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Temps et durée dans Une partie de Campagne (Maupassant et Renoir)

Publié le 05/12/2019

Extrait du document

temps

Quand les femmes se balancent, l'écrivain ralentit son écriture et, par rapport à la vitesse du flux précédent, on est en présence d'un phénomène de dilatation. Or, si l'on cherche à savoir quel est le sujet de cette durée valorisée, on constate qu'à ce stade Maupassant ne privilégie ni la mère ni la fille. Toutes deux bénéficient en effet approximativement de la même quantité ■ de texte, soit (dans l'édition de la Pléiade) dix-sept lignes pour Mme Dufour et dix-huit pour Henriette. À ce stade, on peut donc conclure à la présence d'un motif féminin collectif, ou, plus exactement, duel. Ce n'est qu'un peu plus loin que la dilatation de la durée « profitera » sans ambiguïté à la jeune fille, la désignant par ce biais comme sujet central. Ainsi, au cours de la promenade en yole, le couple formé par Mme Dufour et Rodolphe est-il expédié en quelques passages très succincts.

Maupassant une assez forte densité de marqueurs - le plus souvent des adverbes de temps - indiquant la progression de l'action. « Ensuite », « après », « enfin », « à la fin », « alors » donnent au texte, souvent en début de paragraphe, une sorte de mouvement causal qui en resserre le fonctionnement. Non seulement on avance, mais aussi on marque que l'on avance. Si le langage filmique ne possède évidemment pas d'adverbes de temps, il peut avoir recours à plusieurs procédés au moment du montage*. Nous ne prendrons ici qu'un exemple, celui du raccord liant deux plans* l'un à l'autre. Suivant la force et la perfection de cette soudure, on pourra ainsi obtenir un sentiment plus ou moins vif de consécution. En somme, plus les raccords - raccords dans le mouvement en particulier - sont assurés, plus la trame causale, et par conséquent chronologique, de l'histoire se trouve resserrée. Les raccords de Partie de campagne étant souvent très forts (un . geste commencé dans un plan* s'achève dans le suivant), ils contribuent à la vive impression de continuité que dégage le film.

Le rythme du temps

Ce temps continu et serré n'est cependant parfaitement homogène ni dans la nouvelle ni dans le film. Les deux œuvres comportent en effet quelques moments de rupture.

 

La nouvelle procède à cet égard à une brutale accélération du temps chronologique au moment de conclure. Sitôt la narration* de la partie de campagne proprement . dite achevée, l'écrivain enchaîne, en allant simplement à la ligne, par ce bond en avant : « Deux mois après, comme il passait rue des Martyrs, Henri lut sur une porte : Dufour, quincaillier. » Une quinzaine de lignes plus loin, le même procédé réapparaît : « L'année suivante, un dimanche qu'il faisait très chaud... » Ce changement de vitesse de la narration* a une signification qui, déjà, nous fait passer du temps objectif à la durée subjective : la vie qui suit l'aventure majeure qui vient de nous être contée n'a plus la même importance, la même qualité. Le temps désormais file à toute allure : deux mois sont moins qu'une heure, une année moins que deux mois. Et pour bien marquer le

temps

« fin1 tude.

Les choses narrées ont eu lieu, on ne peut plus en changer le cours.

Dès le début du texte , on entr e ainsi dans un process us dont la structu re est considér ée comme close.

Le film en reva nche donne au spec tateur l'im pression d'av ancer pas à pas sur l'axe tempor el.

Chaque plan*, a pu dir e le poè te Jules Sup erviel le, est au présent de l'ind icatif.

De cet écart simple et fort décou lent deux tonal ités majeu res : l'é critur e au passé de la nouv elle en accuse la dim ension tragique ; al ors que la progr ess ion du film sur la cr ête d'un présent par natur e incer tain conce ntre l'atte n­ tion sur le dev enir des événem ents.

D'un côté, et même si le lec teur ne con naît pas précisément l'1ssue du récit, le passé d1t à travers le murmur e d'un temps inéluctable, la fata lité d'une histoire déjà accom plie et sur laquelle on ne peut revenir ; de l'autre, le présent du film excite le plaisir de l'at tente.

Les repères tempor els On peut ainsi nommer les fragme nts de disc ours qui or gan isent la chr onologie et indiquent cla irement au lecteur et au spec tateur quand et dans quel ordre l'ac tion se passe.

À cet égard, la nouv elle et le film suivent le même chemi nement liné air e : les événeme nts se succèdent en respec tant le principe simple selon lequel l'éc oul ement du texte figure l'éc oulement du temps.

Le débu t corr espond au début de l'histo ire, le mli1eu au mili eu et la fin à la fin.

Ce tte simpl icité narrative n'était en rien oblig atoir e.

Dans de nombr eux texte s, Maup assant comm ence en effet par la fin du conte, mettant souvent en scè ne la figur e du nar­ rate ur qui explique au lect eur comment on en est arrivé là.

De même, au cinéma, la tech nique classique du retour en ar rièr e perme t de rompre, sans que le spec tateur en soit aucu nement dérouté, la liné arité chronolo gique de l'action.

Le choix d'une telle simpl icité rabat donc l'intérêt sur l'his­ toi re proprement dite : le cont enu de la fable l'emp orte sur sa narration *.

Cette linéa rité com mune étant reconn ue, il appar aît éga ­ lement que les deux œuvres font des usages analogues des repères temporels.

On obser ve ainsi dans le texte de 77. »

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