Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée... Victor HUGO
Publié le 04/07/2010
Extrait du document
«Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée. 2 Quand Josué rêveur, la tête aux cieux dressée, 3 Suivi des siens, marchait, et prophète irrité, 4 Sonnait de la trompette autour de la cité, 5 Au premier tour qu'il fit, le roi se mit à rire ; 6 Au second tour, riant toujours, il lui fit dire : 7 «Crois-tu donc renverser ma ville avec du vent ?« 8 À la troisième fois, l'arche allait en avant, 9 Puis les trompettes, puis toute l'armée en marche, Io Et les petits enfants venaient cracher sur l'arche, il Et, soufflant dans leur trompe, imitaient le clairon ; 12 Au quatrième tour, bravant les fils d'Aaron, 13 Entre les vieux créneaux tout brunis par la rouille, 14 Les femmes s'asseyaient en filant leur quenouille, 15 Et se moquaient, jetant des pierres aux Hébreux ; 16 À la cinquième fois, sur ces murs ténébreux, 17 Aveugles et boiteux vinrent, et leurs huées 18 Raillaient le noir clairon sonnant sous les nuées ; 19 À la sixième fois, sur sa tour de granit 20 Si haute qu'au sommet l'aigle faisait son nid 21 Si dure que l'éclair l'eût en vain foudroyée, 22 Le roi revint, riant à gorge déployée, 23 Et cria : «Ces Hébreux sont bons musiciens !« 24 Autour du roi joyeux riaient tous les anciens 25 Qui le soir sont assis au temple, et délibèrent. 26 À la septième fois, les murailles tombèrent.«
Questions :
1. Quelles sont les spécificités des vers 1 et 26 ? 2. En quoi ce texte est-il épique ? 3. Relevez les éléments qui ne ressortissent pas au genre épique. Comment pourriez-vous les qualifier ? 4. Relevez les éléments qui peuvent se rapporter à l'actualité de 1852-1853.
1. Les deux vers sont détachés car ils ont une fonction spécifique par rapport à la fable. Le premier vers est une maxime introductrice à l'impératif. Il énonce une vérité générale qui annonce la fable mais qui se rapporte également à la situation de Victor Hugo en 1852. Il s'agit d'un véritable
programme qui pourrait être la conclusion du texte.
Le dernier vers est détaché. Symboliquement, ce détachement mime le renversement complet de l'équilibre du texte et le coup de surprise de la chute. Un vers suffit à contredire la construction de l'ensemble du texte. Le dernier vers, très conclusif, est au passé simple alors que le reste du texte utilise surtout un imparfait duratif.
«
contexte de 1852.
Le livre VII des Châtiments, qui est le dernier livre, s'ouvre sur un poème sans titre : «Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée...», réécriture par Victor Hugo d'un épisode biblique tiré du livre de Josué : la prise de Jéricho.Il s'agit d'une synthèse de l'ensemble du recueil puisque la parabole va montrer la victoire du prophète et du poètesur les impies et les incroyants.
Deux vers isolés, comme Nox et Lux sont séparés du reste du recueil, entourent le corps du poème qui retrace les sept tours de Josué devant Jéricho avant la chute de la ville Notre lecture montrera comment le texte évolue entrele respect de l'épisode biblique et l'actualisation esthétique et historique d'un mythe.
Dans une première partie, nous étudierons comment se prépare le coup de théâtre final, puis nous montrerons quecet épisode biblique est fortement marqué par l'esthétique romantique, enfin nous verrons que l'histoire de Josué estune allégorie de la situation historique de Victor Hugo.
I.
La mise en scène d'un coup de théâtre
L'écriture hugolienne joue sur l'attendu et l'inattendu, le but étant évidemment d'amener le lecteur au coup dethéâtre final.
Un texte narratif
Le poème est la réécriture d'une parabole biblique.
Le lecteur est placé devant un récit au passé.
Le prophèteJosué est le seul auquel le poète s'intéresse au point de le qualifier : rêveur, la tête aux cieux dressée, suivides siens, prophète irrité.
Doté d'un prénom, Josué est valorisé dès les premiers vers.
Le roi, lui, n'est qualifiéque par son titre.
Le texte construit une opposition subtile entre l'incrédulité des habitants de Jéricho (le roi,les enfants, les femmes, les aveugles et les boiteux, les anciens) et la gradation de la marche.
On remarqueraque le roi et les anciens sont dévalorisés par le rapprochement de leur attitude avec celle des faibles de lacité, tous militairement disqualifiés.
L'incrédulité est soulignée par le champ lexical de la raillerie, de la moquerieet par la répétition du rire.
Le temps, pendant les six premiers tours, est suspendu non seulement par l'oisivetéde la ville mais également grâce à la valeur durative de l'imparfait.
L'énonciation est neutre.
Aucun indice de laprésence du poète n'apparaît.
Le texte s'exhibe dans sa neutralité.
Le dernier vers conclusif, au passé simple,n'est accompagné d'aucun commentaire.
1.
Une progression en sept manches 2.
Le texte est construit selon une savante gradation.
L'atmosphère s'obscurcit : créneaux brunis, murs ténébreux,noir clairon,...
À chaque tour, le poète consacre un peu plus de vers pour faire monter la tension.
Respectivement 1,2, 4, 4, 3, et symptomatiquement 7 pour le sixième tour.
Le dernier vers, en retrait, dans sa brièveté, mime lacatastrophe.
Le chiffre sept, si présent dans l'Ancien Testament et dans l'Apocalypse, n'est pas choisi au hasard.
Ils'agit aussi d'un chiffre essentiel dans l'ar chitecture des Châtiments, qui comprend également sept livres et qui présente la même gradation de la peine à la victoire.
Le jeu sur l'attendu et l'inattendu
Tout le texte comporte un jeu subtil sur l'attendu et l'inattendu.
Le lecteur cultivé n'est pas surpris par la chute.
Lelecteur connaisseur des Châtiments ou attentif à la logique du texte pressent également la fin.
L'inattendu est plutôt dans le regard porté sur la cité.
L'épisode biblique ne faisait pas attention aux impies.
Ici, le poète choisit demettre en scène leur incrédulité et de grossir ainsi l'effet de surprise.
II.
La réécriture romantique d'un épisode biblique
Il s'agit évidemment d'une réécriture romantique qui respecte, comme le commande l'esthétique, la couleurhistorique mais qui baigne l'épisode dans une atmosphère très spécifique.
La couleur locale
On remarque d'abord la volonté chez Victor Hugo de faire vrai.
Quelques détails nous placent dans un contexterésolument biblique.
Le vocabulaire choisi, par exemple, fait couleur locale : la nomination par la filiation (les filsd'Aaron), ou l'Arche de l'alliance.
L'Arche est un coffre de bois qui contient notamment les tables de la Loi, elle estun indice de la présence de Dieu.
La lapidation, au vers 15, nous place également dans le contexte biblique toutcomme l'allusion aux anciens qui délibèrent au temple.
L'influence romantique
D'autres détails montrent également l'influence d'une esthétique romantique.
L'enjambement, omniprésent, donnele rythme de la procession (v.
2-3) et allonge le vers avant le coup de théâtre final (v.
17-18).
On sait que le Moyen-Age.
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