« Un roman n'est jamais une tranche de vie servie crue, mais toujours l'art qu'a un homme de trancher dans la vie pour la tirer au clair. » Claude Roy, Défense de la littérature. En vous fondant sur des exemples précis tirés de vos lectures, vous commenterez cette réflexion.

« études sur le vrai, sur le vif, sur le saignant » (Goncourt) ou une « photographie de la vie » (Maupassant). IIe Partie.

Le Roman et le choix artistique. Comment de cette réalité — souvent sans attrait — faire réalité d'art ? Le romancier doit à la fois respecter le réel, l'enregistrer impartialement et pourtant faire œuvre d'art. Maupassant constate dans la Préface de Pierre et Jean qu'une « photographie banale de la vie » est impossible et sans intérêt pour l'artiste. L'artiste doit « donner (de la vie) la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.

»(Id.) Ce dessein suppose un choix dans la multiplicité du réel, un art de mettre en relief les détails caractéristiques utilesau sujet, donc une vision personnelle plus vraie que la vérité. Comme dans la vie tout est sur le même plan, l'insignifiant et le caractéristique, l'artiste doit dans la masse du réel,trier et organiser « suivant l'importance (des détails), pour produire la sensation profonde de la vérité spéciale qu'ilveut montrer ».

(Maupassant.) « Faire vrai consiste donc à donner l'illusion complète du vrai, suivant la logique des faits, non à les transcrireservilement dans le pêle-mêle de leur succession.

» (Id.) Donc le culte de l'Art passe avant la réalité matérielle.

« L'artiste ne peut pas être un vil copiste.

» Ainsi Baudelaire s'étonnait que « la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur; il [lui] avait toujourssemblé que son principal mérite était d'être visionnaire et visionnaire passionné ». Car si l'artiste « tranche dans la vie pour la tirer au clair » (Roy), c'est parce qu'il est servi par un don spécial, qu'ils'applique à développer en lui, celui de laisser agir ses personnages qui vivent de leur vie propre, même si lespectacle de la vie est reproduit avec une « scrupuleuse ressemblance ». L'imagination vient superviser et dépasser l'observation.

Elle libère des contraintes du réel. Développer à ce propos le monde balzacien, la « planète Balzac , habitée par...

[des êtres] aussi vivants, plusvivants peut-être que les habitants de la planète Terre » (Mauriac).

Stylisation du réel, création de types, demythes.

Ces créatures sont vraiment « les enfants » des écrivains.

Un jour Rastignac jaillit du cerveau de Balzac etdepuis Rastignac est pour tout homme cultivé l'ambitieux de la Restauration, bien plus réel que tous les ambitieux quiont existé.

Ces types fournissent des références plus vivantes et plus pures que les vivants eux-mêmes.

Personnagesreprésentatifs d'un temps (Panurge-Tartufe-Figaro), ils deviennent des souvenirs éblouissants d'abord, puis fontchoc dans la conscience des masses, et deviennent éternels. D'autre part l'artiste complète ce don spécial qui le fait partir de la réalité brute, incohérente, puis composer, parl'intuition de découvrir dans les choses les plus banales « un aspect qui n'a été dit et vu par personne », si bien quela vérité de l'art reste la révélation dans « ce que tout le monde voit » (Maupassant), d'une part d'inconnu, unevérité de surprise, où malgré l'impartialité de l'artiste apparaît une interprétation personnelle du monde.

Ex.

de LaChartreuse de Parme (Stendhal). Le difficile, constate Flaubert, est de ne sacrifier ni l'exactitude à l'art, ni l'art à la vérité du fait. L'artiste doit tenir compte de la réalité intérieure des personnages et pas seulement des scènes d'extérieur qu'ilobserve. Une œuvre d'art est un « coin de la création vu à travers un tempérament » (Zola). Le vrai du roman est souvent plus vraisemblable que le vrai de la réalité et l'auteur évite de peindre les crises, les «catastrophes illogiques », moments exceptionnels de la vie qui est « encombrée de hasards et de futilités »(Maupassant). Le réalisme absolu est absurde : l'art transfigure les données de la vie, dont les matériaux lui servent de tremplinpour atteindre la beauté. « La photographie banale de la vie » ne peut donner une œuvre d'art, elle a besoin de retouches.

La « tranche devie ne peut être servie crue ».. »