Stylistique - Colonel Chabert de Balzac
Publié le 03/04/2015
Extrait du document
«
Le roman débute par une présentation minutieuse du colonel Chabert.
Cette description est placée
sous le signe de la particularité, de la « singularité ».
C’est en procédant par l’utilisation du point de vue
interne que Balzac rend réaliste le portrait du colonel.
En effet, le lecteur suit le regard du maître Derville
qui rencontre pour la première fois le colonel.
Tout comme le « jeune avoué », à savoir Maître Derville,
nous rencontrons le « vieux soldat » pour la première fois dans le texte.
Ainsi, la stupéfaction qu’il évoque
suite à la rencontre avec le personnage éponyme est donc simultanée à la nôtre lorsque nous lisons ce
portrait car nous le découvrons à notre tour.
A/ Apparition surprenante du colonel.
Dès le début de l’extrait les termes « stupéfait » (ligne 1); « singulier client » (ligne 2) ; « spectacle
surnaturel » (ligne 5) plongent les lecteurs dans une ambiance fascinante et en proie au mysticisme.
En
effet, le vocabulaire de l’étonnement laisse sous-entendre une étrangeté comme le souligne l’oxymore
« clair-obscur » (ligne 1).
Maître Derville « demeure » stupéfait devant le personnage qui apparaît.
Il est
saisit dans cette description, reste immobile de stupéfaction face à ce que lui inspire ce personnage.
Le
personnage apparait donc dans une atmosphère étonnante, stupéfiante et est désigné par la périphrase
« singulier client ».
A la ligne 5, Balzac parle de « spectacle surnaturel » ; ce qui est en lien avec « sujet
d’étonnement » à la ligne 4 et 5 : la stupéfaction et le surnaturel émergent du caractère mystérieux du
personnage sont en lien étroit.
Le portrait physique est donc une excuse pour dresser un spectacle sous nos
yeux : dans une nuit claire (rappelons ici l’oxymore) apparait un être dont la description lui confère
« quelque chose de mystérieux » (lignes 6/7).
Cette apparition soudaine et progressive de l’être se retrouve
plusieurs fois répété (champ lexical de l’étrangeté) et interpelle les lecteurs.
Le portrait du colonel ainsi
établit a un fort impact sur le lecteur qui tente à son tour de visualiser cet homme : « L’ombre cachait si
bien le corps à partir de la ligne brune que décrivait ce haillon, qu’un homme d’imagination aurait pu
prendre cette vieille tête pour quelque silhouette due au hasard […] » (nous soulignons)
B/ Termes péjoratifs : champ lexicaux et comparaisons
Cet extrait est parsemé d’adjectifs qualificatifs péjoratifs en lien avec le portrait du colonel.
Il est
physiquement décrit comme un homme épuisé par le temps comme le témoigne le champ lexical de la
vieillesse omniprésente : « vieux soldat » (ligne 5) « sec et maigre » (ligne 5) ; « vieille tête » (ligne 11) ;
« rides blanches » (ligne 14) ; « sinuosités froides » (ligne 14).
« Vieux soldat » et « vieille tête » sont
d’ailleurs deux périphrases qui mettent en valeur l’idée de temps qui passe et de décrépitude et s’oppose
ainsi au « jeune avoué » (ligne 1) qui l’observe.
Le personnage décrit n’a cependant pas qu’une seule
facette : en plus d’être vieux, il dégage une impression cadavérique.
Le lecteur en lisant cette description
aura le sentiment au fur et à mesure de sa lecture d’être confronté à une allégorie plutôt qu’à une personne.
L’extrait montre une progression : « Le visage pâle, livide [ …] semblait mort ».
(lignes 7 et 8).
L’impression sera confirmé par la suite avec l’expression : « physionomie cadavéreuse » (ligne 15).
La
métaphore filée du cadavre donne du sens à la comparaison de la seconde ligne : « Le colonel Chabert
était aussi parfaitement immobile que peut l’être une figure en cire de ce cabinet de Curtius
[…] »L’imparfait de description pose le personnage comme une « figure de cire » avec l’élément de
comparaison « aussi … que » induisant un degré d’intensité.
L’intensif sert de valorisation au terme de
« parfaitement immobile ».
Le colonel Chabert, personnage étonnant et stupéfiant l’est d’autant plus qu’il
est comme immobile, à l’image d’une « statue de cire ».
Caractère mystérieux qui est confirmé encore
avec un champ lexical du mystère lié à l’apparition surprenante de notre protagoniste.
Ainsi, la
comparaison du personnage à quelque chose de figé et de fixe participe à alimenter cet étonnement que
peut produire son portrait ainsi décrit ainsi qu’à entretenir le mystère qu’il incarne.
Le portrait se précise
au fur et à mesure que nous entrons dans la description mais n’enlève rien au cachet mystérieux du
colonel..
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