesse et remords
L’errance tumultueuse des deux poètes se poursuit pendant deux ans. Verlaine y puise le meilleur de son inspiration avec la publication du recueil des Romances sans paroles (1874). Refusant la révolution existentielle de Rimbaud, il s’attache à donner au verbe une valeur, qui tient plus à l’accent qu’au sens des mots, et une force, qui tient plus à leur mélodie qu’à leur intensité: Il pleure dans mon cœur/Comme il pleut sur la ville; / Quelle est cette langueur/Qui
pénètre mon cœur. La réclusion forcée à Mons suscite chez Verlaine une double conversion morale et mystique, dont témoigneront les vers de Sagesse (1880) : Le ciel est par-dessus le toit, /Si bleu, si calme/... Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, /De ta jeunesse.
Dans le recueil Jadis et Naguère (1884), le poème L’art poétique apparaît comme le manifeste du symbolisme, de l’impressionnisme verbal de son auteur et définit l’originalité de sa poétique. Plus que jamais, Verlaine préfère le son au sens : De la musique avant toute chose, /Et pour cela préfère l’impair /Plus vague et plus soluble dans l’air -le vers impair où les mots peuvent le mieux chanter à leur aise, sur des cadences naturelles et des tempos boitillants.
Solitude et misère
Mais les contritions du prisonnier ne résistent pas à la vie de cabaret, aux séjours dans les hôpitaux, à la solitude et à la misère, ni aux bons soins de deux prostituées, Philomène Boudin et Eugénie Krantz. Les derniers recueils de Verlaine sont fort inégaux. Ils traduisent son déchirement profond entre ses sages et impossibles résolutions, dans des recueils religieux (Amour, 1888; Bonheur, 1891), et ses rechutes dans le «vice», dans des recueils érotiques (Chansons pour elle, 1891).
Sa carrière fut loin d’être triomphale. Elle connut néanmoins une consécration tardive par ses pairs: Verlaine est couronné et appelé «prince des poètes» en 1894. Il s’éteint le 8 janvier 1896, des suites d’une congestion pulmonaire. À la différence de Charles Baudelaire, de Stéphane Mallarmé ou d’Arthur Rimbaud, Paul Verlaine n’a marqué aucun mouvement poétique dans son ensemble; en revanche, il y a toujours dans chaque génération un poète, de Francis Jammes à Paul Éluard, qui, par sa simplicité et sa fluidité, s’y réfère, et qui lui ressemble.
«
Verlaine
et Rimbaud LES AoMMES O'.J{UJOURO'HUI
PllliiN OE LUÇUE
.
�- P.wL VUL..o\f(IO
.
fl•I"'IOIz.: Ubr•îri• vaawr, ''· CfUl &a.i.nt.-Mlehel, • Parie.
des poèmes qui s'en prennent à tout système, ins
titutionnel ou poétique.
C'est l'époque où il ren
contre Verlaine.
Rimbaud compose alors, avec
Une saison en enfer (1873), un bilan poétique,
une autobiographie et un récit d'aventure inté
rieure; il y fait le choix définitif de la prose poé
tique.
C'est le seul texte qu'il ait songé à faire
publier: ce fut un fiasco -pour le reste, Rimbaud
ne se préoccupa jamais de l'édition de son
œuvre.
Puis, entre 1872-1875, il compose les Illu
minations (le titre est de Verlaine, qui fera publier
le recueil en 1886): premier texte sans référence
à la réalité ni sens à rechercher, instantanés de
poésie décousus et déchirants, espace absolu de
liberté et plénitude du verbe, qui ne renvoient
qu'aux fantasmes et aux pulsions du poète libéré.
C'est aussi le dernier texte de Rimbaud.
Le 10 mai 1876 , il s'engage dans l'armée colo
niale hollandaise.
Il a vingt-deux ans.
Cette déci
sion met un terme à l'œuvre poétique.
!.:aventure
commence, et les tribulations: déserteur à Java,
professeur à Londres, interprète dans un cirque
en Suède, marchand de bazar et trafiquant
d'armes en Éthiopie, il est devenu l'insaisissable
«homme aux semelles de vent», comme l'appe
lait Verlaine.
Des tribulations qui auront duré
quelque quinze ans.
Jusqu'au 10 novembre 1891
à Marseille, où Rimbaud meurt quelque temps
après s'être fait amputer d'une jambe atteinte
d'un cancer.
Depuis longtemps, il ne s'occupait
plus de «Ça», expression dont il désignait la poé
sie.
Selon l'expression de Mallarmé, Rimbaud
s'était «amputé vivant de la poésie».
Il n'était pas
un poète maudit, mais un poète qui, après l'avoir
bouleversée, a maudit la poésie.
Mélancolie et tourments
Paul Verlaine est né à Metz en 1844.
Il est fils d'un
officier du génie, qui s'installe à Paris en 1851.
Ses
bonnes études secondaires et son diplôme de ......
Les Hommes
d'aujourd'hui,
revue poétique.
Arthur
Rimbaud figure en
couverture peignant
des voyelles.
Il s'agit
d'une référence
Ill ustrée au très
célèbre sonnet
de Rimbaud :
Les Voyelles.
Paul Verlaine ......
assis à la table
d'un café.
Pour avoir
tiré deux coups de
revolver sur Rimbaud
lors d'une crise
passionnelle, Verlaine
fut incarcéré pendant
deux ans à la prison
de Mons.
Après sa
libération, il reprit une
existence de bohème,
misérable
et alcoolique, ne
donnant plus que des
œuvres inégales.
bachelier lui ouvrent les portes de l'administra
tion de l'Hôtel de Ville en 1864.
Mais sa carrière
ne l'intéresse pas et ses goûts le portent vers le
monde littéraire dans lequel il se fait admettre.
Son tempérament sensible et inquiet l'entraîne
vers la poésie.
Avec ses Fbèmes saturniens (1866), publiés à
compte d'auteur, et Les fêtes galantes (1869), Ver
laine offre le spectacle à la fois tourmenté et
((déliquescent» de son âme troublée : à cette
époque, la bohème et l'absinthe se sont déjà
emparées de lui.
En 1869, ivre, il tente de tuer
sa mère.
Son art du vers est déjà sûr et hardi.
L'audace prosodique du vers «Et la tigresse
épouvantable d'Hyrcanie» stupéfie Rimbaud :
c'est la première fois qu'on ose couper un mot à
l'hémistiche (six syllabes), sans· tenir compte de
la césure classique de l'alexandrin.
En août 1870, son mariage avec une douce
jeune fille, Mathilde Mauté de Fleurville, lui offre
pour quelques mois l'apaisement qu'il évoque
dans ses vers: Je fais souvent · ce rêve étrange
et pénétrant/ D'une femme inconnue, et que
j'aime, et qui m'aime ...
et me comprend.
Il publie
La bonne chanson (1870), composée pour sa
femme Mathilde.
La rencontre avec Arthur Rim
baud en septembre 1871 a vite raison du bon
heur du couple.
Sagesse et remords
!.:errance tumultueuse des deux poètes se pour
suit pendant deux ans.
Verlaine y puise le
meilleur de son inspiration avec la publication
du recueil des Romances sans paroles (1874).
Refusant la révolution existentielle de Rimbaud,
il s'attache à donner au verbe une valeur , qui
tient plus à l'accent qu'au sens des mots, et une
force, qui tient plus à leur mélodie qu'à leur
intensité: Il pleure dans mon cœur 1 Comme il
pleut sur la ville; 1 Quelle est cette langueur 1 Qui pénètre
mon cœur La réclusion forcée à Mons
suscite chez Verlaine une double conversion
morale et mystique, dont témoigneront les vers
de Sagesse (1880): Le ciel est par-dessus le
toit, /Si bleu, si calme 1 ...
Dis, qu'as-tu fait, toi que
voilà, 1 De ta jeunesse.
Dans le recueil Jadis et Naguère (1884), le
poème L'art poétique apparaît comme le manifes
te du symbolisme, de l'impressionnisme verbal
de son auteur et définit l'originalité de sa poé
tique.
Plus que jamais, Verlaine préfère le son au
sens : De la musique avant toute chose, 1 Et pour
cela préfère l'Impair 1 Plus vague et plus soluble
dans l'air -le vers impair où les mots peuvent le
mieux chanter à leur aise, sur des cadences natu
relles et des tempos boitillants.
Solitude et misère
Mais les contritions du prisonnier ne résistent pas
à la vie de cabaret, aux séjours dans les hôpitaux,
à la solitude et à la misère, ni aux bons soins de
deux prostituées, Philomène Boudin et Eugénie
Krantz.
Les derniers recueils de Verlaine sont fort
inégaux.
Ils traduisent son déchirement profond
entre ses sages et impossibles résolutions, dans
des recueils religieux (Amour, 1888; Bonheur,
1891), et ses rechutes dans le «vice», dans des
recueils érotiques (Chansons pour elle, 1891).
Sa carrière fut loin d'être triomphale.
Elle
connut néanmoins une consécration tardive
par ses pairs: Verlaine est couronné et appelé
«prince des poètes» en 1894.
JI s'éteint le 8 jan
vier 1�96, des suites d'une congestion pulmo
naire.
A la différence de Charles Baudelaire, de
Stéphane Mallarmé ou d'Arthur Rimbaud, Paul
Verlaine n'a marqué aucun mouvement poétique
dans son ensemble; en revanche, il y a toujours
dans chaque g�nération un poète, de Francis
Jammes à Paul Eluard, qui, par sa simplicité et sa
fluidité, s'y réfère, et qui lui ressemble..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Rimbaud et Verlaine
- Poésie: Rimbaud et de Verlaine
- Les Maîtres de la poésie : Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé, Lautréamont, Verlaine, Autres poètes maudits
- Rimbaud et Verlaine: Paris, Londres et Bruxelles
- Les trois maîtres du symbolisme: Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, Arthur Rimbaud