Simenon : Ecriture et conjuration de la peur
Publié le 12/09/2015
Extrait du document
Vous et moi aussi, je suppose. Mais nous avons une chance inouïe. Quand je commence à glisser sur la pente, il me suffit d’entreprendre un film. De votre côté, dès que vous vous sentez mal dans votre peau, vous écrivez un roman. Ayant ainsi trouvé notre remède personnel, nous n’avons ni l’un ni l’autre besoin du psychiatre ou du psychanalyste.
Je crois, je sens, que le premier sentiment de l’animai humain, comme celui des autres animaux, celui qui persiste avec le plus de force, qui engendre peut-être tous les autres, est la peur.
«
..,..
La frayeur d'Eve à l'idée que le soleil pourrait ne pas
revenir n'est pas un simple trait d'humour.
Georges
Simenon a ressenti très fortement cette crainte dans son
enfance et
il a observé le même type de réaction chez ses
propres enfants.
Cependant, bien sûr, envisageant l'his
toire de l'humanité,
il sait que cette peur a pu prendre
des formes très différentes selon
les époques : peur des
divinités que l'on
va amadouer par des sacrifices, peur
des animaux beaucoup plus forts que l'homme, peur de
ses semblables, peur de l'au-delà, de la souffrance, de la
mort ou de la dégradation physique
(p.
19):
«Je crois, je sens, que le premier sentiment de l'animal
humain, comme celui des autres animaux, celui qui
persiste avec
le plus de force, qui engendre peut-être
tous
les autres, est la peur.
»
En face de cette peur diffuse et multiple, lire et écrire
apparaissent comme une manière de
se rassurer.
Ou en
tout cas de faire baisser la tension en cessant de subir :
« Toute œuvre littéraire, toute œuvre d'art, n'est-elle pas,
en définitive, l'expression
d'une généreuse révolte?»
Envisageant son propre cas, Simenon affirme que cette
explication convient parfaitement.
Il précise cependant
que
le fait d'écrire n'a pas correspondu chez lui à un
choix délibéré.
Il a toujours eu le sentiment d'être
poussé par le destin, de subir sa vocation plutôt que de
l'avoir choisie:
« Écrire est considéré comme une profession et je ne
crois pas que ce soit une profession.
Je crois que tous
ceux qui
n'ont pas besoin d'être écrivains, qui pensent
pouvoir faire autre chose, devraient faire autre chose.
Écrire n'est pas une profession, mais une vocation
pour
le malheur.
Je ne crois pas qu'un artiste puisse
jamais être heureux.
»
Écrire est donc le seul moyen de faire baisser la tension.
Chez Simenon, l'expression doit être prise dans son
sens général et dans
le sens médical du terme..
»
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