Un dictionnaire donne pour le mot « tolérance » le sens d’« indulgence, condescendance pour ce qu’on ne peut empêcher ». Qu’en pensez-vous ?
Publié le 02/11/2016
Extrait du document
INTRODUCTION
Le mot de « tolérance » que l’on emploie si fréquemment de nos jours, n’apparaît guère qu’au xvie siècle dans notre littérature : il correspondait alors à un besoin, à un idéal qui se firent jour après les guerres de religion. Mais c’est surtout au xviiie siècle que Voltaire employa le terme dans l’acceptation qui nous est familière. Encore faut-il définir exactement le sens que nous lui donnons. D’après un dictionnaire, la tolérance serait «indulgence, condescendance pour ce qu’on ne peut empêcher ». Si cette définition correspond assez à l’usage qu’on fit du mot au xvne siècle, elle ne nous satisfait pas totalement aujourd’hui, et la notion qu’elle recouvre ne se heurte pas sans mal à la réalité.
I. LA DÉFINITION DU DICTIONNAIRE
Indulgence, condescendance Les termes employés dans
cet article pour analyser l’attitude de l'homme tolérant ont un sens précis. L’indulgence désigne une acceptation volontaire des actes d’autrui, un refus d’agir contre lui, et surtout d'agir par la force. En ce sens, nous pouvons voir là une marque de générosité. Il est à noter cependant que le mot est fréquemment utilisé pour qualifier la conduite des adultes à l’égard des enfants, et nous y percevons la nuance de sens qui devient la dominante de la « condescendance ». Si un sourire indulgent traduit déjà des intentions protectrices, un sourire « condescendant » marque une profonde satisfaction de soi, le sentiment intérieur d’une supériorité indiscutable. Tolérer les idées d’autrui ou ses actes, ce serait donc accepter, par bienveillance pure, de s’abaisser à son niveau avec la conviction qu’on a soi-même raison, et que l’autre a tort. C’est l'attitude des Pharisiens qui peuplent les romans de Mauriac, c’est celle d’Oscar Thibault en face de Madame de Fontanin dans l’œuvre de Martin du Gard. Ils octroient leur tolérance à leur entourage.
«
Ce qu'on ne peut empllcher Il est vrai qu'un pers onnag e
co mm e Oscar Thibault est
tolérant aussi par nécessité.
La tolérance telle que nous l'avons
d éfinie n'est pas seulement une dispos ition intérieu re : c'es t
u ne cer taine manière de concevoir les rapports entre l'i ndividu
et la société.
Nous y trouvo ns d'abord une pris e de con sci ence
lucide et réa liste de ce qui es t possible ou non : on se rés ign e
alors à une
situation qui ne paraît pas aisément modifiable.
La société offre chaque jour le spectacle de ces hommes
q ui ne combattent pas les op i n ions adverses si leur s intérê ts
risquent d 'en souffrir , m ais qui impose nt les leurs s'ils le peuvent.
Chez beaucoup la tolérance apparente cache
le regret profond
de ne pou voir conva incre autru i.
par la force : dans la Chronique
des Pasquier de Duh ame l, Jose ph ne laisse q u'à contre-cœu r
les mem bres de son en tourage acquérir leur ind épe ndanc e.
Peut-on parle r de« tolérance» lo rsqu'il s:agit d'une acceptation
p lu s ou moins imposée du fait accompli ?
Conséquences de cetre définition Bea uco up ont voulu s'ar rêter à cet aspec t, et, «vo missant les tièdes », ont refusé la toléra nce , car , vue sous
ce jour, elle jus tifie de nombreuses accusations.
Peut-on d'abord à la fo is être co nvain cu d'une vérité et accepter que tous ne le
so ie nt pas? Cela suppose une conviction peu ardente, bien proche de l'indifférence, et Claudel a so uvent utilisé cet argument
contre ceux qui lui reprocha ient
un certai n fana tism e.
D ans ces perspectives, ce son t les « hommes d e peu de foi >> qui prati
queraient la toléran ce, avec les paresseux , qui craignent de
d éra nge r leur tranqui
llité, avec l es pessimi stes, qui ne croient
p as à la vertu des petit s no mb res, avec les lâc hes qui ont peur de se nuire à eux-mêmes.
Comment vanter dès lors une attitude
qui se conf on d souvent avec certains dé faut s et s'oppose aux vertus viril es que 1 'on prône traditionnellement , le courage,
la combativité?
Il.
LA VRAŒ TOLÉRANCE
En fait, le dictionna ire ne retie nt que les aspects extérieurs
de la tolérance : elle ne co ns iste pas seulemen t
à s'abstenir de toute action.
Ceux qui la prêchaient au lendemain des guerres
de r eligio n n'en de ma ndaient certes pas davant age pour mettre fin au massacre , mais Monta igne et l es philosophes du xv111 e siècle e n exigeaient plu s..
»
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