SURRÉALISME (courant littéraire)
Publié le 15/10/2018
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révolte devant les conditions faites à la liberté humaine, l'insolite, l'Éros.
• Sur la révolte, en particulier en son sens politique,
les positions successives des surréalistes ont été expo sées [voir BRETON] : elles tentent, on le sait, de concilier Marx avec les utopistes (Charles Fourier), tout en gar dant intact le rêve libertaire.
La révolution des esprits et celle de la société sont inscrites dans la fondation même du surréalisme, mais jamais les surréalistes n'admettent de subordonner la première à la seconde.
Le dialogue avec le Parti communiste français fut nourri, entre 1925 et 1935, mais les difficultés furent grandes avec ceux qui choisirent un engagement extrême : d'o~ la rupture du mouvement avec Aragon en 1932, avec Eluard en 1938, avec Tzara après la guerre.
Or, dans le jeu tendu entre la subjectivité et l'insertion sociale de l'individu, il s'agit d'inventer de nouveaux modes de penser : le surréalisme est allé jusqu'à tenter de créer un mythe nouveau.
Puisque, dans les sociétés dites primitives, les mythes sont la projection incon sciente de l'explication du système social et cosmogoni que, on peut tenter de former des modèles mythiques, à l'appel desquels répondraient des sociétés nouvelles.
Projet grandiose, pour lequel seules des préfaces furent écrites : «Préface à une mythologie moderne », d'Ara gon, dans le Paysan de Paris (1924), ou évocation du mythe des Grands Transparents dans Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non, de Breton (1942).
• Percevoir l'insolite, c'est percevoir un décalage entre le prévu et le donné, mais ce décalage est toujours
perçu dans le surréalisme comme un excé,dent, grâce auquel devient efficace le merveilleux ( « Equation de l'objet trouvé», dans Documents 34, repris dans l'Amour fou, texte III).
C'est que l'objet trouvé objective mon désir.
Il y a là un retournement du système causal tel qu'il fonctionne dans le discours rationnel quand ce der nier prend ses modèles dans les sciences mathématiques : plus proche de la conception de la cause dans les modèles physico-biologiques, le hasard « objectif» («rencontre d'une finalité externe et d'une finalité interne», l'Amour fou, et « Limites non frontières du surréalisme », 1937, repris dans la Clé des champs, 1953) accorde une part essentielle à l'inconscient et à sa prise en charge par
l'imaginaire.
De là tout un système de pensée lyrique, qui éloigne fortement le surréalisme de la pensée freudienne (dont on pouvait le rapprocher par la référence à l'« in conscient »).
« Imagination n'est pas don mais par excel lence objet de conquête » ( « Il y aura une fois », dans le Surréalisme au service de la révolution, n° 1, 1930).
Tout tient à la relation entre le vécu et le signe.
A l'origine, un signe sans signification : le nom de Nadja, les mots du poème « Tournesol », le chiffre 22 sur la fenêtre de la prison où Benjamin Péret est enfermé en 1940.
Plus tard,
les événements donnent sens au signe : la rencontre de Suzanne donne à «Nadja» le sens : le prénom Nadja dérive de nadejda qui, en russe, signifie « espérance »; la rencontre de Jacqueline illustre« Tournesol»; Benjamin Péret est libéré le 22 juillet.
L'écart temporel qui sépare
le signe de son sens est une sorte d'instant élargi, une «zone événementielle», bourrée de désir (ou de son
envers, la peur).
Toute la magie surréaliste consiste donc à faire se
lever les signes : « appâts » qui sont des appels à un changement de vie (l'Amour fou); rêves, racontés dans les revues avec un scrupule qu'on a pu dire scientiste,
et analysés parfois (les Vases communicants, première partie), mais déchiffrés précisément comme des signes (l'impératif de vivre, à la différence du déchiffrement freudien); signes écrits de l'écriture automatique, préju-
gée continue dans l'inconscient de l'homme, et dont la fonction est complexe (manifester la créativité dans toute sa profusion et, par un procédé de « dumping », mettre l'écrivain professionnel à bas de son piédestal; fournir la matière d'une autoanalyse et unifier la personnalité du scripteur; mais aussi dessiner les linéaments d'un désir et, par là, d'un avenir).« Dans l'écriture automatique, ce n'est pas à proprement parler le mot qui devient libre,
mais le mot et ma liberté ne font qu'un» (Maurice Blan chot, la Part du feu).
• Être disponible aux sollicitations de l'Éros, c'est attendre de l'aventure un surcroît d'être, par une transgression des tabous qui les annulerait (l'Amour fou, v).
L'érotique surréaliste, fondée sur l'idée que l'amour ouvre à la liberté, donne toute sa place à la sexualité ainsi qu'aux «perversions ».
Mais la défense de Sade reste partout ambiguë.
Les surréalistes admettent-ils l'acte sadique? En fait, par l'éloge lyrique de Sade, ils signifient plutôt la profonde intrication de la violence et de l'amour (même si chez Robert Desnos- la Liberté
~u l'Amour! -, dans certains textes d'Éluard [voir ELUARD], ou, plus tard, chez Jean Benoît, la célébration de Sade va loin).
Chez eux, un autre climat se découvre souvent : celui de l'indifférence- le genre « sec » chez Aragon (le Libertinage) ou chez Marcel Duchamp, plus mystique chez Breton ou Benjamin Péret (préface à l'An thologie de l'amour sublime).
Le tabou à transgresser est aussi celui du silence (voir l'enquête Recherches sur la
sexualité, dans la Révolution surréaliste, n° 11, 1928), bien que, plus tard, le groupe ait pris position avec force contre l'éducation sexuelle à l'école, au profit de l'initia tion, qui préserve dans l'amour et dans la sexualité toute leur charge émotive.
Le modèle intérieur et sa prégnance dans l'art
La pensée surréaliste tend à inverser le principe du réalisme, qui fonde l'art occidental en bon nombre de ses formes.
Partir du « réel » pour en donner une vision sublimée : l'erreur est grossière.
Déjà le jugement de réalité doit être critiqué.
La perception la plus banale est sélective, infiniment subjective, et déjà lyrique.
Tel est le regard que nous portons sur le monde des villes, où des lieux nous sollicitent plus que d'autres, ou sur les choses :dans l'objet perçu s'inscrit déjà l'usage que l'on peut en faire.
Nul « dualisme de la perception et de la représentation » (Breton), puisque tout est repré sentation.
Qu'un artiste doive se soumettre au conditionnement de la culture, lequel s'exprime dans l'esthétique majori taire de son temps, voilà qui paraît donc le comble de l'absurde.
« L'œil existe à l'état sauvage », lance en liminaire le Surréalisme et la Peinture de Breton (1928,
1947, 1965).
Dénués de valeur sont les critères formels
que notre civilisation dresse comme un barrage devant l'art, par le moyen des marchands de tableaux et des
critiques.
Ce que l'esthétique traditionnelle examine dès lors comme des productions marginales, où se révèlent des carences (1' art « populaire » ou « naïf », 1' art des
primitifs,
l'art des enfants, l'art des fous), le surréalisme le place au centre de sa recherche.
Certes, le cubisme et Apollinaire avaient admiré la statuaire africaine, mais en tant que technique de figuration.
Les surréalistes admi rent dans les arts «primitifs» (océaniens surtout,
indiens, polynésiens ...
) une création authentiquement collective et magique, à laquelle seule notre émotion nous permet d'accéder par sympathie.
Les psychiatres,
dès le début des années 20, s'étaient intéressés à.
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