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SINGULARITÉ ET UNIVERSEL

Publié le 28/03/2015

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L'idée que l'homme est d'abord une histoire a pris encore

plus d'ampleur aujourd'hui qu'au XIXe siècle. Cependant, l'accord se fait pour dire que la grande littérature est celle qui réussit à concilier l'enracinement dans une culture don­née et l'ouverture sur l'universel. François Mauriac donne une grande place dans ses romans à son Bordelais natal, mais sa peinture de l'âme humaine est suffisamment riche pour qu'on ne songe pas à classer Thérèse Desqueyroux dans la littérature régionaliste. Jorge Amado situe toutes ses oeuvres dans le Nordeste brésilien dont il est originaire mais des romans comme Bahia de tous les saints ou Theresa d'Agreste sont lus dans le monde entier. Chinua Achebe situe son roman Le Monde s'effondre dans son Biafra natal et s'appuie sur des faits réels ; cependant son livre a une audience non seulement dans toute l'Afrique, mais aussi dans toutes les régions du globe où une culture est écrasée par une autre. La seule chose qui distingue un écrivain «régional« ou « national « d'un écrivain de dimension uni­verselle n'est en fin de compte que le génie.

« 114 /Problèmes de la création .

@) m'élargirai en cercles concentriques jusqu'aux extrémités de la terre.

» Ramuz, comme Jules Renard, était bien conscient que, pour ne pas s'enliser dans la littérature régionale, il était néces­ saire d'atteindre l'universel en peignant le singulier.

Évo­ quant l'un des trois grands tragiques grecs que l'on cite toujours quand on parle d'universalité, il disait d'ailleurs avec humour dans Découverte du monde (1939) : «Qu 'aurait fait Eschyle s'il était né en 1878, quelque part dans mon pays, le pays de Vaud?» D'autres auteurs pourraient encore être appelés à la res­ cousse pour illustrer cette idée que l'universel ne jaillit pas du traitement superficiel d'idées générales mais de l'appro­ fondissement d'un univers qui peut être restreint.

Goethe dit, par exemple, dans les Conversations ...

avec Eckermann ( 11 juin 1825) : «Le poète doit saisir ce qu'il y a de parti­ culier et par là, si ce particulier est sain, le poète représen­ tera l'universel.

» .....

Il est des époques comme le xvn· siècle où l'on croit fermement à l'existence d'une nature humaine.

On entend par là une sorte de noyau fondamental fait d'un complexe de sentiments élémentaires qui se retrouvent chez tous les hommes de tous les temps et de tous les pays.

Du fait de l'existence de ce fonds permanent, le problème d'une litté­ rature universelle ne se pose même pas.

Celui qui peindra avec vérité ses contemporains fera œuvre éternelle puisqu'il sera susceptible de toucher les cœurs des hommes en d'autres temps et en d'autres lieux.

Mais les romantiques, dans le prolongement d'un mouve­ ment amorcé au xvm· siècle, attireront l'attention sur le fait que l'homme est toujours enraciné dans un terroir et une époque.

Ils souhaiteront donc situer leurs personnages dans un contexte historique et faire ressortir leurs singularités.

Corrélativement à cette tendance se manifeste alors, notam­ ment en Allemagne, un mouvement en faveur d'une littéra­ ture nationale.

L'idée que l'homme est d'abord une histoire a pris encore. »

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