Simone de Beauvoir résume ainsi des critiques qui lui ont été adressées : « L’angoisse du temps qui fuit, l'horreur de la mort, c'est très bien, vous avez tout à fait le droit de ressentir ça, c’est très honorable; mais ça vous regarde... et ne nous en parlez pas! » Elle répond : « Il faut parler de l’échec, du scandale, de la mort, non pas pour désespérer les lecteurs, mais au contraire pour essayer de les sauver du désespoir. »
Publié le 05/11/2016
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Écrivain existentialiste, Simone de Beauvoir a été accusée - comme nombre d’auteurs de l’immédiate après guerre de se complaire dans le sordide : histoires immorales, vocabulaire grossier, vision pessimiste du monde, etc. Il est vrai que, comme pour Jean-Paul Sartre, la littérature est pour Simone de Beauvoir l’illustration d’une philosophie qui s’exprime autant dans l’essai théorique (pour une morale de l'ambiguïté) que dans l’essai autobiographique (La force de l'âge, La force des choses) ou le roman (L'invitée).
Vous semble-t il qu'un écrivain, un cinéaste, tout artiste en général fasse en effet œuvre utile en prenant ces thèmes d'inspiration?
Remarque : ces deux sujets extraits de propos de Simone de Beauvoir posent en fait la même question : pourquoi la littérature parle t elle d’expériences affreuses ou désolantes ? Et apportent une réponse identique : pour surmonter la solitude du lecteur et le « sauver du désespoir ». Les remarques seront donc semblables pour les deux sujets, même si la spécificité de chacun (liée à la précision des termes employés dans chaque libellé) appelle un traitement en apparence différent.

«
cu
lier ).
Quant au contenu impliqué par le sujet de Paris,
là non plus les exemples ne manquent pas : la fuite du
temps a inspiré les poètes, tout autant que 1 'amour, de Ron
sard à Apol linaire, de Mal herbe à Lamar tine; la peur de la
mort quant à elle est apparue lorsque 1 'h éroïsme ne s'est
plus confondu avec le surhumain, c'est-à-dire après la
période classique.
Mais tous les exemples doivent s'or ganiser selon un plan
ri goureux qui peut être 1 'occasion de poser une question
fondamentale : pourquoi lit-on ?
PLAN SUGGÉRÉ
In trod uction.
Le débat sur la fonc tion de la littérature revêt de nombr euses
formes : il peut porter sur le sens même de 1 'écriture réalism e
ou vision ? sur les rapports de 1 'œuvre avec le public indiffé
rence ou communication ? , sur la nature du contenu opti
misme ou pessimisme ? Simone de Beauvoir répond à cette triple
interrogation en affirmant que le lien nécessaire entre le lecteur
et 1 'auteur passe par une représentation pessimiste de la réalité,
représ entation qui facilité l'id entification du lecteur au modèle et
abolit ainsi son isolement.
1.
Le refus de l'exhihitionisme ...
Pour Zola et 1 'école naturaliste la vision pessimiste du monde
repose sur une observation scientifique de la réalité (voir le
Roman expérim ental).
Observat ion qui impose de scruter la vérité
dans ses détails les plus sordides.
Peut-on dire alors que 1 'écrivain
se comp orte en voyeur ? Non répond Zola : car l'auteur se
contente de démonter un mécanisme dans lequel chaque rouage
importe.
A la limite, et en adoptant la perspective naturaliste, le
romancier classique, qui manipule ses personnages au gré de sa
volonté et de sa fantaisie, encourt davantage le reproche d 'exhibi
tionniste (tout ce qu'il montre est gratuit) et de voyeur (puis qu'il
s'in sinue dans la psychologie de ses héros sans justification autre
que son propre désir).
[A 1 'appui de votre démonstration, opposer par exemple un
roman de Zola à un roman de Volt aire; l'exemple de Balzac et
de Stendhal vous fournira une excellente transition, le premier par
13 7.
»
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