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SOLITUDE DE SAINT-SIMON

Publié le 31/03/2012

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saint simon

Le prince du commérage, le mondain snobissime, l'historien le plus petit. le plus grand, l'auteur le plus engagé et le plus parfaitement posthume. Saint-Simon est tout cela. contradictoirement. Le plus incroyable des hommes et des écrivains ; et l'on s'épuiserait en superlatifs. Le plus facile et le plus difficile à pasticher. On le cerne et on le brusque. on l'enfume en sa «boutique« : il sort un tigre de papier. Non. ce n'est pas encore lui. Saint-Simon est un autre. Et de fait. chez ce héros de l'identité, quel « glissant «! L'oeuvre elle-même s'oppose à l'oeuvre. Ici, la fulguration ; là. dans la même page, de gros paquets d'érudition, insipide : l'historien enfile les généalogies les plus mornes, les plus mortes, rumine le blason et dénonce au lecteur, qui n'est pas nécessairement duc, les infractions à l'étiquette. Laborieuse inconséquence ! Faire l'historique d'un cérémonial, n'est-ce pas faire celui des variations du cérémonial ? Au bout de ces immenses (et étroites) perspectives, que voyons-nous, sinon la relativité de toute noblesse. et le «parfait néant « de tout ce qui a dû commencer. et la loi même du changement ? Plus que nul autre, le système saintsimonien évoque le colosse aux pieds d'argile. Allons jusqu'au bout du système. et nous trouverons un seul postulat, dont l'absurdité éclate. et hors duquel tout s'effondre : nulle différence entre l'ordre antique (de Charlemagne, des douze pairs «à la similitude des ...

saint simon

« douze 1 ignées d'Israël comme les douze apôtres ») et 1 'ordre éternel.

Plein d'« usage» et de «raison».

il n'est pas douteux qu'il marche en écrevisse.

N'a-t-il rien appris de Montesquieu.

son voisin de la rue Saint-Dominique ? Et de ce coquin de Voltaire.

fils de son ancien tabel­ lion 1 7 Ne parlons point de Jean-Jacques : il vient d'écrire le Discours sur l'inégalité quand Saint-Simon ne voit plus ce monde qu'à la lueur des« terribles flam­ beaux qu'on allume aux mourants» ...

La pensée saint­ simonienne échappe cependant au ridicule par une obsession.

qu'on devine jusqu'en ses exaltantes.

ses désolantes chimères.

Le désespoir la sauve.

Car Saint-Simon n'espère pas ce qu'il désire : le désir d'éternité n'est pas inconciliable avec le sentiment de l'irréversibilité du temps.

Il écrit, en 1753.

si loin et encore si près du « monde » : nul ne peut faire «que ce qui est ne soit pas » ; que ce qui a été ne soit pas.

Mais il s'agit d'« essences».

radieux vestiges.

scintil­ lations d'un ciel malgré tout antérieur 2 .

Et l'on peut bien refuser son impossible système ; 1 'on peut aussi aimer.

dans cet homme si manifestement supérieur à sa philosophie comme à ses grandeurs d'établissement.

et dont la faiblesse fut de ne pas le savoir.

l'âme qui cherche toujours ce qu'elle sait bien qu'elle a perdu.

Un nihilisme.

relatif sans doute, limité à la vie mon­ daine.

à l'existence, à la fortune.

s'affirme dès le prologue du grand œuvre.

Les Mémoires commencent par un nada 3 ; écrire l'histoire.

c'est se montrer à soi-même le« rien de tout».

Et pourtant Saint-Simon 1.

«Arouet, fils d'un notaire qui l'a été de mon père et de moi, jusqu'à sa mort» (Mé­ moires, Pléiade, V, p.

284).

M• Arouet mourut le 1'er janvier 1724 ; il avait en 1692 vendu sa charge de notaire royal au Châtelet.

2.

Saint-Simon évoque maintes fois l'• es­ sence» de la pairie, celle du Parlement (la « nature originelle », l' • essentielle bassesse » des • légistes •), celle du Tiers Etat.

3.

Nada : rien, en espagnol.. »

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