Sujet : Être homme c'est précisément être responsable. C'est connaître la honte devant une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C'est être fier d'une victoire que les camarades ont remportée. C'est sentir en posant sa pierre que l'on contribue à bâtir le monde. Vous étudierez avec soin cette définition de la respon¬sabilité en indiquant dans quelle mesure elle rejoint votre expérience personnelle.
Publié le 27/06/2015
Extrait du document
Ainsi donc chacun participe au progrès de l'humanité tout entière; il y a contribution de chacun à l'oeuvre collective. Mais Saint-Exupéry n'entend pas parler seulement de ceux qui remportent des victoires notoires. Il englobe aussi, comme il l'explique dans Citadelle, l'artisan, l'humble cordonnier qui fabrique des babouches brodées d'or et qui y met toute son ardeur. Il y a contribution même si la pierre apportée à l'édifice n'a que la dimension d'un caillou.
L'auteur de Terre des hommes retrouve là une conception du bonheur, non plus comme le concevait Montaigne par exemple, fondé sur le resserrement, l'individualisme méfiant : « On se prête aux autres. On ne se donne qu'à soi-même. « C'est un bonheur plus vaste, à la mesure du vingtième siècle où l'homme doit lutter contre l'isolement au sein d'une société qui semble parfois, par sa mécanisation, l'écraser. L'homme n'a plus seulement des devoirs envers soi-même, il en a avant tout envers les autres.
C'est peut-être ce sens d'une vaste et profonde fraternité qui constitue la seule arme contre le déracinement, contre la solitude : c'est peut-être lui qui fait défaut à René de Chateaubriand, à « étranger « de Camus, à Joseph K. de Kafka. C'est une lumineuse contradiction au mot de Sartre : « L'enfer c'est les autres. «
Ce que veut Saint-Exupéry, c'est une vaste solidarité à l'échelle du monde, c'est une union profonde qui permette à chaque homme de se sentir inclus dans un vaste ensemble où il n'est plus seul, c'est une parenté humaine par-delà les classes sociales, les races, les haines de toutes sortes.
«
Ce que demande Saint-Exupéry, ce n'est pas seulement
une pitié, même attendrie;
il ne suffit pas d'être ému devant
la misère des autres; pour lui il faut communiquer avec
ceux qui souffrent et même
connaître la honte : honte de se
sentir heureux lorsque d'autres souffrent, honte de n'éprou
ver qu'un intérêt toujours passager au récit du malheur
d'un ami, honte de continuer à rire, à vivre, lorsque d'autres
pleurent et agonisent.
Déjà Vigny, après avoir traversé une crise morale où
il
avait renié l'une des consolations chères au romantisme
(foi
en une divinité toujours présente, culte d'une nature
bienveillante) éprouvait ce besoin de participer
à tous les
maux :
« ]'aime la majesté des souffrances humaines.
» Mais
Saint-Exupéry demande plus encore : peut-être est-ce,
par exemple, en rentrant chez soi, sûr d'y trouver une table
bien servie et en passant devant une affiche de
la campagne
contre la faim dans le monde, que nous comprenons que
« être homme c'est précisément être responsable ».
Saint-Exupéry ne se contente pas de ce côté douloureux
de la responsabilité humaine, il aborde aussi le thème
opposé : si nous avons part aux souffrances de nos sem
blables, nous avons part aussi
à leurs joies, à leurs « vic
toires ».
Nous pouvons aussi connaître une fierté naturelle,
lorsqu'un homme, peu importe lequel, a réussi
à aller au
delà des limites humaines, à élargir le champ de nos pos
sibilités.
Cette
fierté d'une t'ictoire que les camarades ont remportée
implique la négation de l'orgueil personnel, de la jalousie
mesquine, de l'envie, du dépit de voir
un autre réussir
mieux
qu'on ne l'aurait fait; ce n'est plus le triomphe de
l'esprit de compétition, de la concurrence, c'est au contraire
le plein épanouissement de l'esprit d'équipe.
Elle comprend
la joie
du mécano qui par son travail obscur a permis au
pilote de battre
un record, celle de la laborantine, qui,
inconnue, n'en a pas moins conscience d'avoir peut-être
contribué à une découverte, même si cette découverte
n'a
pas été faite dans son propre laboratoire.
Il peut y avoir fierté même si c'est l'équipe adverse qui
l'emporte, même si c'est un autre pays qui réussit là où
le nôtre a échoué.
Pour Saint-Exupéry, être frères ce n'est
-41-.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Être homme c'est précisément être responsable. C'est connaître la honte devant une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C'est être fier d'une victoire que les camarades ont remportée. C'est sentir en posant sa pierre que l'on contribue à bâtir le monde. Vous étudierez avec soin cette définition de la responsabilité en indiquant dans quelle mesure elle rejoint votre expérience personnelle. ?
- Commentez cette pensée de SAINT-EXUPÉRY : « Être homme, c'est être responsable, c'est sentir en posant sa pierre que l'on contribue à bâtir le monde. ?
- Jean-Claude Grumbach, scénariste et dramaturge contemporain, confie à un journaliste qu'il observe le monde « avec un oeil sur le sordide, un oeil sur le sublime ». En vous appuyant sur les oeuvres que vous connaissez, sans vous limiter nécessairement au théâtre ou au cinéma, vous préciserez dans quelle mesure cette affirmation d'un créateur peut rendre compte aussi de votre expérience personnelle de lecteur et de spectateur. ?
- « Aujourd'hui nous recevons trois éducations différentes ou contraires : celle de nos pères, celle de nos maîtres, celle du monde. Ce qu'on nous dit dans la dernière renverse toutes les idées des premières. » Montesquieu, Esprit des lois, IV, 1748. Pensez-vous que cette opinion formulée il y a deux siècles s'applique à notre époque ? Vous organiserez avec soin votre réflexion, et vous l'appuierez d'exemples précis, empruntés à votre culture et à votre expérience personnelle. ?
- Lamartine définit la poésie comme « la langue complète, la langue par excellence, qui saisit l'homme par son humanité tout entière, idée pour l'esprit, sentiment pour l'âme, image pour l'imagination, et musique pour l'oreille ». Cette définition rejoint-elle votre conception personnelle de à poésie ? Vous fonderez votre analyse sur des exemples précis.