SYMBOLISME ET LITTERATURE
Publié le 19/05/2019
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SYMBOLISME. Peu d'étiquettes ont été aussi difficilement acceptées que celles de « symbolisme » et d'« école symboliste » par ceux-là mêmes qui en semblent les meilleurs illustrateurs. Verlaine
ne s'écriait-il pas : « Symbolisme ? Connais pas ! Ce doit être un mot allemand ! » Le symbolisme a pourtant une originalité dans son contenu esthétique, son déroulement chronologique, son extension géographique. Si ses racines plongent dans le romantisme allemand, dans la philosophie de Hegel et de Schopenhauer, dans le préraphaélisme anglais et l'œuvre de Swinbume, dans la tradition ésotérique des XVIII* et xixe s., sa naissance, en tant que mouvement spécifique, est bien française.
Le malaise « fin de siècle ». Vers 1880 prend corps dans la jeunesse littéraire et artistique un état d'esprit fait à la fois de frémissement devant la vie et de lassitude désabusée à l'égard d'une civilisation trop vieille. On se sent également solidaire et prisonnier du monde moderne, exilé au cœur d'un univers hostile et fascinant. Ce n'est pas encore le symbolisme, mais seulement la sensibilité décadente. Dans les cafés se réunissent des clubs qui s'appellent Hydro-pathes, Hirsutes, Zutistes, Je-m'en-fou-tistes ; Rodolphe Salis (1851-1897) crée le cabaret du Chat noir (1881); des revues apparaissent, comme Lutèce, la Nouvelle Rive gauche. Émile Goudeau (1849-1906) chante la ville et ses Fleurs de bitume (1878). Alphonse Allais (1855-1905), Charles Cros (1842-1888) introduisent dans la vie et le langage la dimension de l'absurde. Maurice Rollinat (1846-1903) avec ses paroxysmes des Névroses (1883) et Jules Laforgue avec ses complaintes douces-amères expriment leur angoisse sur des registres divers.
La « décadence » a ses maîtres, ses modèles. Dans les Essais de psychologie contemporaine (1833), Paul Bourget (1852-1935) consacre des études à Stendhal, à Taine, à Renan, à Flaubert et surtout à Baudelaire. En 1884, Verlaine révèle dans ses Poètes maudits les œuvres alors pratiquement inconnues de Mallarmé, de Cros, de Corbière et de Rimbaud. La même année, J.-K. Huys-mans définit dans  rebours le type de l'esthète « fin de siècle » : Floréas des Esseintes vit confiné dans un univers artificiel de sensations rares et de rêve-
ries nourries des œuvres de Poe, de Baudelaire, de Verlaine, de Mallarmé, de Gustave Moreau ; son extrême lucidité le condamne à une angoisse sans recours.
Tous ceux qui devaient jouer un rôle dans le symbolisme ont, à des degrés divers, connu cette « crise d'âme » de 1880-1885. Dans sa revue les Taches d'encre (1884-85), Maurice Barrés publie un essai sur Baudelaire. En 1889 encore, les Serres chaudes de Maurice Maeterlinck sont plus décadentes que symbolistes. Il en est de même en 1891 de \\'André Walter d'André Gide. À dix-huit ans, le jeune Valéry ne jure que par À rebours, sa « bible », et fréquente assidûment son auteur. Le premier recueil de Milosz (1899) s'intitule le Poème des décadences. Des écrivains comme Jean Lorrain (1855-1906) et Robert de Montesquiou prolongeront jusqu'aux premières années du xx* s. cette atmosphère désenchantée.
Cependant, l’esprit décadent comme phénomène collectif disparaît après 1885, malgré les efforts d'Anatole Baju pour lancer en 1887, avec le soutien éphémère de Verlaine, une « école décadente ». Des préoccupations idéologiques et esthétiques nouvelles s’affirment. Les jeunes poètes commencent à fréquenter rue de Rome les « Mardis » de Mallarmé. Ils y apprennent à donner un sens aux aspirations qui les appe laient au-delà des raffinements exacerbés et des dégoûts immédiats, et à chercher un fondement métaphysique à la poésie ; ils retiennent aussi de l'exemple et de la parole du maître que l'art doit être hermétique et réservé aux initiés. Plus qu'un corps doctrinal, cependant, les admirateurs de Mallarmé retiendront de ses causeries près de la cheminée une attitude face au monde et à soi-même. Ils se tournent également vers Villiers de L'Isle-Adam, qui répand les thèmes idéalistes : le monde où nous vivons n'est qu'un rêve où nous projetons les reflets de notre Moi. Enfin, Édouard Dujardin (1861-1949), dans la Revue wagnérienne, qu'il crée en 1885, et Édouard Schuré (1841-1929), dans le Drame musical, réédité la même année,
développent, d'après le maître de Bay-reuth, l’idée d'une solidarité fondamentale entre les arts — mais Baudelaire déjà, puis Mallarmé avaient auparavant rendu hommage à Wagner.
D'une conscience commune à une école divisée. Le 18 septembre 1886, Jean Moréas publie dans le supplément littéraire du Figaro un article en forme de manifeste qu'on tient communément pour l'acte de naissance du symbolisme. En fait, ce texte, sans grande portée théorique, a surtout pour intérêt de cristalliser autour du mot symbolisme les tendances qui se cherchent. Aussi bien ne s'agit-il pas d'une école qui s'organise autour d'une doctrine, mais d’une conscience commune qui se découvre. Les leçons de Mallarmé ont été préférées à l'exemple de Verlaine, l'idée à la sensation, le rêve à la vie, la musique pure à la chanson. On élabore une conception exigeante de la poésie, dans ses buts comme dans sa facture ; on met l'accent sur la valeur suggestive du langage, qui ne sera pleinement exploitée que par un emploi sûr et savant des mots. On se réfère à la formule de Mallarmé dans son A vant-dire au Traité du Verbe (1886) de René Ghil (1862 1925), qui établit la fonction poétique du langage, médiateur magique entre le réel et l'idée : « Je dis : une fleur ! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets. »
Mais, si l'on se réclame du symbole comme du secret de la poésie, sa définition manque de clarté : il est pour certains, quoi qu'ils en disent, peu différent de l'allégorie ; pour les wagnériens, il est formulation du mythe ; il est correspondance pour ceux qui n'ont pas oublié Baudelaire, déchiffrement du mystère par la suggestion pour les disciples de Mallarmé. Les convergences qui s'établissent n'empêchent pas les luttes intestines. En 1888, René Ghil se sépare de Mallarmé et développe sa théorie de V instrumentalisme, qui séduira quelque temps Stuart Merrill : elle s'appuie sur des relations rigoureu
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ries
nourries des œuvres de Poe, de
Baudelaire, de Verlaine, de Mallarmé, de
Gustave Moreau ; son extrême lucidité
le condamne à une angoisse sans
recours.
Tous ceux qui devaient jouer un rôle
dans le sym boli sm e ont, à des degrés
divers, connu cette « cri se d 'â m e » de
1 880 -18 85 .
Dans sa revu e les Taches
d'encre (1884-85), Maurice Barrès
publie un essai sur Baudelaire.
En 1889
encore, les Serres chaudes de Maurice
Maeterlinck sont plus décadentes que
sym.bolistes.
li en est de même en.
1891
de l'André Walter d'André Gide.
A dix·
huit ans, le jeune Valéry ne jure que par
A rebours, sa.
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