STENDHAL: L'ÉTAPE DU PLAGIAIRE : VIES DE HAYDN, DE MOZART ET DE MÉTASTASE (1814) HISTOIRE DE LA PEINTURE EN ITALIE (1817) - Analyse d'oeuvres
Publié le 23/06/2011
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Après quinze ans de vaines tentatives, comment Stendhal se ferait-il illusion ? Le théâtre ne sera pas son tremplin ! S'imposera-t-il par un livre fulgurant ? C'est au-dessus de ses forces. Or il veut devenir écrivain ; mais ses premiers livres seront des livres plagiés : Stendhal possédera d'abord le génie du brigandage littéraire. Et nous savons, certes, que Montaigne va, sans vain scrupule, « pillotant de çà de là «, car le « miel « qu'il produit n'est « plus thym ni marjolaine « ; Molière prend son bien où il le trouve et s'en flatte ; Pascal proclame : « Qu'on ne dise pas que je n'ai rien dit de nouveau : la disposition des matières est nouvelle «. Chateaubriand renchérit avec arrogance : « L'écrivain original n'est pas celui qui n'imite personne, mais celui que personne ne peut imiter «. Et comment ne pas invoquer la boutade de Jean Giraudoux : « Toutes les littératures sont des plagiats, excepté la première qui, du reste, est inconnue «.
«
arts, c'est encore une étude sur l'homme qu'il nous donne.
Il ne se contente pas d'énumérer et de décrire.
Ainsi quel'a dit Jean Prévost, il « donne au coeur la clé de l'expression plastique » « par le mouvement de sa phrase, l'ordrede sa pensée, l'ordonnance de ses chapitres ».
Ce livre plein d'attrait encadre dans leur temps ces grandes figurespar rapport au climat, au milieu, au moment.
La conception du beau n'y est point figée par un canon immuable.
Sansdoute disserte-t-il sur les beaux-arts de façon trop littéraire.
En fait, il a déjà trouvé sa définition du romantisme :un artiste doit donner le plus de plaisir possible à ses contemporains ; mais pour « exprimer », il faut avoirpassionnément senti.
Son Histoire de la peinture en Italie est celle de sa propre initiation artistique.
Il se réfugieavec délices dans un passé fervent où les tyrans, même couverts de sang, étaient des mécènes.
Il souffre, parcontraste, de ce que le début du XIXe siècle a d'étriqué ; chacun vit sous un masque, les préoccupations politiquesl'emportent et dessèchent les cœurs ; la civilisation émousse la vitalité des caractères, étouffe les arts, énerve lesâmes.
Stendhal pressent déjà ce qu'il formulera douze ans plus tard : « Les choses qu'il faut aux arts pour prospérersont souvent contraires à celles qu'il faut aux nations pour être heureuses ».
Il notera encore en marge d'un de seslivres de Civita-Vecchia : « La civilisation du 'axe siècle s'élance à des nuances trop fines, peut-être les arts nepourront-ils plus la suivre.
»Le sentiment des arts le dispose aux séductions de l'amour ; il n'en est point choqué.
Une sensualité d'imaginations'ajoute à sa sensualité physique et même à la sensualité physiologique de ses yeux.
La recherche du plaisir luisemble la définition du bon goût ; les arts, dérivatif à ses passions, lui sont une merveilleuse excitation intellectuelle.Derrière le dilettante dont l'esthétique est démodée, on trouve le psychologue.
Taine lui a laissé le mérite d'avoirdécouvert la théorie du milieu, qui était couramment admise à la fin du XVIIIe siècle.
Stendhal exige que l'artisteéprouve les passions qu'il représente et au moment même de la création, sans se douter que pour être «représentée » une passion doit être d'abord maîtrisée.
Il cherche dans un tableau à peu près ce qu'on cherche dansun roman Cette transposition critique, que tant d'esprits soucieux de l'autonomie de chaque technique réprouvent,lui permet de mieux s'expliquer, Il prend à la belle peinture le même plaisir qu'à un beau paysage, sous un douxclimat.
Il ne sent point l'art dans sa pureté.
Mais son époque discerna-t-elle ce qui sépare la Vénus des Médicis dela Vénus de Canova ? Il conçoit un art heureux dont le plaisir de l'observateur est le but et le bonheur de l'artiste lacondition.
Il apprécie le mérite des primitifs et, loin de dédaigner l'étude de la nature, il prétend que seule l'imitationparfaite, qui met un peintre en possession de son métier, lui permet de s'élever au beau idéal, si, après avoir étudiéla couleur, le clair-obscur et le dessin, il se trouve avoir une âme qui invente des sujets.
Car le beau idéal, ce «baume puissant qui double la force d'un homme de génie et tue les faibles » n'est point pure copie d'un modèle, maischoix dans la nature et idéalisation à partir de ce choix.
Un tableau ne doit pas exprimer une idée, mais inspirer unsentiment.
Il était trop tôt pour que Stendhal discernât que le sujet est indifférent en peinture.
En art, comme enlittérature, il fuit toute déclamation ; cette horreur des compositions chaudes le persuade que le rôle de la peinturen'est pas de reproduire les points extrêmes des passions, mais bien les moments les plus nobles et les plusagréables.
Les mouvements passionnés sont du ressort du théâtre.
En prenant de l'âge, Stendhal deviendra sensibleà la couleur ; le dessin lui semblera d'une sécheresse quasi scientifique et il admettra que la composition peut être lepropre d'un esprit sans talent.
Il comprend alors que le sujet représenté, et les anecdotes sur la vie du peintre n'ontrien à voir avec son mérite et sont un peu comme les paroles d'un livret pour la musique.
Seule l'âme de l'artisteimporte et sa technique.
Quant au plaisir esthétique éprouvé, il en arrivera dans les Promenades dans Rome à ledéfinir sans ambiguïté : « Si je ne craignais de choquer les gens moraux, j'avouerais que j'ai toujours pensé, sans ledire, qu'une femme appartient réellement à l'homme qui l'aime le mieux.
J'étendrais volontiers ce blasphème auxtableaux.
»Stendhal a aimé les arts en amoureux, en amant malheureux, et surtout l'art italien.
La contemplation artistique futpour lui la seule proie toujours saisissable.
Il lui doit les plus intimes consolations.
Condamnerons-nous sonesthétique ? Il ne la donne pas comme vraie, il la donne comme sienne et elle assume une significationpsychologique fort nette.
Il est susceptible d'atteindre une ivresse dont il est dominé, sans concevoir qu'il puisseexister, en ce domaine, un ravissement supérieur.
Reconnaissons du moins à son dilettantisme, qui ne confond pointl'art avec la morale, le goût de la simplicité et l'horreur du « phébus ».
Rarement il prend le geste pour l'action ; s'ilne parvient pas à sentir tout à fait, avant André Suarès, que « l'art est le drame de la nature » dans un esprit qui lapense, qui l'exprime et la fait être, il dirait volontiers avec le même auteur ; « L'art n'est pas la copie de la nature,mais il en est encore moins la rhétorique ».
Ses goûts sont discutables, contradictoires, curieux surtout par lapsychologie qu'ils révèlent, et que son oeuvre future confirmera mais, à tout bien peser, il n'est pas illégitime de tirerdes opinions de Stendhal, et en particulier de l'insistance qu'il apporte à ses transpositions, cette idée que tout setient en art derrière l'infinité des moyens d'expression, qu'un point commun rassemble, par delà les préférencespersonnelles légitimes, toutes les beautés en une beauté.
Stendhal est dans la chaîne continue des critiques d'artun des maillons qui nous ont conduits peu à peu à la conception d'une pureté « lyrique » qui n'est pas plus le beauidéal que voulait Winckelmann que le beau idéalisé et changeant, par choix dans la nature, que préconisait Stendhal.L'Histoire de la peinture en Italie s'en tient à l'histoire de l'Ecole de Florence jusqu'à la mort de Michel-Ange.Stendhal n'a pas donné de son vivant le vaste panorama projeté, encore qu'il soit revenu inlassablement sur les artsdans ses livres sur l'Italie.
L'énormité de la tâche le lassa.
C'est en 1932 et sous le titre Ecoles italiennes de peinturequ'Henri Martineau publiera des pages dont le seul mérite est de rassembler des faits disséminés dans d'innombrablesvolumes.
A cette compilation, Stendhal n'a pas eu le temps d'ajouter ses appréciations particulières.
Cette esquissedonne néanmoins une idée de l'oeuvre d'ensemble qu'il avait conçue.
Son âme s'y révèle par moments dans safinesse rêveuse.
Déjà certaines adaptations portent la trace de sa griffe.
Le commentaire esthétique obéit auxtendances que l'on connaît.
Le travail d'élaboration, surpris sur le vif, est inachevé.
De 1812 à 1815, Stendhal arassemblé une vaste matière dans laquelle sa mémoire puisera abondamment.
Il se sentira de plus en plus encommunion avec le style du Corrège, jusqu'à créer dans ses romans des personnages « corrégiens » Mais on peutdire qu'après les voyages en Italie de 1811, de 1813 et le séjour à Milan de 1814 à 1817 ses années d'apprentissagesur le plan de l'histoire de l'art et de l'esthétique ont pris fin..
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