«Si vraiment le téléspectateur n’en attend qu’un passe-temps divertissant, pas même une communication, comment parler d’une « mission culturelle » de la télévision ? » F. de Closets.
Publié le 03/11/2016
Extrait du document
Si vraiment le téléspectateur n’en attend qu’un passe-temps divertissant, pas même une communication, comment parler d’une «mission culturelle» de la télévision? Sans doute perdrait-on toute possibilité d’action culturelle si la télévision ne fonctionnait plus que sur ce mode distractif. Heureusement, nous n’en sommes pas encore là ; malheureusement, c’est une tentation permanente. C’est pourquoi on ne saurait aller contre cette «pesanteur» en restreignant l’usage de la télévision au mode communicatif : il faut, au contraire, prendre la distraction comme une onde porteuse de messages plus enrichissants, et tel est le grand pari des programmes : apporter d’abord au public ce qu’il attend - détente, évasion -, et lui offrir un plus. Mais toute tentative pour substituer purement et simplement la « culture » à la « distraction » paraît vouée à l’échec.
Tout le monde s’accorde à réclamer de « bons programmes », ce qui n’a aucun sens. La qualité s’apprécie en fonction d’un public et d’un objectif. Trop souvent, les télé-conseilleurs partent d’une certaine idée de la culture, donc de la télévision, pour définir des programmes. C’est poser la conclusion avant l’énoncé, et voilà qui conduit bien vite à l’élito-fascisme. Au départ, il y a un public avec son hétérogénéité, ses habitudes, ses refus, ses désirs ; il s’impose à tous comme la réalité de base, certes mouvante et qu’il convient de faire évoluer, mais une réalité vivante, qu’on ne saurait esquiver. Ce réalisme ne s’oppose pas au volontarisme : bien au contraire, il le rend possible. C’est son oubli qui mène à l’utopie et condamne à l’impuissance.
La population française se répartit, nous le savons, en une France cultivée et une France « hors culture », distinction qui se retrouve chez les téléspectateurs. Avec des nuances.
• Que de progrès depuis 1936 où la technique perfectionnée (analyseurs d’images) permet la diffusion dans le grand public !
• Donc si la T.V. devient la caractéristique de notre civilisation contemporaine, elle doit être interdépendante de la culture de notre monde actuel. -
• En est-il vraiment ainsi ? et plus précisément - interrogation sans cesse posée depuis une ou deux décennies - :
- la T.V. qui est originellement un moyen de communication, se contente-t-elle de transmettre spectacle et divertissement ? Est-ce d’ailleurs ce que réclame son public ?
- ou remplit-elle une « mission » communiquant culture ou message, formation nouvelle adaptée à un monde nouveau ?
1. T.V. • passe-temps divertissant ?
• Tendance du spectateur à « désirer facilement obtenir ce qu’il veut ».
• Une nette attente superficielle du public T.V.
• Obsession quantitative des sondages d’audience.
«
très difficile de décrire ces millions de personnes qui forment le
public de la télévision, et il convient d'abord de s'en tenir à des
constatations quantitatives.
Certains regardent beaucoup et d'au
tres moins.
Comment se présente la situation de ce point de vue ?
En moyenne, le Français regarde la télévision deux heures et
quart chaque jour.
Cette assiduité varie, en outre, d'une catégorie
à l'autre.
Première règle : plus on est âgé, plus on regarde : deux
heures pour les jeunes, près de trois heures pour les personnes
âgées.
Deuxième règle : moins on accède à la culture tradition
nelle, plus on regarde.
Les cadres supérieurs, membres des profes
sions libérales et gens d'éducation supérieure, ceux-là mêmes qui
forment la « France cultivée », regardent généralement moins de
deux heures ; les agriculteurs, manœuvres et gens d'éducation pri
maire, consacrent près d'une demi-heure de plus au petit écran.
Ces écarts, rendus asz prévisibles par les pratiques culturelles
de chacun, font pressentir la différence d'attitude existant entre
ceux qui regardent régulièrement un programme et ceux qui choi
sissent spécifiquement des émissions.
La classification la plus intéressante concerne le choix des émis
sions.
Elle est très délicate à effectuer, la principale difficulté
résidant dans un décalage très net entre les désirs exprimés et les
pratiques observées.
C'est une constante de ce genre d'études, en
France comme à l'étranger, et qui est lourde de signific atio ns.
Les
téléspectateurs disent vouloir certaines choses et vont en regar
der d'autres.
Examinons ce phénomène avant d'en tirer les consé
quences.
Le ministère de la Culture et de la Communication a fait étudier
en 1978 le proc esus de choix des émissions.
Que ressort-il de cette
enquête ? On est d'abord frappé par la prépondérance du « mode
distractif » sur le « mode communicatif ».
Les téléspectateurs,
constatent les auteurs du rapport, ne sont plus en mesure de don
ner le titre d'émissions regardées quelques jours auparavant, ils
doivent faire effort pour dégager un détail précis de souvenirs très
flous.
Les erreurs sont fréquentes.
Il s'agit donc bien d'un flux
d'images qui traverse l'esprit en produisant des sensations agré
ables, mais sans véritablement y inscrire d'informations.
Ainsi dis
paraissent de nos mémoires les menus de nos repas quotidiens.
Toutefois, cette recherche d'une évasion divertissante n'entraîne
pas une indifférence au contenu, une absence de préférence.
S'il ne
cherche pas une véritable communication, le téléspectateur n'en
plonge pas pour autant dans l'hébétude.
Il attend plus qu'un senti
ment anonyme ou un bercement audiovisuel.
Au passe-temps télévi
suel, on demande une certaine « qualité ».
Tout reste pourtant
subordonné à cette fonction première : le divertissement.
C'est,
disent les auteurs du rapport, une « vocation spontanée » reconnue
à la télévision, elle doit d'abord « détourner du quotidien posé
comme une suite d'épreuves, faire oublier les soucis ».
Nos élites ne manqueront pas de s'en désoler, mais n'est-ce pas
naturel ? Avant de pos er un téléviseur, la masse des Français
cherchait à se distraire plus qu'à se cultiver ; par quelle grâce.
»
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