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THOU Jacques Auguste de (vie et oeuvre)

Publié le 08/11/2018

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auguste

THOU Jacques Auguste de (1553-1617). Par son ampleur (4 950 pages in-folio), par la réputation flatteuse dont elle a toujours été entourée, l'Historia sui temporis (traduite en 1734 sous le titre d'Histoire universelle) du président de Thou forme un de ces monuments de la littérature unanimement respectés mais peu fréquentés. Bien qu'elle soit rédigée en latin, elle doit être comptée au nombre des œuvres éminemment françaises, tant en raison de la personnalité de l'écrivain que de la signification de son entreprise. Ce haut magistrat a manifesté pendant les guerres civiles son attachement à la monarchie et à l'unité françaises, menacées par les prétentions espagnoles et romaines. Consacrée aux années 15431607, inspirée par un désir d'affirmation de la conscience nationale, cette Histoire, dédiée au roi, est destinée à consolider la victoire de Henri IV sur les fauteurs de division et de discorde. La publication des premiers livres en 1604 a constitué un événement politique et littéraire dont l'importance n'a pas échappé aux contemporains. Elle est apparue comme une collaboration à l'œuvre de redressement et d'unification du royaume, comme un plaidoyer en faveur de la tolérance et de la liberté nécessaires aux savants et aux lettrés.

 

Jacques Auguste de Thou, fils du premier président Christophe de Thou, appartient à l'une de ces grandes familles de parlementaires au sein desquelles « la succession aux plus hautes charges de l'État s'apparente à la transmission des fiefs dans les familles nobles ». Il reçoit auprès de maîtres comme Lambin, Cujas et Hotman la double formation juridique et humaniste qui assure aux membres de sa caste leur prééminence politique et leur autorité intellectuelle. Un voyage en Italie (1573-1574) avec l'ambassadeur Paul de Foix complète cette éducation. Sa carrière est alors celle d'un grand serviteur de la Couronne; pendant les troubles, il s'acquitte de diverses missions auprès des réformés et dans les États voisins. En 1594, il négocie l'entrée de Henri IV à Paris. Président à mortier du parlement en 1595, il collabore à la préparation de l'édit de Nantes; il fait partie de la commission de réforme de l'Université de Paris. Sa position éminente dans la haute administration, le magistère qu'il exerce au sein de la république des lettres facilitent la réalisation d'un projet conçu de longue date; l'interdépendance des politiques européennes et le caractère international des arts et des sciences 1' ont convaincu de rassembler dans une histoire totale les faits humains contemporains. Le choix de la langue latine, le refus catégorique de toute traduction en langue vulgaire soulignent cette volonté d'universalité.

 

Les premiers livres de 1' Historia sui tempo ris furent accueillis par un concert de louanges dans toute l'Europe cultivée. Mais, en dépit de son impartialité, de la prudence qu'il s'était imposée allant jusqu'à l'autocensure et malgré les efforts de ses amis et protecteurs, de Thou fut condamné par Rome en 1609. On ne lui pardonnait pas les jugements modérés sur les réformés, la condamnation de la Saint-Barthélemy, l'inspiration gallicane et irénique de l'ouvrage. Ses censeurs lui reprochent, par exemple, d'avoir présenté la mort d'un protestant comme un passage in meliorem vitam, comme s'il pouvait échapper à la damnation éternelle. Affecté par cette mesure qu'il espérait éviter, de Thou poursuit néanmoins son entreprise et publie en même temps des Mémoires (1614), qui sont une réponse à ses ennemis et une défense de son Histoire. Après sa mort, P. Dupuy et N. Rigault en donnent une édition complète en cinq volumes (1620).

 

Considérée comme un modèle insurpassable du genre historique par la hauteur de ses vues, sa probité, la majesté de son style, l'Histoire universelle a pris place dans toutes les bibliothèques du xviie siècle. Au siècle suivant, de Thou a fait figure de victime de l'intolérance et du fanatisme. La grande édition de Londres, en 1733, a voulu rendre hommage à un champion de la pensée libre, à un précurseur des Lumières. L'Histoire de De Thou nous apparaît aujourd'hui comme une enquête encyclopédique menée avec objectivité pour recenser les

auguste

« événements importants concernant la socié té humaine dan s les années 1540 -16 10.

Elle est marquée par un souci de rationali sation dans 1' enchaînement et 1' explic ation des faits, par le ref us des a pr iori théologiques et mythi­ ques.

A cette volonté de conna issance intellectuelle libé­ rée de la passi on et des préjugés correspond une esthéti­ que de la sobriété qui répugne aux ornements stylistiques et à l'o stentat ion.

A la des cription et à la présenta tion ( ec ph rasis) où triomphe la rhétori que des Jésuit es, amé­ nagée pour plaire et séd uire, de Thou oppose l'éloquence grave et austè re des magist rats gallica ns, qui donne à co mprendre .

Par bien des aspects, l'Histo ire univer selle est l'héri ­ tière de l'historiographie antique.

Elle reste imprégnée de mora lisme et de providentia lisme, elle s'attache enc ore à décrire des événements singuliers ayant eu pour acteurs des personnalités de premier plan.

Les discours placés dans la bouche des protag onistes sont encore une concession à la traditi on.

Mais la recherche et l'examen critique de sources variées, la volon té de rati ona lisation et de sécularisation installent cet ouvrage à 1' origine de l'hist oire moderne par l'application de principes et de méthodes qui sont encor e les nôtr es.

Il repré sente en outre l'une des dernières tentatives pour concilier la rigueur de l'ér udition et l'agrément de la narrati on, avant que soit consommé , au xvrr e siècle, le divorce entre les sa va nts et les écriva ins, entre une histoire rhétorique à voca tion mondaine et une histoire scientif ique réservée aux chercheurs et aux érudi ts.

BI BLIOGRAPHIE On croyait posséder une bonne édition des œuv res de Jacques Auguste de Thou avec celle de Londres (1733, 7 vol.

in folio) préparée par T.

Carte.

Les travaux de S.

Kinser, the Works of Ja cques August e de Thou (La Haye, Nijhoff, 1966), ont prouvé le cont raire .

Les traduc tions françai ses comme celles de « Lon dres >> (c'est à dire Paris, 1734, 16 vol.) ou de La Haye (1740, 11 vol.) ajoutent les difficultés inhérentes à cet exercice aux imperf ections de l'édition latin e.

La consu ltation des manuscrits originaux de la Bibliothèque nationale est donc indispensa ble au lecteur exigeant.

Il n'existe aucune étude d'ens emble sur l' Histo ria sui tempor is; on lira cepe ndant une analyse de la > dans Cl.

G.

Dubois, la Conce ption de l'hi stoire en France au xvi' siècle (1560 1 610), Pari s, Nizet, 1977.

Les démêlés avec Rome sont étudiés par A.

Soman, De Thou and the « Index » (Genève, Droz, 1972).

C.

Viva nti a présenté dans Lotta politica e pace religiosa in Francia fra Cinque e Seicent o (Tur in, Eina udi, 1963) la for mati on, le milieu social et intellectuel de De Thou.. »

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