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Temps et durée - Thérèse Raquin de Zola

Publié le 14/03/2020

Extrait du document

temps

« Les amants restèrent longtemps dans le taudis, comme au fond d’un trou. Tout d’un coup, Thérèse entendit l’horloge de la Pitié sonner dix heures. Elle aurait voulu être sourde » (p. 89).

La dilatation et la rétractation de l’instant caractérisent l’appréciation subjective du temps.

Les effets narratifs

Ce traitement du temps a des conséquences sur la matière narrative et sur son organisation.

La dilatation du temps signale toujours un épisode essentiel de l’intrigue. Elle rend sensible la disproportion existant entre la durée objective d’un fait et l’importance que celui-ci revêt. Ainsi, le meurtre de Camille ne dure que « quelques secondes » (p. 112). Tout se passe très rapidement, mais Zola le décrit pourtant pendant presque deux pages (p. 111-112). La « nuit de fièvre » que connaît Laurent dure au plus une dizaine d’heures mais un chapitre entier est consacré à l’évocation de ses cauchemars (chap. XVII). Il en va de même pour Thérèse, « visitée elle aussi par le spectre de Camille » (chap. XVII).

La rétractation du temps, à l’inverse, informe le lecteur, lui fournit des éléments indispensables à la compréhension de l’intrigue sans que ceux-ci constitue pour autant le corps de l’action : le chapitre II relate ainsi toute la jeunesse de Thérèse et de Camille jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Dans d’autres chapitres (chap. XIV par exemple), il s’agit de condenser la banalité et la monotonie du quotidien.

temps

« Seules les deux premières pages du premier chapitre sont écrites au présent (p.

31-32).

Il s'agit de la description du passage du Pont­ Neuf.

Ce présent a une double fonction.

Il enracine d'abord l'intrigue romanesque dans un décor réel, à la fois contemporain de l'écriture du roman, de la vie des personnages et des premiers lecteurs de Zola 1.

Et il est ensuite un gage de vérité : le narrateur omniscient 2 semble revenir sur les lieux du crime pour en décrire le cadre.

Le passage du présent au passé s'effectue par la phrase suivante: « Il y a quelques années, en face de cette marchande, se trouvait une boutique ...

» (p.

33).

L'œuvre se présente comme la reconstitution d'un fait accompli.

Elle gagne d'emblée en crédibilité.

1 Les marques temporelles Ce passé ne constitue pas une période indéfinie.

Des repères tem­ porels l'organisent.

Aucun d'eux ne renvoie à.

une date précise 3, mais chaque chapitre possède des marques temporelles qui inscri­ vent les événements dans une linéarité chronologique.

Ce sont par exemple des indications, même vagues, d'horaire journalier : « Le soir, dans la boutique» (p.

81); « un après-midi ...

» (p.

87); « un matin ...

» (p.

285).

Ou bien la mention d'un jour de la semaine : « Un jour sur sept, le jeudi soir ...

» (p.

53); « parfois le dimanche ...

» (p.

101 ).

Ailleurs ce sont des durées qui sont mentionnées : « Au bout d'une semaine ...

» (p.

128); « depuis deux mois ...

» (p.

251).

Ces références temporelles donnent au récit une sorte de mouve­ ment causal, qui en assure la cohérence.

En se succédant les uns aux autres, les événements semblent mieux découler les uns des autres.

1 Un temps discontinu Le temps de la narration n'est toutefois pas continu.

Il renferme des pauses et des trous.

Entre la décision de tuer Camille (chap.

IX) 1.

Pour les lecteurs d'aujourd'hui, ce présent de la descrtption devient un présent his­ torique, puisque le passage du Pont-Neuf n'existe plus.

2.

Cf.

p.

73.

3.

On peut tout juste déterminer la période.

Grivet dit travailler depuis 20 ans au Che­ min de fer Paris-Orléans (p.

54).

Or, la compagnie a été créée en 1838.

PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 83. »

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