Un noyau dramaturgique Dom Juan-Sganarelle une peinture nuancée
Publié le 05/08/2014
Extrait du document
La dramaturgie de Dom Juan frappe, à première saisie, par
sa complexité; multiplicité des éléments, grande variété dans
la composition, dissymétrie de la construction, la pièce
semble échapper à toute règle, se refuser à toute classification.
C'est ce qui explique cette incompréhension dont elle
a été longtemps victime, rebutant la critique par ces aspects
de météorite tombé d'un autre monde, en pleine rigueur
louis-quatorzième : disparate, aberrante, ambiguë, tels sont
les qualificatifs pleins de sous-entendus péjoratifs qui viennent
tout naturellement sous la plume des commentateurs
à la recherche d'un ordre et d'une clarté classiques; baroque,
telle est l'appellation moins défavorable qu'on lui applique
aussi. Mais cette oeuvre est-elle réellement marquée du
sceau de l'exceptionnel, en une période où, après tout,
nous l'avons vu, refuser les carcans est une attitude fréquente?
Et surtout ces jugements n'enferment-ils pas
Molière dans le cadre étroit de la régularité?
«
comme une comédie d'intrigue traditionnelle qui se déroule dans le cercle fermé de la famille : le jeune premier, Dom Juan et son valet, Sganarelle; la jeune première, Elvire et son écuyer, Gusman; les frères d'Elvire, Dom Carlos et
Dom Alonse; le père de Dom Juan, Dom Louis.
Cette
distribution ne diffère que fort peu de celle d'une pièce
comme /'Étourdi, qui se situe d'ailleurs elle aussi en Sicile,
avec le jeune Lélie et son serviteur Mascarille, la jeune Hip
polyte, Léandre, fils de famille, les deux pères, Pandolfe
et Anselme.
Tous ces personnages pourraient facilement entrer dans
le cadre d'une action au stéréotype déjà bien éprouvé :
deux jeunes gens veulent se marier, mais les parents s'y opposent pour des raisons d'ordre social.
Avec laide de
leurs serviteurs et l'appui d'autres alliés, parfois malgré l'opposition de rivaux, ils parviendront, en fin de compte, à
vaincre les obstacles et à réaliser leurs aspirations.
Dans ce système, les paysans et le marchand s'inté greraient sans difficultés, en tant qu'intermèdes plus ou
moins liés au fil principal; ils viendraient ainsi, comme le
vieillard Trufaldin
de !'Étourdi, épicer la pièce d'un comique
plus gros, né du caractère haut en couleur de leur emploi.
Quant au spadassin ou au pauvre, ils seraient destinés à
corser la situation, en faisant intervenir au besoin le piment
de l'inattendu, comme Ergaste, ami de Mascarille ou Andrès,
«cru égyptien» de /'Étourdi.
Une distribution hétéroclite
Mais une analyse plus sérieuse doit bien vite faire abandon
ner cette piste.
De nombreux éléments sont visiblement
incompatibles avec la comédie d'intrigue : comment inter
préter le spectre et la statue du commandeur, intrusion d'un surnaturel inquiétant tout à fait étranger au genre?
Comment justifier lorigine noble de cinq des personnages,
accompagnés de surcroît, comme pour bien souligner leur
naissance, d'une suite nombreuse, émergence évidente du
registre de
la tragi-comédie? Commment expliquer, en
fonction de cette grille, qu'Elvire soit présentée comme
«femme de Dom Juan »7
En fait, on verra, au fil de la pièce, qu'aucun schéma
124.
»
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