Un bon poète n'est pas plus utile à l'Etat qu'un bon joueur de balles, a dit Malherbe. - Montrez, au contraire, combien les grands maitres de la pensée sont la plus haute gloire de la patrie

« blique idéale, car, disait-il; l'imagination et la sensibilité prenant' llhez eux le pas sur la raison, on ne peut leur confier le gouverne­ ment de la cité.

Beaucoup pl11S tard, les Romantiques seront .d'un tout autre avis.

Hugo voit le poète comme un prophète qui inspire les décisions nécessair es; Vigny, comme le pilote qui cherche cc dans les étoiles » la marche du navire.

Entre ces deux opinions opposées, celle de Malh{lrbe srèuti ent que le poète n'es t ni dangereux, ni utile dans !~Etat; ce n'est qu'un cc bon joueur de balles », un amuseur, un virtuose quelconque qui s'adonne aux jeux subtils de ,l'esprit.

De tous oes avis contrair{ls, quel est celui qui, aujourd 'hui, nous apparaît le plus juste ? · Aucun, à vrai du·e, car il semble qu 'il y ait équivoque dans la question.

Le poète est-il utile à l'Etat par le rôle qu'il joue ·aans ln cho;;e publique, par une fonction d'homme poli tique qu'il serait tout naturellement appelé à exe rcer , ou bioen est-il utile à la nation !Jarce qu'il enchante et élève les âmes, parce qu 'il console, parce qu'il apaise, parce qu'il sout.i.ent ? On voit qu'il y a là une nuance indispensable à introduire.

A ceux qui offr ent au poète un rôle actif dans le gouvern ement, dans la direction des affaires publiques, n-ous répondrons que cette fonction ne correspond pas néc essai­ re ment au génie -~oétique et que peut-être même la faculté de rêve, · d e constructi\:m idéale qui constitue ce génie ne s 'accom­ mode guère de la pratique des réalités.

A ce titre, Platon n'a pas tout à fait tort de bannir le poète du .gouvern em ent de l'Etat, car ses utopi ·es pourrai ent y devenir dangereus es.

Pour la même rai­ sol1, Les Romantiques oommettent une grave erreur en lui re mettant la direction des affair es ae la nation.

La politique ne Se traite pa •S se ulement par les élans de la sensibil ité et par l'essor de l'imagi- nation.

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Malherbe a tort ·également en assimilant le poète à cc un bon joueur de baLles », car les jeux de la pensée ont une autre enver­ gure que les habiletés de la main.

Cet art de l'expression, cette scie nce du rythme ·que l e poèt e doit savoir manier n'existent que pour faire pénétrer sa pensée dans les int elli ge nces et dans les cœurs.

Avant tout, il est un créateur, un c J'é ateur d 'idéal! Il est infiniment ;plus utile à la nation que n'importe quel homme poli­ tique, puisqu'il enrichit les âmes ...

; dans la morne banali té d.e la vie quotidi e nne , il fait Juire de grands ray on s ·venant d 'un monde inconnu.

Il montr e que l a vie intéri-eure, la vie de s· senti­ m e nts et de s passions e st encore plus rée lle qu e tout ce qui fr a ppe les yeux.

Il enseig ne que, malgr é les cing l antes déceptions que chaqu e jo ur nou s réserv e, il vaut e nc ore mi e ux donner tout sotl être à ces sublim es rêv ·eri ·es d'amour , d 'héJ·oï s me et de folie qui nous entrain e nt au-dessus de la terr-e! Un pays n'es t grand que lorsqu -e de te ls homme s ont pu naître de· lui.

Ge sont les écrivains, les seme urs d'idée ·s qui constituent la plus pure g loi re d 'un e nation , car ils éclaire nt son peu ple , ils c hantent ses hauts fa its , ils la font briller aux yeux de l'é trang er comme aux yeux d·e la postérité.

Elle n'existe que par eux.

Ainsi, l'utilité du poète est indLscutabJ. e.

Il ne s'agi s sait que de la p. réc iser.

Elle est d' un caractè re moral plus que matéri el.

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