Un critique contemporain écrit : « Les Confessions n'ont pas seu-lement pour fonction d'être une justification et un témoignage : pour un Rousseau meurtri, elles sont [...] une consolation, une chanson qui berce la misère humaine». Vous direz dans quelle mesure cette phrase peut servir de définition aux quatre premiers livres des Confessions.
Publié le 09/11/2010
Extrait du document
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l'extrême, de cette sorte, représente d'une certaine façon tous les malheurs, et chacun cherchera sa propreexpérience derrière celle de l'auteur.
Toutes les expériences sont relatées, depuis l'éducation scolaire chez lesLambercier aux voyages, aux errances, sans un sou en poche; en passant par la mise en apprentissage, à proposduquel Rousseau confie : «Je ne finirais pas ces
détails si je voulais suivre toutes les routes par lesquelles, durant mon apprentissage, je passai de la sublimité del'héroïsme à la bassesse d'un vaurien.
» Cet apprentissage d'un métier fut aussi celui de la vie, et le jeune homme endécouvrit à cette occasion toutes les rudesses.
C'est d'ailleurs à l'occasion de ce récit que la « misère humaine »est peut-être la plus perceptible.
En effet, la plupart des désillusions de l'auteur sont provoquées par les êtres qu'il rencontre, et par lefonctionnement de la société en général.
On rejoint d'ailleurs ici l'une de ses idées majeures, sans aucun doute néede sa propre expérience : l'homme, à l'état naturel, en naissant, est fondamentalement bon, mais se corrompt aucontact des autres, de la société : il prend « les vices de [son] état ».
Et c'est bien l'image, la matérialisation de lamisère humaine qui jaillit dans le récit de ces années d'apprentissage.
« [Son] maître [1']épiait, [...] le battait ».Rousseau dénonce l'importance de cette rencontre avec un mauvais maître, qui l'a fait s'« abandonner à la fatalité de [sa] destinée ».
Il imagine quelle aurait été sa vie, s'il avait eu « un meilleur maître » : il aurait été « bonchrétien, bon citoyen, bon père de famille, bon ami, bon ouvrier, bon homme en toute chose [...].
Au lieu de cela...Quel tableau [va-t-il] faire ?» Or, combien de pauvres diables auront été dans son cas sans pouvoir, commeRousseau, l'exprimer ? Combien, aujourd'hui encore, ont-ils une vie qui correspond si peu à leurs aspirations ? C'estbien la misère humaine qui est représentée à travers ce cas particulier.
[La recherche d'une consolation]
C'est finalement une consolation que recherche l'auteur, en apitoyant le lecteur.
Celui-ci oubliera lui aussi, à travers la lecture, ses propres difficultés.
Enfin, cette œuvre est une écriture de l'espoir car, malgré ses débuts malheureux,Rousseau n'est-il pas passé à la postérité?
Rousseau cherche, en provoquant la pitié du lecteur, à s'attirer sa sympathie.
Dans son sens étymologique, ceterme ne désigne-t-il pas la faculté de souffrir avec autrui ? L'auteur se plaît à souligner sa fragilité : on a vu dequelle manière il se présentait dès la naissance.
Si on repense à l'épisode du vol des asperges, on voit que, làencore, il met en valeur son innocence : « ce sont presque toujours des sentiments mal dirigés qui font faire auxenfants le premier pas vers le mal ».
C'est donc malgré lui qu'il a été poussé vers les mauvaises actions, et lelecteur sera compréhensif à son égard, ce qui représente un soulagement pour Rousseau, qui cherche à se justifierdans cette œuvre : « je voudrais pouvoir en quelque façon rendre mon âme transparente aux yeux du lecteur, [...]afin qu'il puisse juger par lui même du principe qui [...] produit » ses actions.
Ce même lecteur trouvera dans sa lecture des Confessions une échappatoire à ses propres « misères », et en s'intéressant à la « fatalité » de la destinée de l'auteur, oubliera ses difficultés, et les relativisera pour un temps.C'est la purgation, la purification par l'écriture qui est mise en oeuvre ici.
Enfin, le bilan reste malgré tout positif, car si Rousseau a eu une enfance qui semble misérable, il a tout de même pus'exprimer, ce qui n'aurait sans doute pas été possible sans l'intermédiaire de l'écriture, étant donné sa lenteurd'esprit, comme il se complaît à l'évoquer.
Il y a sans doute eu des destins plus malheureux que le sien I Il reste eneffet l'une des grandes figures du XVIIIe siècle, passée à la postérité.
Cet exemple de destinée mal engagée dont lasituation se renverse ensuite offre une consolation à la « misère humaine » qui a ainsi trouvé un porte-parole de choix!
[Conclusion]
Rousseau et son lecteur entrent donc dans un rapport de sympathie, et s'apportent un réconfort mutuel : si l'auteurse raconte pour être compris, le lecteur y trouve une distraction à ses propres malheurs.
De fait, même si lesConfessions se réclament du genre autobiographique et si l'écrivain affirme sa différence de l'ensemble du commun des mortels, son oeuvre évoque toutes les misères humaines, celle du mensonge, de la lâcheté, des contradictionsde chacun.
On peut se demander dans quelle mesure le lecteur « voyeur » n'éprouve pas une certaine satisfaction à découvrirqu'il y a pire que lui....
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