Sommes-nous si malheureux ?
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
Nous autres, citoyens des sociétés occidentales en ce dernier quart du XXe siècle, et plus particulièrement nous autres Français, nous avons certes quelques raisons de nous plaindre. Qui, parmi nos prédécesseurs, n'en a pas eues? Nous payons beaucoup d'impôts, nos villes sont surpeuplées, nos campagnes polluées, et la vie de la mère de famille surmenée, qui, après sa journée d'usine, rentre dans sa boîte à habiter aux cloisons sonores pour s'occuper de son ménage, n'a rien de très enviable. Peut-être — sans doute — l'immensité des moyens qu'a mis à la disposition de l'homme la conquête de la nature pourrait-elle être mieux utilisée pour le bien de tous. Pourtant, faisons quelques comparaisons. Il n'y a pas si longtemps, il n'existait aucun recours ou presque contre l'extrême pauvreté, la vieillesse, le chômage, la maladie. Il n'y avait pas de moyens de lutter efficacement contre les grandes épidémies qui, parfois, en quelques années, décimaient l'Europe entière, contre les maladies endémiques qui prenaient à chaque mère plus de la moitié de ses enfants. La durée moyenne de la vie humaine était le tiers de ce qu'elle est. Dans les grands hivers, comme celui de 1709, au zénith de la civilisation classique, les gens mouraient de faim par familles entières, et les routes étaient bordées de leurs cadavres. Confrontons maintenant notre sort avec celui d'autres peuples, aujourd'hui même. Songeons seulement aux multitudes d'affamés, à tant de dictatures implacables qui règnent sur tant de nations. Songeons à tout ce qui nous est épargné. Si nous avons des raisons d'être malheureux, c'est plutôt en pensant aux malheurs des autres peuples qu'aux nôtres... Là est le paradoxe. Nous pouvons sans doute reprocher à notre société de ne pas engendrer de Mozart, et de ne plus savoir construire des cathédrales. Elle n'en est pas moins, entre toutes celles du passé et du présent dont nous avons connaissance, celle qui a assuré à la plus grande proportion d'êtres humains le plus d'abondance matérielle, le plus de loisirs, le plus d'aisance, le plus de confort, le plus de sécurité, le plus de liberté. Pourtant, elle est accablée de sarcasmes, d'injures, d'accusations, de revendications, de malédictions par des millions de ses membres, et notamment par ces jeunes gens auxquels elle a tout particulièrement réservé des faveurs, et dont beaucoup, non contents de la mépriser, la fuient dans diverses formes de révolte nihiliste. Elle n'a pas su se faire aimer. Tout se passe comme si c'était en vain que la société s'efforçait de répandre le plus largement possible sur ses membres les éléments matériels du bonheur et comme si, prenant ce qu'elle leur donne, les hommes ne l'en maudissaient que davantage pour tout ce qu'elle ne leur donne pas. Thierry Maulnier, de l'Académie française.
1) Résumez ou analysez le texte en une dizaine de lignes. 2) Expliquez les mots et expressions : — décimaient; — paradoxe; — ne pas engendrer de Mozart. 3) Nos contemporains ont-ils vraiment moins de raisons de se plaindre que de motifs de satisfaction ? Vous examinerez cette question dans un développement d'une cinquantaine de lignes.
«
6) «Là est le paradoxe ...
cathédrales».
Autre reproche adressé à la civilisation occidentale.
7) «Elle n'en est pas moins ...
le plus de liberté».
Valorise la civilisation occidentale en relevant ses deux bienfaitsprincipaux : le bien-être et la liberté.
On résume ici la supériorité de notre société par rapport au passé et auxautres sociétés actuelles.
8) «Pourtant...
ne leur donne pas».
Là encore le mot de liaison marque une opposition.
Le passage reprend lescritiques en signalant qu'elles sont surtout formulées par les jeunes et particulièrement par ceux qui bénéficient denotre société.
Résumé rédigé
Pour rédiger le résumé, il suffit de suivre l'ordre du texte.
Les occidentaux peuvent, à juste titre, se plaindre de leursconditions de vie souvent pénibles et de l'inaptitude du progrès à remplir pleinement sa fonction.
Cependant le passéconnaissait d'effroyables misères, des épidémies et des morts violentes, même aux hautes époques de la civilisation.Aujourd'hui encore, de nombreux peuples affrontent les famines et la tyrannie.
Le déclin culturel de l'occident nedoit pas faire oublier le bien-être et la liberté dispensés par la civilisation technique.
Mais les priviligiés, etparticulièrement les jeunes, continuent à la critiquer en dépit de ses bienfaits.
ANALYSE
Cet exercice demande, à l'inverse du résumé, de recomposer le texte.
Il se trouve que la page de Thierry Maulniern'a pas besoin d'être profondément modifiée car l'ordre du texte offre, tel qu'il est, une cohérence logique.
Certainesidées peuvent toutefois être regroupées.
Ainsi la séquence 2, qui se trouve dans le premier paragraphe, oriente,grâce au terme «prédécesseurs», la réflexion vers le passé ; réflexion qui sera plus longuement développée dans laséquence 4.
La séquence numéro 6 expose une critique à l'encontre de la société occidentale.
Il convient de la rattacher auxcritiques précises énoncées dans les séquences 1 et 3.
Enfin l'auteur utilise trois arguments pour atténuer lesaccusations portées contre notre société.
Les deux premiers sont indirects : il s'agit en effet de comparer avec lesmalheurs du passé (séquence 4) et des pays non occidentaux (séquence 5).
Le troisième argument est plus direct :il insiste sur les bienfaits de notre civilisation (séquence 7).
Il faut donc regrouper ces trois arguments et terminermême l'analyse par la séquence 7 puisque c'est elle qui valorise le plus le progrès.
Voici donc le plan de l'analyse :
1) Les critiques adressées à l'Occident.
2) Les auteurs de ces reproches.
3) Les arguments qui discréditent les accusations et qui soulignent l'ingratitude de nos contemporains.
Analyse rédigée.
L'auteur reproche aux Occidentaux leur ingratitude envers la société contemporaine.
Certes les sujets demécontentements abondent car les conditions de vie sont souvent pénibles.
Certes le présent connaît un déclinartistique notable.
Mais les plus critiques sont justement ceux que le progrès a comblés.
En outre, une perpétuellemisère troublait les temps passés.
De plus de nombreux pays affrontent aujourd'hui-même les famines et la tyrannie.Enfin la civilisation occidentale est la seule qui dispense au plus grand nombre de ses membres tant de bien-être etde liberté.
VOCABULAIRE
Décimaient.
Même si le sens du verbe n'est pas connu, le contexte permet assurément d'en dégager la signification: les grandes épidémies dévastaient, ravageaient l'Europe.
Il est probable que l'origine du mot n'est pas connue :formé sur « decem » (dix), il renvoie à la pratique qui consistait à mettre à mort un soldat sur dix, la victime étanttirée au sort.
Pour le candidat, ce qui compte, c'est de comprendre l'utilisation du mot dans le texte.
Paradoxe.
Dans l'explication présente, il suffisait de trouver des synonymes.
La compréhension ne faisait guèreproblème.
Ici, il faut donner le sens général du terme, mais dire aussi en quoi consiste le paradoxe.
Ce nomreprésente une idée qui va à l'encontre de l'opinion commune.
D'après le texte, l'attitude la plus répandue consiste àcritiquer la société occidentale, alors que la sagesse serait d'en reconnaître les bienfaits.
La supériorité du progrèsest, selon Thierry Maulnier, aveuglante, les défauts des autres sociétés sont manifestes, et pourtant «le paradoxe »veut que l'on condamne le monde actuel.
Ne pas engendrer de Mozart.
Par un exemple, l'auteur exprime une idée.
Mozart représente ici, bien sûr, lemusicien, le génie, mais aussi tout créateur d'exception.
Notre société ne serait donc plus capable de permettre une.
»
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