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Synthèse sur Voyage au bout de la nuit de Céline

Publié le 23/01/2020

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Encore aujourd’hui il n’est pas si facile de lire le Voyage au bout de la nuit.

Le lecteur éventuel se heurte d’abord à deux obstacles. Avant même d’avoir ouvert le livre, il peut en être écarté parce que l’auteur a la réputation d’avoir été odieusement antisémite. S’il a passé outre, le lecteur risque d’être rebuté dès les premières pages par la grossièreté et l’abjection du monde qu’on lui propose.

J’ai donc essayé de montrer d’abord que l’antisémitisme de Céline n’apparaissait pas dans le Voyage. Sur le second point, je pense que c’est une originalité de Céline d’avoir en quelque sorte recréé le roman picaresque en se référant à une contre-société dont les membres ne sont pas moins exclus des vertus de la société que de ses bienfaits. Ce qui est bouleversant, c’est qu’il ne s’agit pas de la contre-société des truands, mais de celle des «pauvres de partout».

A partir de là, c’est la facilité qui est à craindre. Une lecture rapide va faire paraître le Voyage comme une énorme farce écrite de verve par un improvisateur qui ne se soucie guère de concevoir le monde avec cohérence. Or je crois que le Voyage est un roman difficile, et j’ai tenté de dire pourquoi.

Loin d’être un romancier naïf, peu averti, laissant courir sa plume au hasard, Céline va prendre sa place parmi les grands romanciers européens qui ont tendu à faire du roman une phénoménologie. Le Voyage au bout de la nuit n’est pas un poème d’on ne sait quelles profondeurs. D’une part nous y trouvons un examen complet de toutes les situations qu’un être humain peut rencontrer dans ses rapports avec autrui. D’autre part les scènes et les personnages sont systématiquement abordés par le même biais : l’écrivain s’interdit rigoureusement de montrer autre chose que les manifestations de l’existence humaine. Céline est un grand artiste, ne serait-ce que par la constance de son parti pris dans la peinture de l’univers.

« que ce roman est fait de deux parties.

La surprise vient lorsque nous constatons que les deux parties ont des structures à peu près symétriques.

Nous découvrons alors qu'à la première lecture nous nous étions trompés sur la signification du roman.

Il est généra­ lement admis que l'amour est absent de l'ceuvre de Céline.

Mais la convergence de chacune des deux parties vers une scène finale dont une femme - Molly, Madelon - est le protagoniste dévoile, je le crois, un des projets essentiels de l'auteur : Céline nous dit ce qu'il attendait de l'amour.

Là-dessus, beaucoup de critiques ont contesté l'unité profonde du roman parce que la situation de Bardamu dans la société change d'une partie à l'autre du Voyage.

Le début serait un tableau de l'engagement, la fin serait comme une chute dans le désengagement.

Mais je ne le crois pas : tout au long du Voyage il s'agit de Bardamu parmi les hommes, continuant à partager, avec son diplôme de médecin, des misères et des souffrances qu'il ne subit plus.

De tous ces mérites, Céline n'en a revendiqué aucun.

Il ne s'est vanté que d'avoir inventé un truc d'artiste, un tour de main de tâcheron.

C'est justement pour cela qu'il y a le roman français avant Céline, et le roman après Céline.

Il a su tourner ses phrases de telle sorte qu'on n'entende plus la voix de l'auteur ni celle du narrateur, mais la voix du lecteur.

Par là, Céline a instauré un roman nouveau, et c'est une révolution dont les romanciers n'ont pas fini de tirer les conséquences.

Après avoir écrit le Voyage au bout de la nuit, Céline avait encore à se débarrasser du temps linéaire.

Ce sera chose faite avec D'un château l'autre où les divers passés seront mêlés à un présent romanesque pour composer une ceuvre d'art dont le déroulement ne devra plus rien à la suite chronologique des événements évoqués.

Le Voyage, c'est la vie du pauvre, qui n'a ni feu ni lieu et qui n'a sa place nulle part.

Le bout de la nuit, c'est le moment où l'on trouve enfin le repos par la certitude de ne pouvoir descendre plus bas dans une nuit plus noire.

On peut reculer d'horreur devant ce désespoir.

On ne peut nier la puissance de l'artiste.

Et puis on peut aussi aimer un humour si féroce, et tant de tendresse cachée pour ce qui endure sur Terre tant de souffrance.

-73-. »

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