« TARTUFFE » ET LES COMÉDIENS
Publié le 26/10/2017
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Si, avec Mlle Mars, dont le jeu enivrait Stendhal par sa perfection dans la justesse, une exacte compréhension du rôle d’Elmire fut bientôt.rétablie, le rôle de Tartuffe n’alla,it plus cesser d’aller d’avatar en avatar, en même temps que, délibérément projeté à l’avant-scène, et fournissant prétexte à tous les numéros d’acteurs, il éclipsait tous les autres personnages.
Avec Molé, Tartuffe avait pris des allures de gentilhomme. Avec
Marthe Brandès dans le rôle d’Elmire en 1902.
Marie-Louise Marsy dans le rôle d’Elmire, par Cappiello (1899).
Damas, continué par Perlet, l’Imposteur devint, toute nuance comique gommée, un sombre aventurier, cynique, franchement dangereux: un héros de drame bourgeois. On devine tout le parti que devaient tirer de cette transformation des comédiens de la génération romantique, persuadés que la gaieté si profonde de Molière doit faire plutôt pleurer que rire. Geffroy, par exemple, qui s’était plu déjà à tirer Alceste vers le pathétique, s’appliqua à mettre en valeur ce qu’il
« TARTUFFE » ET LES COMÉDIENS
Sur une troupe comique, Tartuffe exerce une attraction quasi irrésistible, analogue à la fascination qui, pour une troupe de tragédiens, se dégage de Phèdre. L’histoire du théâtre le prouve : jouer Tartuffe est toujours apparu comme le couronnement d’une carrière, et l’épreuve suprême. Dès l’instant où fut décrétée la liberté des théâtres, c’est-à-dire lorsque les comédies de Molière cessèrent d’être l’apanage exclusif de la Comédie-Française, tous les acteurs du boulevard se jetèrent sur l’Imposteur et l’on vit, dans Tartuffe, les acteurs qui avaient fait naguère les belles soirées tonitruantes du drame romantique et du mélodrame : ainsi, en 1864, à la Porte Saint-Martin, Tartuffe devenait-il, avec Dumaine, une sorte de « Porthos à la voix de stentor ». L’histoire de l’interprétation de Tartuffe est à l’infini, s’enrichissant, se compliquant, s’embarrassant de toutes les gloses, de toutes les exégèses qui se sont accumulées sur l’œuvre.
Si incomplètement renseignés que nous soyons sur les premières de Molière, sur son style d’interprétation, il n’est pas impossible de déterminer ce que furent, à l’origine, les intentions du créateur. On sait par exemple que la forte taille, l’embonpoint de Du Croisy, qui fut le premier Tartuffe, répondaient parfaitement aux indications du texte : gros et gras, le teint frais, la bouche vermeille, l’oreille rouge. On sait aussi que, en 1664, le costume du protagoniste était bien celui d’un « vrai gueux », comme le précise La Critique du Tartuffe. D’autre part, que Molière lui-même se soit réservé le personnage d’Orgon marque à quel point le rôle était, à ses yeux, essentiel (comme est essentiel celui de Sganarelle, qu’il s’attribua aussi, en face de Dom Juan, pour le juste équilibre de la pièce) et de quelle ampleur est l’erreur commise par le metteur en scène qui, tirant le seul Tartuffe au premier plan, rejette sa dupe dans l’ombre des seconds rôles.
«
DE
VIGNY (Orgo n), Mlle DEVIENNE (Dorine)
et Mlle MARS (Marian e) circa 1809.
le texte n'y suffisait pas à lui seul, un détail fourni par la Lettre sur la
Comédie de l'Imposteur rendrait encore plus manifeste le parti pris
d'interprétation comique délibérément adopté par Molière, en recou
rant à des jeux de scène calculés pour provoquer le rire : quand
Molière-Orgon sortait de sous sa table, Tartuffe-Du Croisy, qui était
allé fermer la porte, redescendait bras ouverts et se retrouvait étrei
gnant, non pas Elmire, mais bien le mari inopinément surgi.
Quant à l'Elmire d'Armande, elle était jeune (vingt-quatre ans en
1664), « naturelle » (Robinet), et il est hors de doute qu'elle tenait le
rôle en parfaite honnête femme, si l'on songe à la surprise que pro
voqua, un siècle plus tard, Louise Contat lorsque, rompant avec une
tradition jusque-là incontestée, l'actrice prêta à la femme d'Orgon des
teintes de la coquetterie de Célimène.
Bref, les intentions de Molière, à la création, étaient d'une parfaite.
»
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