Un paysage alpestre et sauvage Livre IV, Folio (Gallimard), pp. 227.228 dans le livre IV des Confessions
Publié le 02/08/2014
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Dans le livre IV des Confessions, Rousseau raconte quelques-uns des grands voyages entrepris à pied, entre 1730 et 1731. Cette vie errante et vagabonde, mais qui lui procure des joies intenses, le conduit jusqu'à Paris où il pense retrouver Mme de Warens. Mais elle n'est plus là. Jean Pacques reprend le chemin de Chambéry, où sa protectrice est retournée. Après un séjour à Lyon, en roule vers la Savoie, il traverse des paysages de montagne.
Le coeur me battait de joie en approchant de ma chère Maman, et je n'en allais pas plus vite. J'aime à marcher à mon aise, et m'arrêter quand il me plaît. La vie ambulante est celle qu'il me faut. Faire route à pied par un beau temps, dans un beau pays, sans être pressé, et avoir pour terme de ma course
5 un objet agréable : voilà de toutes les manières de vivre celle qui est le plus de mon goût. Au reste, on sait déjà ce que j'entends par un beau pays. Jamais pays de plaine, quelque beau qu'il fût, ne parut tel à mes yeux. Il me faut des torrents, des rochers, des sapins, des bois noirs, des montagnes, des chemins raboteux à monter et à descendre, des précipices à mes côtés qui me fassent bien peur. J'eus ce plaisir, et je le goûtai dans tout son charme en approchant de Chambéry. Non loin d'une montagne coupée qu'on appelle le Pas-de-l'Échelle, au-dessous du grand chemin taillé dans le roc, à l'endroit appelé Chailles, court et bouillonne dans des gouffres affreux une petite rivière qui parait avoir mis à les creuser des milliers de siècles. On a bordé le chemin
15 d'un parapet pour prévenir les malheurs : cela faisait que je pouvais contem¬pler au fond et gagner des vertiges tout à mon aise ; car ce qu'il y a de plaisant dans mon goût pour les lieux escarpés, est qu'ils me font tourner la tête, et j'aime beaucoup ce tournoiement, pourvu que je sois en sûreté. Bien appuyé sur le parapet, j'avançais le nez, et je restais là des heures entières, entrevoyant
20 de temps en temps cette écume et cette eau bleue dont j'entendais le mugis¬sement à travers les cris des corbeaux et des oiseaux de proie qui volaient de roche en roche et de broussaille en broussaille à cent toises au-dessous de moi. Dans les endroits où la pente était assez unie et la broussaille assez claire pour laisser passer des cailloux, j'en allais chercher au loin d'aussi gros que je
25 les pouvais porter ; je les rassemblais sur le parapet en pile ; puis, les lançant l'un après l'autre, je me délectais à les voir rouler, bondir et voler en mille éclats, avant que d'atteindre le fond du précipice.
Plus près de Chambéry j'eus un spectacle semblable, en sens contraire. Le chemin passe au pied de la plus belle cascade que je vis de mes jours. La mon
30 tagne est tellement escarpée, que l'eau se détache net et tombe en arcade, assez loin pour qu'on puisse passer entre la cascade et la roche quelquefois sans être mouillé. Mais si l'on ne prend bien ses mesures, on y est aisément trompé, comme je le fus: car, à cause de l'extrême hauteur, l'eau se divise et tombe en poussière, et lorsqu'on approche un peu trop de ce nuage, sans
35 s'apercevoir d'abord qu'on se mouille, à l'instant on est tout trempé.
LES CONFESSIONS DE ROUSSEAU
(COMMENTAIRE)
Enjeu : les plaisirs intenses d'un promeneur solitaire
Après un rappel du but du voyage, Rousseau nous révèle (1. 2 à 10) son goût pour la marche et la nature, indiquant quel type de lieu il aime par-courir (les montagnes). Puis dans une description, il précise les circons-tances dans lesquelles il a pu satisfaire ce goût. Cette description se fait en deux temps : c'est d'abord celle de la contemplation d'un précipice au fond duquel coule un torrent de montagne (1. 10 à 27) ; c'est ensuite le passage sous une immense cascade (1. 28 à 35).
Cette évocation d'une promenade en montagne est révélatrice d'un goût nouveau pour la nature sauvage, qui s'affirme en littérature et en peinture dans la seconde moitié du xviie siècle. En même temps elle correspond à la sensibilité de Rousseau, qui goûte là un plaisir singulier: dans ce lieu primitif, portant peu de marques de la civilisation, il s'abandonne à des joies élémentaires et se sent en accord avec la nature.
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LES CONFESSIONS DE ROUSSEAU
(COMMENTAIRE)
Enjeu : _les plaisirs intenses d'un promeneur solitaire
Après un rappel du but du voyage, Rousseau nous révèle (l.
2 à 10) son
goût pour la marche et la nature, indiquant quel type de lieu il aime par
courir (les montagnes).
Puis dans une description, il précise les circons
tances dans lesquelles il a pu satisfaire ce goût.
Cette description se fait en
deux temps: c'est d'abord celle de la contemplation d'un précipice au
fond duquel coule un torrent de montagne (1.
10 à 27); c'est ensuite le
pas.age sous une immense cascade (1.
28 à 35).
Cette évocation d'une promenade en montagne est révélatrice d'un goût
nouveau pour la nature sauvage, qui s'affirme en littérature et en peinture
dans la seconde moitié du XVIII(' siècle.
En même temps elle correspond à
la sensibilité de Rousseau, qui goûte là un plaisir singulier: dans ce lieu
primitif,
portant peu de marques de la civilisation, il s'abandonne à des
joies élémentaires et se sent en accord avec la nature.
0 Le paysage alpestre
Rousseau décrit la montagne en privilégiant certains éléments: il souligne
l'aspect accidenté, grandiose et sauvage du lieu, tout en usant d'un voca
bulaire délibérérnent privé de pittoresque.
Des lieux tourmentés.
La montagne est d'abord ce lieu «escarpé" (1.
17,
l.
30) où tout est vertical.
On notera l'insistance du vocabulaire sur cette
dimension: verbes («à monter et à descendre>» «creuser,,, ,,se détache",.
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