Un « Paysage lyrique » de Lamartine (Les cinq premières strophes de l'Isolement)
Publié le 17/02/2012
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LamartineL’Isolement
L'isolement figure en tête du petit recueil qui déchaîna l'enthousiasme d'une génération en quête de « son « poète. Cette Méditation est le type achevé de ces épanchements tendres et mélancoliques d'une âme douloureuse qui s'abandonne à ses vagues inspirations. Elle ne renferme pas tout Lamartine, mais elle est spécifiquement « lamartinienne «. Nul n'avait encore trouvé de semblables accents et aucune lyre ne les a retrouvés depuis.
Après la mort d'Elvire — Mme Julie Charles — (18 décembre 1817), le poète, désemparé, s'est réfugié à Milly, dans sa famille. Il traverse alors une crise à la fois morale et religieuse. Le souvenir de son amour brisé le hante. Il s'isole et, seul avec lui-même, il revit les bonheurs évanouis; il replace dans leurs cadres divers ses chers souvenirs; il confie sa détresse à la nature, qui naguère le charmait....

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Avant de nous y livrer, remarquons que ce tableau poetique n'est pas com-
pose, dessine, colorie a la maniere traditionnelle et meme selon les lois de
la logique et de l'esthetique.
C'est un panorama chaotique, une superposi- tion de visions successives, qui se completent en se succedant.
Quelque chose
de In precedente reste dans la suivante; toutes se relient et s'embrassent
pour engendrer ce que les romantiques nommaient l'unite d'impression.
Le lien qui les rassemble, la force qui les coordonne, c'est le lyrisme du
poete, sa « meditation », son e moi ).
1" Strophe.
Des les premiers vers, nous comprenons que Lamartine ne
se propose pas de decrire le paysage qu'il a sous les yeux, mais de situer
sa tristesse, sa solitude morale dans un decor composite on son imagination
entasse pale -male le reel et l'irreel.
La montagne n'est pas une montagne, mais une modeste colline, comme
toutes celles du Maconnais.
Les commentatenrs designent le Craz, a l'ouest de Milly.
Le chene, l'un des arbres du taillis qui le couronne, n'est pas isole
Ce vieux chene, temoin de ses larmes, est devenu son confident, car les
poetes parlent aux arbres.
Victor Hugo les interpelle en ces termes :
Arbres de la foret, vous connaissez mon dine...
Lamartine est monte vers ce lieu solitaire, propice A son deuil, a l'heure
idoine : le toucher du soleil.
Heure melancolique, elle incline a la reverie
triste, elle invite a la meditation sur tout ce qui fuit, echappe et meurt.
Moment unique pour songer a la blanche vision si vite apparue et effacee!
Site et moment s'accordent a ses regrets; et cela lui importe plus que leur
beaute intrinseque.
Et que va-t-il faire an terme de son ascension? Contempler une fois de
plus le spectacle qui charmait son heureuse adolescence; la e terre natale
apres laquelle it soupirera en son I brillant exil ) de Florence? Non, it n'est
plus capable de fixer le site familier, d'arreter sa vue sur ces re objets ina-
nimes >> qui, malgre lui, se sont attaches a son ame et lui commandent de
les aimer.
Il s'assied tristement sur la time du monticule, et IA it promene
au hasard ses regards sur la plaine.
Quel accent desabuse dans ce vers,
quelle lassitude! Il ne retient rien de la forme, de la couleur de tons les vains objets ) qui l'entourent.
Il n'en vent voir que l'aspect variable et
fugace.
e Pourquoi, se dit-il, creature d'un jour qui t'agites une heure,
poser tes yeux sur ce evallon de ten enfance » ? Pourqoi t'y attacher? La
montagne, le chene, la plaine, comprennent-ils to douleur? > Un tableau
changeant, un decor ephemere, sur lequel plane son indicible tristesse :
voila ce qu'est, ce soir, la Nature pour Lamartine.
2' Strophe.
Son ame desolee s'en va, du fleuve an lac, sans se poser nulle
part.
Le disparait avec cette seconde strophe, pour ne reparaitre,
fantome errant, qu'a la cinquieme.
Mais ne nous y trompons point; invisible.
it demeure present; rien de moins objectif que les trois strophes on
semble s'echpser.
Visiblement, Lamartine se soucie peu de parler it nos yeux.
Impossible
d'imaginer comment s'ordonnent les elements du paysage evoque.
Il se con-
tente de rendre nonchalamment des impressions les ones visuelles, les autres tout interieures, qui ne se peuvent flatter d'être suivies, ni d'être
nettes.
Ce fleuve qui gronde, qui ecume, qui ensuite, calm& serpente dans la
plaine, et, finalement, s'enfonce en un lointain obscur, quel nom lui donner?
La Saone? Mais du sommet du Craz cette riviere paisible apparalt comme
une ligne droite.
C'est it elle, cependant que le poete a tout d'abord pense.
La premiere version la designait clairement :
lei, le fleuve en paix roule ses eaux dormantes.
Est-ce le Rhone, apercu du mont du Cat, et auquel conviendrait mieux
les mots : mugit, gronde, ecumantes? Est-ce la Leysse, qui bondit des Alpes, et va se deverser dans le lac du Bourget? Mais alors ce torrent ne serpente
pas! Les traits qui ne conviennent exactement a aucun de ces tours d'eau les rappellent tous trois : Ii y a superposition.
Le paysage d'hier se male
a celui d'aujourd'hui; in colline de Milly se confond avec ses grandes
Avant de nous y livrer, remarquons que ce tableau poétique n'est pas com posé, dessiné, colorié à la manière traditionnelle et même selon les lois de fa logique et de l'esthétique.
C'est un panorama chaotique, une superposi tion de visions successives, qui se complètent en se succédant. Quelque chose de la précédente reste dans la suivante; toutes se relient et s'embrassent pour engendrer ce que les romantiques nommaient l'unité d'impression.
Le lien qui les rassemble, la force qui les coordonne, c'est le lyrisme du
poète, sa «méditation», son «moi».
i re Strophe. Dès les premiers vers, nous comprenons que Lamartine ne
se propose pas de décrire le paysage qu'il a sous les yeux, mais de situer
sa tristesse, sa solitude morale dans un décor composite où son imagination entasse pêle-mêle le réel et l'irréel.
La montagne n'est pas une montagne, mais une modeste colline, comme
toutes celles du Mâconnais.
Les commentateurs désignent le Graz, à l'ouest
de Milly. Le chêne, l'un des arbres du taillis qui le couronne, n'est pas isolé
Ce vieux chêne, témoin de ses larmes, est devenu son confident, car les
poètes parlent aux arbres.
Victor Hugo les interpelle en ces termes :
Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme...
Lamartine est monté vers ce lieu solitaire, propice à son deuil, à l'heure
idoine : le coucher du soleil.
Heure mélancolique, elle incline à la rêverie triste, elle invite à la méditation sur tout ce qui fuit, échappe et meurt.
Moment unique pour songer à la blanche vision si vite apparue et effacée! Site et moment s'accordent à ses regrets; et cela lui importe plus que leur beauté intrinsèque.
Et que va-t-il faire au terme de son ascension? Contempler une fois de plus le spectacle qui charmait son heureuse adolescence; la «terre natale »
après laquelle il soupirera en son « brillant exil » de Florence? Non, il n'est plus capable de fixer le site familier, d'arrêter sa vue sur ces « objets ina nimés » qui, malgré lui, se sont attachés à son âme et lui commandent de les aimer. Il s'assied tristement sur la cime du monticule, et là i7 promène au hasard ses regards sur la plaine.
Quel accent désabusé dans ce vers,
quelle lassitude î II ne retient rien de la forme, de la couleur de tous les
« vains objets » qui l'entourent. Il n'en veut voir que l'aspect variable et fugace. «Pourquoi, se dit-il, créature d'un jour qui t'agites une heure, poser tes yeux sur ce «vallon de ton enfance»? Pourqoi t'y attacher? La montagne, le chêne, la plaine, comprennent-ils ta douleur?» Un tableau
changeant, un décor éphémère, sur lequel plane son indicible tristesse :
voilà ce qu'est, ce soir, la Nature pour Lamartine.
2* Strophe.
Son âme désolée s'en va, du fleuve au lac, sans se poser nulle part. Le « moi » disparaît avec cette seconde strophe, pour ne reparaître,
fantôme errant, qu'à la cinquième. Mais ne nous y trompons point; invisible, il demeure présent; rien de moins objectif que les trois strophes où il semble s'éclipser.
Visiblement, Lamartine se soucie peu de parler à nos yeux.
Impossible
d'imaginer comment s'ordonnent les éléments du paysage évoqué.
Il se con
tente de rendre nonchalamment des impressions les unes visuelles, les autres tout intérieures, qui ne se peuvent flatter d'être suivies, ni d'être nettes.
Ce fleuve qui gronde, qui écume, qui ensuite, calmé, serpente dans la plaine, et, finalement, s'enfonce en un lointain obscur, quel nom lui donner?
La Saône? Mais du sommet du Craz cette rivière paisible apparaît comme une ligne droite. C'est à elle, cependant que le poète a tout d'abord pensé.
La première version la désignait clairement :
Ici, le fleuve en paix roule ses eaux dormantes.
Est-ce
le Rhône, aperçu du mont du Cat, et auquel conviendrait mieux
les mots : mugit, gronde, écumantes? Est-ce la Leysse, qui bondit des Alpes,
et va se déverser dans le lac du Bourget? Mais alors ce torrent ne serpente
pas! Les traits qui ne conviennent exactement à aucun de ces cours d'eau
les rappellent tous trois : Il y a superposition. Le paysage d'hier se mêle
à celui d'aujourd'hui; la colline de Milly se confond avec ses grandes.
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