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Un philosophe contemporain, Louis Althusser, affirme que le couple Famille-École a remplacé dans le monde moderne le couple Famille-Église pour la formation de la jeunesse et pour sa préparation à la vie, c'est-à-dire pour l'inculcation des valeurs du monde établi. Comment comprenez-vous cette prise de position ? Discutez-la.

Publié le 29/03/2011

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althusser

Jusqu'au XIXe siècle, l'Église avait une influence importante sur le pouvoir et détenait le monopole de l'enseignement2. Puis l'État s'est démarqué de l'Église, l'industrialisation et les progrès de la science ont ouvert les campagnes, la foi et la pratique de la religion se sont perdues. Quelles en ont été les conséquences pour l'éducation?    L'Église avait en effet presque le monopole de l'enseignement et de la culture, avec, pour les enfants de familles aisées les collèges et les couvents, pour les classes populaires le catéchisme, où les rudiments de culture étaient distribués par le curé. La famille et l'Église forment donc l'enfant, et l'on peut voir clairement le schéma de cette éducation dans les œuvres de la comtesse de Ségur (destinées à des enfants riches); il s'agit pour les enfants :   

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« laïque, volontiers anti-cléricale (avec des variations importantes suivant les provinces), l'école touchait un publicplus large encore que celui de l'Église.

Sûre de sa fonction — alphabétiser, apprendre leur langue aux milliers deFrançais qui ne la parlaient pas —, fière aussi de la laïcité, l'école rompait avec la morale chrétienne.

Mais c'étaitpour aussitôt en inventer une autre : la morale de la conscience.

Et cette conscience — qui désignait les devoirs,les obligations, le code du bon citoyen, — pour être républicaine, n'en parlait pas moins le même langage que Dieu :respect des pouvoirs, patriotisme...

Malgré la trilogie — égalité, liberté, fraternité —, cette école enseignaitl'admiration pour les conquérants et les colonisateurs, le mépris ou du moins la méconnaissance de ceux qui étaientcolonisés.

Elle entendait former d'« honnêtes ouvriers » qui ne faisaient jamais grève, celle-ci n'étant le fait que desivrognes ou des paresseux; elle faisait silence sur les grands événements qui marquaient le déchirement de l'universbourgeois (Juin 48, la Commune). c) Autrement dit, et c'est ce qui sans doute justifie l'assertion d9Althusser, pas plus que l'Église l'école n'étaitneutre; elle apprenait à chacun ce qu'il devait savoir, et rien d'autre, pour venir prendre sa place dans la société.Insistant sur le savoir-faire à acquérir (l'école républicaine avait d'abord le souci économique de former des paysanscapables de devenir des ouvriers d'industrie) beaucoup plus que sur la culture ou sur l'esprit critique (cela c'était àl'université qu'on pouvait le trouver : mais qui y avait alors accès?), l'école jouait ainsi le même rôle de l'Église deuxsiècles auparavant.

A cette différence près qu'elle ne promettait pas d'univers de rechange. 2e partie : l'école comme lieu et comme moyen de liberté Des trois instances évoquées par Althusser, l'école est sans doute celle qui s'est le plus radicalement transformée,et ceci très tôt, alors que le pouvoir familial notamment restait oppressant (voir, par exemple de ce point de vue, leproblème des filles).

Il serait d'ailleurs facile de montrer que même en ce qui concerne l'Église le problème n'était pasaussi simple et que des voix se sont fait entendre pour mettre l'Église au service des pauvres : Lamennais; ou quetous les écoliers n'ont pas eu au XIXe siècle que d'affreux prêtres inculcateurs (c'est le cas de Balzac élève, il estvrai, chez les Oratoriens qui avaient accepté la constitution civile du clergé) pour maîtres.

Mais il est sûr queglobalement Althusser a raison.

Pourtant :a) L'école a beau être le produit d'un « quadrillage », comme le dit Foucault, être le résultat d'une entreprisedisciplinaire, elle n'en est pas moins le résultat de luttes démocratiques pour la culture et l'égalisation des chances.Elle est ambiguë, comme tout le mouvement démocratique du xixe siècle. b) L'école « véhicule » les idées de la classe au pouvoir; elle prépare ceux qui seront les exécutants, en lesséparant de ceux qui seront les têtes pensantes.

Il faut bien prendre garde ici à un point capital : l'inculcation n'estjamais directe.

Elle ne se fait pas par des discours politiques (qui laissent le plus souvent totalement froids lesauditoires scolaires).

Elle se fait par une méthodologie de détail, par des techniques (par exemple tout ce qui tientau classement, aux performances scolaires, au passage d'une classe à l'autre, au système de compétition).

Mais,parmi ceux qui dénoncent ce rôle « inculcateur » de l'école, y en a-t-il beaucoup qui soutiendraient que la solutionserait dans l'absence d'école? Livrée à elle-même, l'école risque bien d'échapper à ce qu'on veut faire d'elle : lachasse aux instituteurs par Montalembert (après 1848), la loi Falloux qui met les instituteurs sous la surveillancedirecte de l'Église, la législation du second Empire qui les soumet aux préfets, la fermeture des écoles normales parle gouvernement de Vichy prouvent assez que l'école n'a pas cette cohérence idéologique sans faille que pouvaitavoir l'Église.

Elle est un lieu contradictoire, de bonne heure facilement pénétrée par les idées progressistes.

Elle n'arien d'un bloc. c) L'école est traversée de courants contraires, depuis qu'elle s'est « démocratisée », c'est-à-dire depuis que, pourrépondre aux nécessités démographiques et aux besoins de la formation moderne, elle a étendu son champ d'action,recruté des maîtres de plus en plus nombreux et divers, depuis en fait qu'elle reflète de façon plus large et plusexacte l'éventail des problèmes de la société.

Il est sûr que l'école est aujourd'hui un univers infiniment moinsprotégé que pouvait l'être un collège de Jésuites au XVIIe siècle. d) Limitées sans doute, ces possibilités contraires existent.

Il ne faut pas s'en servir comme de masques pourcacher le reste, et il faut évidemment savoir à quelle illusion elles peuvent mener : l'illusion pédagogique, qui faitpenser — ou espérer — que l'école à elle seule peut changer les choses. Quand, du reste, elle rêve de les changer un peu, d'inquiéter, de faire réfléchir, l'école est très solitaire : la famille,généralement, tire plutôt dans l'autre sens avec le souci, très légitime, d'assurer l'avenir professionnel des enfants.La démarche pédagogique est une démarche particulière : elle a une fonction, qui est en effet de préparer à unavenir dans le monde; mais cette fonction est inséparable de l'autre, la fonction critique, l'aptitude à interroger, àprendre ses distances par rapport au monde.

L'intérêt de l'affirmation d'Althusser est de mettre en pièces l'idéerépandue et rassurante d'une école neutre, qui n'aurait pour but que le développement harmonieux de chacun.L'âpreté des controverses sur l'école est bien la preuve qu'il ne s'agit pas d'un problème simple et facile à régler.

Del'analyse lucide d'Althusser, on peut tirer des éléments pour réfléchir : il serait en revanche aberrant d'en garderl'idée qu'il faut brûler l'école.

Copie d'élève Jusqu'au XIXe siècle, l'Église avait une influence importante sur le pouvoir et détenait le monopole de. »

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