Synthèse sur Une partie de campagne
Publié le 02/08/2014
Extrait du document
L'adaptation de Renoir. loin d'être servile ou au contraire négligente, est une véritable réplique pied à pied, mot à mot, à la conception du monde et de la vie selon Maupassant, comme si les deux oeuvres formaient une controverse à partir d'un même sujet de conversation (la trame du récit).
I - IMAGES LUMINEUSES CONTRE TEXTE SOMBRE
Le texte de Maupassant, « sombre «, « noir « au sens figuré, voit et fait voir de la « noirceur « jusque dans la lumière écrasante d'une journée d'été. Le film de Renoir, lumineux au sens propre comme au sens figuré, tient au contraire à mon¬trer la lumière légère (matérielle et spirituelle) du monde, grâce à celle du film - au point que, concrètement, il a réussi à voler au climat détestable de l'été du tournage tout ce qu'il contenait de lumière.
«
~Il -LE MONDE COMME CADRE NATUREL DE L'HOMME-ACTEUR
Pour Renoir.
l'homme est dans la nature comme l'acteur dans son cadre, et,
inversement, le bon acteur bien cadré est l'image même de la vie réelle réussie.
Cette homologie absolue entre vie et art, où les passages de l'un à l'autre sont non
seulement possibles mais continuels (ils se nourrissent constamment) est à la base d'une véritable philosophie de la vie et de l'art par l'image.
• L'ho1nme est au n1onde chez lui, mais d'abord sans le savoir, et il y joue n1al -
comme un mauvais acteur: il n'est pas naturel.
Mais jouer bien, comme savoir
vivre, peut s'apprendre : question de talent.
•S'il est bon, c'est-à-dire si, comme acteur.
il prend conscience de lui-n1êmc, s'il
a du talent, et si,
comn1e être humain, il est capable de justesse, donc de justice, et de bonté, il se retrouve dans ce cadre (l'écran, la nature) comme chez lui.
S'il sait re
pérer ses marques,
bouger en harmonie avec ceux qui lui donnenl la réplique, alors
ce sera le bonheur assuré.
Les gens doués dans la vie réelle pour
le bonheur sont ceux
qui savent voir, sentir et bouger comme des acteurs de talent -les acteurs réellement
doués
étant de leur côté le contraire absolu des frimeurs et des cabotins, ceux qui
vivent
sans« jouer» (sans feindre), qui jouent pour de bon.
Jouer et pourtant ne pas
feindre,
c'est cc que Renoir den1andcra sans cesse à ses acteurs.
C'est cette loi que les personnages du film expérimentent devant nous.
Parmi
eux, Henriette est la femme pour qui cette journée est une découverte du décor qui
l'initie à son rôle, au sein du inonde, et qui découvre à quoi l'onjoue et comment il
faudrait jouer pour être toujours juste: Henri étant celui qui découvre le naturel de celle actrice spontanémenl douée pour la vie (c'est pratiquement ainsi qu'il la
décrit à Rodolphe).
~ Ill -LE CINÉMA ET LE MONDE COMME RÉVÉLATEURS RÉCIPROQUES
Par sa formation comme par la technique dont il l'a nourrie, Renoir est logique
ment conduit à voir le monde comme un tout où êtres et choses sont donnés immé diatement ensen1ble, et où tout joue ensemble (comme dans un tableau, ou une
in1age de film).
La nature est un milieu continuellement plein de sens dans chacun
de ses signes, qu'il suffit de savoir déchiffrer: tout fait potentielle1nent signe dans
le
monde comme dans un regard réussi, mais aussi dans l'image réussie qui en est le témoignage après création.
Réciproquement, ce qui mérite le plus d'être montré
au cinéma, dans
ce moyen d'expression où tout fait signe volontairement et après
un choix soigneux.
c'est que le monde.
lui aussi.
est constamn1ent con1posé comme
un chef-d'œuvre, il est un chef-d'œuvre lei quel, à charge pour le créateur de révé
ler sa nature profonde, à en donner l'image après tirage au clair.
On ne pou
vait
pa~ en attendre moins de ce cinéaste fils d"un génie de la peinture.
Ainsi, pour Renoir, l'intelligence au cinéma et par le cinéma ne peut être qu'un
cinéma de l'intelligence du monde.
et cela ne fait qu'un avec l'art de vivre, person
nellen1ent et dans le
monde réel.
en bonne intelligence avec les choses, et les uns
avec
le~ aulres.
Le cinéma (l'art) et la vie entretiennent des rapports de similitude,
plus encore
que d'identité.
Images du plaisir, les images des filins de Renoir sont confidence du plaisir
de l'image, et souhait que le plaisir, partagé par le spectaleur qui vient le prendre,
co1nn1e par la troupe qui en fournit les ingrédients et
l'auteur la recette (conune un
aubergiste un bon repas).
soit révélateur du secret du n1onde et partage en com
mun, comn1uniel.
des joies de ce secret..
»
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