Une vie - Maupassant (Chapitre 10)
Publié le 09/12/2014
Extrait du document
«
rigide », d'une « implacable intolérance » à l'égard de tout ce à « l'amour », qu'il confond
allègrement avec « la concupiscence ».
D'où son acharnement à l'égard des jeunes qui s'embrassent :
il les poursuit avec des « cailloux » on fait « aux chiens ».
Il n'est pas étonnant qu'il trouve dans
cette chienne en train d'accoucher un aspect malsain, répréhensible, contrairement aux enfants.
Ensuite, déjà énervé au sortis du château - car Jeanne ne voulait pas marcher dans son sens et rendre
public l'adultère de son prêtre - il est littéralement aveuglé et commet alors cet acte de folie.
Le
champs lexical de celle ci est fortement présent : « fureur irrésistible », « la tête perdue »,
« frénésie », et « d'un talon forcené ».
Étymologiquement, le terme « frénésie » renvoie au domaine
de la fièvre, du délire, tandis le préfixe privatif « for », dans « forcené », joue pleinement son rôle
ancien : « hors de sens » (« cené » relevant de « scène », en ancien français).
Enfin, la violence est concomitante à l'acte.
Non seulement le champs lexical le confirme, « se mit à
frapper, assommer, coups, piétinant, pilant, écrasant », mais surtout il est possible d'y relever une
gradation dans l'enchaînement des actes.
C'est ainsi que Tolbiac passe, en quelques minutes, du fait
de « frapper » à piétiner une chienne enchaîner « avec frénésie ».
L'horreur est à son comble.
Que dire, par ailleurs, du registre pathétique de cette scène ! « enchaînée », Mirza ne peut se
défendre « se débattant sous les coups » ; elle « gémissait affreusement », ce qui suscite la pitié du
lecteur, celle ci étant au point culminant dans l'assimilation des chiots, à « des nouveaux nés »
« cherchant » aveuglément « les mamelles » de leur mère pour vivre.
III- Une scène foncièrement naturaliste.
En dépit de la charge émotive transmise, Maupassant reste cependant essentiellement naturaliste
dans cette scène : par le sujet choisi, le langage utilisé, les détails vrais et l'absence d'émotion.
Premièrement, le sujet choisi est celui d'un accouplement, d'une mise bas, d'une chienne ; on
connaît le goût de Zola et de ses émule , pour ces scènes dites physiologique, telles que les agonies,
les maladies, etc...
Deuxièmement, le vocabulaire utilisé par les enfants, « en v'la encore un, en v'la encore un », relève
de la photographie du réel, à la fois par sa syntaxe tronquée et sa répétition.
Troisièmement, d'autres détails font vrai, correspondant en cela à l'athlétique naturaliste.
Mirza,
accouchant, ne pouvait qu' « être étendu sur le flanc » et les nouveaux nés, cherchant les mamelles,
ont certainement un réflexe des plus réalistes et naturels.
Un motif de convergence, des adultes et
des enfants centrés autour de Mirza dans le premier tableau et un motif de divergence, tous
« s'enfuirent », dans le deuxième, confirment ce souci de réalisme de la part de Maupassant : la
mort a succédé à la vie, à qui effraie et disperse.
Enfin, Maupassant choisit la focalisation externe, c'est à dire un regard objectif sur ce massacre : les
actes se succèdent, sans commentaire, dans une énumération de verbes et, malgré la présence du
sang, l'auteur reste impersonnel.
En conclusion, nous pouvons signaler que Maupassant réussit ici le tour de force du nous émouvoir,
tout en demeurant fondamentalement naturaliste et, en apparence, objectif.
Il est à noter que ce massacre de Mirza est la préfiguration de la mort violente de Julien et de
Gilberte, provoquée par le même Tolbiac, pour les mêmes raisons d'intolérance.
Il s'agirait donc
d'une des scènes doubles du roman, procédé dont Maupassant s'est tendu maître..
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