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STENDHAL, La chartreuse de Parme. Vous ferez de ce texte un commentaire composé, que vous organiserez de façon à mettre en lumière l'intérêt qu'il vous inspire. Vous pourriez, par exemple, étudier comment Stendhal confère à cette page descriptive l'unité et la résonance d'une médiation poétique.

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

(La comtesse Pietranera revient chez son frère au château de Grianta situé sur les bords du Lac de Côme, au nord de Milan en Italie)
 
 Au milieu de ces collines aux formes admirables et se précipitant vers le lac par des pentes si singulières, je puis garder toutes les illusions des descriptions du Tasse et de l'Arioste. Tout est noble et tendre, tout parle d'amour, rien ne rappelle les laideurs de la civilisation. Les villages situés à mi-côte sont cachés par de grands arbres, et au-dessus des sommets des arbres s'élève l'architecture charmante de leurs jolis clochers. Si quelque petit champ de cinquante pas de large vient interrompre de temps à autre les bouquets de châtaigniers et de cerisiers sauvages, l'œil satisfait y voit croître des plantes plus vigoureuses et plus heureuses là qu'ailleurs. Par-delà ces collines, dont le faîte offre des ermitages qu'on voudrait tous habiter, l'œil étonné aperçoit les pics des Alpes, toujours couverts de neige, et leur austérité sévère lui rappelle des malheurs de la vie ce qu'il en faut pour accroître la volupté présente. L'imagination est touchée par le son lointain de la cloche de quelque petit village caché sous les arbres : ces sons portés sur les eaux qui les adoucissent prennent une teinte de douce mélancolie et de résignation, et semblent dire à l'homme : la vie s'enfuit, ne te montre donc point si difficile envers le bonheur qui se présente, hâte-toi de jouir. Le langage de ces lieux ravissants, et qui n'ont point de pareils au monde, rendit à la comtesse son cœur de seize ans.

• La Chartreuse de Parme, publiée trois ans avant la mort (1842) de Stendhal : roman méconnu à son époque.
 • Fin du roman : dédicace « To the happy few « (à l'heureuse élite).
 
 • Celle qui est encore Comtesse Pietranera en ce tout début de l'œuvre, avant de devenir la Sanseverina, est une des représentantes de cette élite.
 
 • Au moment où se situe ce passage, après la mort en duel de son mari, Gina - 31 ans alors et elle s'en croit « arrivée au moment de la retraite « -, réduite à une chiche pension, vient de recevoir de son frère marquis del Dongo (père de Fabrice) une lettre d'invitation : « il lui écrivit qu'un appartement et un traitement dignes de sa sœur l'attendaient au château de Grianta «.
  

« - l'arène - est certainement le lac lui-même. • Gina vient d'en parler quelques lignes auparavant et de son « hardi promontoire », qui le sépare en « deuxbranches », celle de Côme si voluptueuse et celle qui court vers Lecco pleine de sévérité. • Dans le passage étudié ici, ce sont les bords qui sont présentés, ce qui l'environne ; on y remarque plusieursétages (présentation en verticale) et plusieurs profondeurs en horizontale, les deux niveaux se réunissant pourconstituer une forme en entonnoir avec pentes, les lointains horizontaux et verticaux se rejoignant. • Reconstitue, le dessin géographique est donc le suivant : - « Par-delà [les] collines », ce sont « les pics des Alpes », les plus élevés, les plus loin en distance...; - « le faîte des collines » offre des « ermitages » : hauteur et distance encore importantes...

; - partant de ces sommets, s'égrènent le long des « pentes » de haut en bas: «l'architecture» des clochers («leverbe « s'élève » et le complément « au-dessus des sommets des arbres » les situent assez précisément), puis les «grands arbres », ensuite « les bouquets de châtaigniers et de cerisiers sauvages » moins élevés sans doute, enfin «les villages situés à mi-côte » et « quelque petit champ » disséminé çà et là. • Mais si l'on veut tracer la carte des lieux en suivant les indications nettes données au cours du passage, on serend compte que la narration est en réalité plus fantaisiste; passant d'un étage à un élément horizontalement pluslointain, ou d'un autre plus proche à un autre étage, le tout comme en butinant, sans rigueur excessive. • C'est un « œil satisfait » qui perçoit les détails et qui les note, retenant non seulement cette structure, mais aussides « formes », celles des « collines », qualifiées avec passion d'« admirables », mais présentées aussi avecrectitude comme « se précipitant vers le lac par des pentes ». • Les formes priment d'ailleurs sur les couleurs, aussi pense-t-on plus à un dessin qu'à un tableau, la seule notion deteinte étant suggérée par la « neige » qui couvre les « pics ». • Les lignes et masses par contre sont bien délimitées : les villages et les arbres sont groupés, « cachés » les unssous les autres ; la ligne des clochers qui « s'élève » dépasse celle des sommets des arbres ; les îlots des champs «interrompent] les bouquets » (autre forme) de « châtaigniers et de cerisiers ». • On va de formes arrondies à lignes pointées vers le ciel : « Clochers », « pics »... • Mais ce n'est pas visuellement seulement qu'est transcrit le paysage, c'est aussi auditivement : un son adouci parla distance, « lointain », « caché, sous les arbres », transformé par les eaux du lac qui le portent en ondes auxoreilles comme les collines pourraient s'en faire l'écho... II.

Ce que voit - ou revoit - la Comtesse Pietranera. • Mais c'est le cœur en réalité qui écoute... • ...

car cette description est transmise de façon très subtile. • Ce qui frappe d'abord, c'est que, malgré les deux voix qui parlent : la Comtesse - plus directement - ou enseconde main son « historien » (terme de Stendhal lui-même), i.e.

Stendhal, ne font que transmettre le « langage »des « lieux ». • C'est donc comme si le site parlait par leur truchement soit au lecteur, soit à Gina qui vient retrouver là sessources, soit peut-être seulement au cœur de Stendhal - qui fut souvent tenté d'écrire pour lui seul. • Ce paysage est d'ailleurs doté de qualificatifs plutôt réservés aux humains : « tout est noble et tendre », «architecture charmante», «jolis clochers», «plantes...

plus heureuses là...

», « austérité sévère », « lieux ravissants». • On est ainsi assez proche d'une certaine manière de peindre de Rousseau avec des qualificatifs qui sont desimpressions, des notations qui à travers les sens touchent le cœur.

Adjectifs sentimentaux et conceptuels... • Ce choix de vocabulaire rappelle volontiers le XVIIIe siècle finissant. • Un courant affectif s'établit entre paysage et Comtesse, et la, c'est le romantisme qui apparaît.

Quelques lignesauparavant, l'indication « disait-elle » - juste avant cet extrait - a bien précisé qu'il s'agit d'une méditation. • Mais ce n'est pas un monologue, c'est d'abord un dialogue avec lac et rivage.. »

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