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UNE FABLE DE LA FONTAINE. Le Coche et la Mouche

Publié le 03/07/2011

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Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au soleil exposé, Six forts chevaux tiraient un coche. Femmes, moine, vieillards, tout était descendu. L'attelage suait, soufflait, était rendu. Une mouche survient, et des chevaux s'approche, Prétend les animer par son bourdonnement, Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment Qu'elle fait aller la machine, S'assied sur le timon, sur le nez du cocher. Aussitôt que le char chemine, Et qu'elle voit les gens marcher, Elle s'en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l'empressée : il semble que ce soit Un sergent de bataille allant en chaque endroit Faire avancer ses gens et hâter la victoire.

(LA FONTAINE, Fables, VII, ix.)

Dans ce morceau de La Fontaine faire ressortir l'accumulation des détails pittoresques, la vie et l'activité des personnages, le caractère de la mouche ; faire comprendre ce que signifie l'expression si usitée « la mouche du coche « ; expliquer enfin les mots et locutions soulignés dans le texte.  Conseils pratiques. — « Faire comprendre ce que signifie l'expression si usitée: la mouche du coche«, — je détache cette phrase de la matière : c'est à cela que va tendre, d'un bout à l'autre, mon explication.  Pourquoi cette fable est-elle devenue si populaire ? Un certain nombre de raisons me sont déjà indiquées par la matière même ; c'est à moi à les faire valoir, et si j'en trouve d'autres, chemin faisant, je les ajouterai à celles-là.  Les « détails pittoresques «, je les chercherai tout d'abord dans la description qui ouvre le récit ; « la vie et l'activité des personnages « m'apparaîtront quand je ferai l'analyse des caractères, analyse dans laquelle je laisserai la première place au personnage principal dès qu'il sera entré en scène ; « le caractère de la mouche «, je ne verrai plus que lui, à partir du moment où la bestiole encombrante étourdit tout le monde de son chant de triomphe.

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« paresse, et qu'à la voir exiger insolemment la récompense de son précieux concours.

On peut prévoir, dès le vers16, ce qui se passera.

Dans les petits drames de La Fontaine, comme dans le théâtre classique, tout s'enchaîneselon les lois de la vraisemblance. III C'est une comédie en effet, et qui commence avec la description.

Poète classique, La Fontaine ne décrit pas pourdécrire.

La description fait partie de l'action.

Ce coche, massive et disgracieuse diligence, est un personnage dudrame.

Les six forts chevaux aussi.

Le décor est présenté avant eux.

Les détails pittoresques s'accumulent.

LaFontaine a vu tant de coches, et il a été égayé si souvent par des spectacles analogues à celui qu'il représente !Mais les détails ne s'accumulent pas sans choix.

Sobriété, c'est sa devise subordination à l'ensemble, c'est saméthode.

Tout sert à donner l'impression de la fatigue.

Nous sommes au milieu d'une côte, le terrain est ingrat, etpas un arbre sous le soleil ardent ! Depuis un long moment, on peine ; de là, les imparfaits.

Ceux qui avaient le plusde droits à rester, les femmes, les vieillards, sont déjà descendus ; entre les deux groupes s'est faufilé un moine (unseul ; il y en a, toujours un dans les diligences, a l'air de dire La Fontaine), un moine qui, semble- t-il, n'aurait pasdû attendre que les femmes lui donnassent l'exemple.

C'est dire que tout (= tous les voyageurs sans exception) estsur la route, attendant que le char s'ébranle, et prêt à le suivre à pied.

Car le conteur n'écrit pas que l'attelageavance : il était rendu = épuisé, immobile (rendu = soumis ; ayant cédé à la lassitude, n'en pouvant plus).

Il y a iciun temps d'arrêt : l'attention est excitée ; que va-t-il advenir ? La Fontaine n'a pas décrit pour décrire ; il a faitavancer l'action.Si les détails de la composition concourent tous au même but, il en est de même des détails du style et de laversification.

La première phrase (vers 1-4) est construite de manière à fixer notre attention d'abord sur la rudemontée et sur les alentours où tout grille sans répit, puis sur les six bêtes solides, et enfin sur le coche qui est aubout, et qui n'avance pas.

Trois adjectifs dans le premier vers, trois substantifs dans le quatrième, trois verbes dansle cinquième : mouvement pesant, monotone, régulier ; comment sortira-t-on de là?Le rythme peint, lui aussi.

Après les deux alexandrins du début, on est accablé : plus de souffle ; de là,l'octosyllabe.

Le vers 1 avec ses nasales alourdies, « monte» jusqu'au sixième pied, puis retombe deux fois aprèstrois syllabes ; le vers 2 s'étend, sans césure, à perte de vue, avec ses deux é qui sonnent agaçants ; le vers 3 estécrasé par les longues.

A présent, le vers est plus haletant : (2+2+2) + (1+5) ; tout est suivi d'une coupe : legeste est las.

Nous revenons alors au rythme du vers 1 avec une légère différence dans le dernier hémistiche ;l'assonance : ait marque une sorte de palpitation essoufflée.

Le vers tombe sur deux petits mots (2 + 2).

Alorsl'oreille attend la rime correspondante à coche.

Description et narration sont liées intimement. IV Sur la scène le personnage principal fait son entrée.

Dans cette fable dramatique, le caractère du protagoniste estle plus exactement étudié.

Des vaniteux, il y en a une foule dans La Fontaine.

La mouche du coche ne ressemble àaucun autre, tant elle est décrite avec précision par l'impertinence de ses gestes et de ses sentiments.

Ridiculedans les pensées, ridicule dans les actes : s'approche, prétend ; pique, pense.

Sottise au physique, sottise aumoral.

La Fontaine excelle à peindre, à travers l'extérieur qu'on voit, l'intérieur qu'on ne voit pas, et c'est sur lesdeux attitudes les plus significatives qu'il arrête notre attention.Toujours le même choix, habile, judicieux, élimine ce qui n'est pas directement utile au récit.

Mais le style a changé.Il est alerte et sautillant.

Les présents ont succédé aux imparfaits.

La véritable action commence, elle a lieu sousnos regards : survient, s'approche, prétend ( = a la prétention de) ; cela est vite fait.

Que d'agilité dans l'esprit etdans le corps ! Même effet dans la répétition du verbe : pique, suivi immédiatement de pense ; la mouche agit etraisonne avec la même précipitation inconsidérée.

La Fontaine sait bien fixer notre vue sur les mots importants pourle récit : la machine...

voilà encore l'idée de la lourdeur du coche que le bourdonnement de la mouche a l'ambition defaire avancer.

S'assied est le mot pittoresque et qui fait image; la voilà campée, dit-on? Pas du tout.

Au mêmeinstant, elle est ailleurs.Et quelle vivacité dans la versification ! Le vers 6, avec sa forte coupe à l'hémistiche, est d'une décision amusante ;le second ronronne, grâce à l'assonance (end, ent) et le long mot final qui susurre à nos oreilles.

Le vers 8 sautilleavec ses deux accents rythmiques sur pique, et reprend ensuite, au vers 7 avec l'hémistiche, [le « bourdonnement» de la bestiole (en, ent).

Rejet amusant : elle pense...

quoi ? Qu'elle fait aller.

L'octosyllabe est moqueur (je vousdemande un peu!) Quant au vers 10, il est drôle par sa coupe, qui donne au nez du cocher la même importancequ'au timon.

Nouveau temps d'arrêt, mais les rimes des vers 9 et 10, nous les attendons encore ; vite, passons à latroisième partie. V La Fontaine en a assez dit sur le manège de la mouche.

Il y a là un art des « laissés », ou, si l'on veut, un art demarquer l'entracte.

Quand le rideau se lève, le coche a démarré, et (remarquons la clarté, la vraisemblance desévénements) les voyageurs se mettent en marche.

En employant le même procédé, le conteur nous montre à la foisce que pense la mouche et ce qu'elle fait : elle se glorifie et on la voit partout.

Et alors, grâce à une comparaison. »

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