« Une vie », Guy de Maupassant Etude de thèmes sur la souffrance, la mélancolie et la mort Chapitre 6, p.110-111, « Ses relations avec Julien avaient changé complètement…peut-être eût-elle beaucoup souffert »
Publié le 05/09/2018
Extrait du document
Dans le dernier paragraphe, leur intégrité physique est détruite et on parle d'eux en nommant des parties de leur corps: front 46, face 46, mâchoire 46, membres 46, os 49, chair 49
Ils ne cessent d'être invisibles que lorsqu'ils sont morts, c'est-à-dire enl'occurrence lorsque leur corps s'est, littéralement, fragmenté, dispersé (on retrouve ici l'idée de punition entraînée par le péché qu'ils ont commis).
Ils étaient meurtris, broyés, saignants 45
La description des amants ne se fait donc que lorsqu'ils sont morts. Elle se fait alors grâce à un inconnu, et tout ce que le lecteur peut voir, ce sont des morceaux de corps sanglants et éparpillés…
Conclusion
Dans ce passage, grâce à l'habile utilisation qu'il fait du langage, Maupassant manipule le lecteur pour le plonger dans sa fiction.
C'est ainsi qu'il crée une temporalité et un espace propres à recevoir les personnages qu'il a inventés. Les actions du comte, qui se trouve dans un état proche de la démence, s'enchaînent dans un espace vertical, et s'affirment comme causes des mouvements de la voiture, se développant, quant à eux, dans un espace horizontal.
Il laisse la liberté au lecteur de s’imaginer ce qui se passe dans la carriole, ce qui est beaucoup plus fort que de le lui raconter: c'est là tout l'art de la suggestion, de l'implicite, qui est à la source de la littérature.
Ce procédé permet à Maupassant d'accroître l'intensité de l'action qu’ il raconte et d'affirmer l’étrangeté d’un comte animalisé, d'une voiture personnifiée et de personnages impossibles à apercevoir tant qu'ils ne sont pas réduits à l'état de cadavres mutilés.
Avec ce passage, Maupassant est à un sommet de son art.
«
ne connaît pas la vie, et raisonne par stéréotypes
des allures de fermier gentilhomme 11, son vernis et son
élégance de fiancé 12, sa garde robe de jeune homme 15, la négligence des gens qui n'ont plus besoin de plaire
16 (ici il y a un déterminant)
Ici, si l'on veut, Jeanne est le type de la femme idéaliste qu'une éducation au couvent a perdu, et Julien le type
mesquin et tyrannique.
Notre extrait va précisément amener le lecteur à voir Julien sous cet aspect.
Le lecteur attentif a déjà eu de nombreux indices, avant ce passage, pour se rendre compte du véritable caractère
de Julien (la violence de la nuit de noces, chapitre IV, l'avarice de Julien pendant leur voyage en Corse, son
manque de pudeur, de délicatesse, chapitre V).
Si donc il est métamorphosé, c'est du point de vue de Jeanne.
D'invisibles murs semblent empêcher Jeanne et Julien de communiquer ; dans ces conditions, leur union est
impossible.
La rareté des paroles que Julien échange avec Jeanne est soulignée dès le début du texte : C'est à peine s'il
s'occupait d'elle, s'il lui parlait même 5
Jeanne est sur la voie d'une prise de conscience, mais elle ne renonce pas facilement à ses rêves de jeune fille.
Pourtant, tout est là pour lui montrer que son mariage ne peut qu'être un échec.
Conclusion
Jeanne ignore encore que cette déconvenue est la première d'une longue série.
Le changement dont elle prend
confusément conscience ici ne fera que s'accentuer au fil des chapitres, et Julien deviendra de plus en plus
indifférent, violent et tyrannique.
Jeanne restera quant à elle ce personnage songeur et impuissant.
La relation extrêmement dissymétrique qui
s'établit entre les deux personnages est représentative des mœurs du XIXe siècle, selon lesquelles la soumission
de la femme au mari était obligatoire.
Avec ce couple mal assorti, Maupassant dresse un réquisitoire violent contre une classe de hobereaux qui produit
de tels hommes à l'esprit étriqué, au comportement violent et vulgaire, à l'avarice maladive.
Il justifie également son
étiquette de pessimiste, tant le courant qui emporte Jeanne au fil de ses malheurs est irrépressible.
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Chapitre 10, le meurtre de Julien et Gilberte, « Dès qu'il les eut aperçu…comme s'il n’y avait plus d'os sous la
chair », p.
212 -213
Le texte est extrait de la fin du chapitre X.
A Yport, le brave abbé Picot a été remplacé par l'abbé Tolbiac,
ecclésiastique intransigeant et exalté, qui a découvert les amours coupables de Julien de Lamare et Gilberte de
Fourville.
Il essaie de convaincre Jeanne de mettre fin à l'adultère, mais Jeanne, qui l'avait elle-même découvert au
chapitre précédent, s'en dit incapable, tant elle est impuissante face à son mari.
Le prêtre lui suggère de tout dire
au comte de Fourville, mais Jeanne s'y refuse, car elle devine l'issue tragique
qui résulterait de cette révélation.
Peu après, le comte, en proie à une intense agitation, fait irruption chez les
Lamare: manifestement, la révélation a eu lieu.
Ne trouvant pas les amants aux Peuples, il s'élance à leur
recherche.
Le récit ne permet pas au lecteur de savoir si c'est l'abbé Tolbiac qui a dénoncé les amants au mari,
mais tout le laisse penser.
La cruauté de l'abbé, liée à son dégoût des relations physiques, vient d'être montrée au
lecteur juste avant ce passage, avec l'épisode de la chienne en train de mettre bas: l'abbé fait un carnage en
battant à mort la mère et ses nouveau-nés.
Ainsi préparés au déchaînement d'une violence aveugle et implacable,
nous assistons dans ce passage à la vengeance sanglante du comte.
L'arrière-plan du récit est à l'imparfait: les actions racontées à l'aide de ce temps constituent en quelque sorte le
cadre de l'histoire.
Dans toutes ces valeurs, l'imparfait est employé pour des actions situées au second plan, sur lequel se détachent
les actions racontées au passé simple.
Le passé simple est en effet utilisé pour raconter des actions qui s'enchaînent, grâce à l'aspect ponctuel de ce
temps.
Dans la première partie du texte, c'est surtout le comte qui apparaît comme sujet grammatical des verbes
au passé simples, ce qui montre que c'est lui qui mène l'action.
Par exemple, on peut relever dans le quatrième
paragraphe: se releva, poussa, se mit à secouer,
s'attela, entraîna 14-22
Dans la deuxième partie du texte, à partir de la ligne 27, les sujets grammaticaux des verbes au passé simple
changent: le comte a cessé d'agir.
Il a produit la cause, et laisse s'ensuivre les effets.
A partir de la ligne 27, il
disparaît complètement du récit, et c'est la carriole, le vieux mendiant, et un sur lequel nous reviendrons qui
apparaissent comme sujets..
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