VALMONT, héros des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos
Publié le 20/05/2019
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«
V
ALMONT (le vicomte de).
Personnage du
roman de Choderlos de Laclos les liaisons
dangereuses(*) ( 1 782).
Grand seigneur que sa
fortune et son beau nom rendent le maître
absolu de son temps, c'est un homme de loisir
qui peut consacrer sa vie à la satisfaction de ses
goûts.
Il s'est voué au libertinage mais en
artiste, n'y cherchant que l'obligation perpé
tuelle de faire de son action un chef-d'œu vre
de conduite surpassant tout ce que les autres,
et lui-même, ont )usque-là accompli dans le
domaine de la seduction.
Quand le roman
débute, il est en pleine possession de son art et
vient de décider d'attaquer la présidente de
Tourvel • dont la vertu, en lui opposant une
défense acharnée, lui promet un combat aussi
proche que possible de la perfection.
Il s'ouvre
de ses projets à la marquise de Merteuil •, son
amie et son égale en libertinage, et celle-ci
s'engage, dès qu'il aura fourni les preuves de sa
victoire, à le ré-accepter pour amant.
Son
«jeu » va donc se dérouler sur deux plans :
l'action proprement dite contre la présidente et
son récit, par lettres, à la Merteuil.
Le fait qu'il
revive ainsi, pour autrui, les diverses phases de
son attaque, accentue le plaisir qu'il y prend et
démontre sa maîtrise: tout, pour lui, est spec
tacle, spectacle en lequel sa conscience trans
forme constamment tous les rapports
humains.
Non seulement il assiste à tout ce
qu'il fait, mais c'est de se voir agir qu'il tire la
plus pure essence de son plaisir.
Il n'est rien,
dans son action, qui relève de la sensualité (il
avouera que quant au simple plaisir, il va le
chercher auprès des professionnelles); tout est
centré sur la conscience et le regard, la pos
session de l'autre par la tactique.
Séducteur, il
n'est donc jamais séduit et se maintient tou
jours dans la situation de sujet agissant.
D'ordinaire, cependant, il exerce son art sur
des partenaires, comme la Merteuil, au courant
des règles du jeu : le plus subtil et le plus
intelligent l'emporte; avec la présidente de
Tourvel, partenaire idéale de par sa capacité de
défense, mais partenaire seulement entraînée
par lui dans un jeu qu'elle «vit>> au lieu de le
«jouer», les données du combat sont modi
fiées.
Valmont, pour avoir quelque chance de
l'emporter, ne doit pas faire assaut d'esprit
mais simuler une violente passion; or, les
charmes de sa partenaire sont tels qu'il ne
peut, mal�é tout, se garder d'en être impres
sionné, st bien que, sans perdre à aucun
moment le contrôle de lui-même, il en arrive
vite à éprouver les sentiments qu'il se donne.
Mais sa nature est ainsi faite que, perpétuel
spectateur de soi-même, il peut assister à ce
qui se passe en lui, l'éprouver et, dans le même
temps, l'utiliser froidement.
Nul personnage de
la littérature n'a probablement su, comme lui,
transformer sur-le-champ la matière de son
cœur en instrument de ses entreprises « céré- braies»;
d'où son étrange dualité: il sent mais
ne subit pas; il agit sa sensation et son sen
timent, en fait J'autre «personnage» de sa
scène intérieure.
Il lui faut une pureté inouïe de
conscience pour ne pas se perdre dans cette
représentation permanente de soi-même et il
n'y réussit que �ce à l'entraînement, à quel
que cynisme et a une grande force de caractère.
Pourtant s'il arrive à vivre sa passion pour la
présidente tout en menant impeccablement
son attaque (en un sens sa passion mise en
conscience est plutôt une aide), il n'en va pas
de même de ses ra ports avec la Merteuil qui
doit, à l'absolue roideur de son cœur, une
conscience encore supérieure.
Quand Valmont
a abattu toutes les défenses de Mme de Tourvel,
qu'il ia possède enfin et touche à un triomphe
qui est la consécration de son art, il goûte le
double plaisir d'avoir vaincu et d'avoir atteint
la perfection, mais c'est pour s'apercevoir que,
fait inattendu et inconnu, son «sujet» n'en est
pas pour autant épuisé, car cette femme défaite
promet, au-dela, d'autres dépassements
encore.
Pour la première fois il est au bord de
l'amour, de l'inépuisable amour.
Mais la Mer
teuil à qui, comme d'habitude, il a mandé sa
victoire, intervient alors pour le pousser à
jouer la dernière figure du jeu libertin : la
rupture.
Il s'exécute aussitôt, mais sans plaisir
et uniquement par vanité de joueur ; sa
conscience est voilée par l'amour auquel, quoi
qu'il en dise, il voudrait bien maintenant pou
voir se laisser aller avec la présidente.
Il ne se
rend pas compte que la Merteuil, en exigeant
qu'il joue le dernier coup, contrôle à présent le
jeu et se joue de lui.
Il est battu par le tiers avec
lequel il avait cru n'engager qu'une partie
secondaire à côté de celle, majeure, qu'il JOuait
contre Mme de Tourvel.
Il s"en aperçoit quand
la Merteuil se dérobe au lieu de lui donner la
récompense promise, et il tâche de lui rendre
coup pour coup en utilisant les comparses,
Danceny • et Cécile de Volanges •, dont ils
s'étaient, l'un et l'autre, servis en cours de
partie.
Mais la Merteuil occupe désorrnais
la
meilleure position et, en poussant le pion Dan
ceny, transforrué pour le coup en chevalier de
la morale, fait soudain virer le jeu à la tra
gédie: Danceny tue Valmont en duel; mais
Valmont avant de mourir a le temps de retour
ner encore une fois la situation et de préparer
sa revanche posthume.
Il triche, apparemment,
en jouant pour finir le jeu de la morale, mais la
Merteuil lui avait déjà appris qu'à leur jeu tous
les coups étaient perrnis.
B.
N.
C.
Dans les Liaisons dangereuses ( 1960),
film réalisé par Ro�er Vadim, scénario de
Roger Vaillant d'apres l'œuvre de Choderlos
de Laclos, Gérard Philipe fit une brillante
création dans le rôle d'un moderne Val
mont..
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