Si vous étiez examinateur au baccalauréat, quelles qualités aimeriez- vous à trouver dans les compositions françaises des candidats, et quels défauts y jugeriez-vous sévèrement ?
Publié le 09/02/2012
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Cette double question me remplit de crainte. N'est-ce pas ma propre condamnation que l'on m'invite à prononcer? ... Puissé-je, logique avec moi-même, réaliser jusqu'au bout les desiderata que je vais formuler ! Si j'étais examinateur; mes e·xigences s'étendraient simultanément à la présentation extérienre, au fond et à la forme.
«
idées justes, claires, solides, vivantes, fortement enchaînées, judicieusement ordonnées.
Et, pour relier alinéas et paragraphes, des transitions à la fois habiles et- naturelles..
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Quant:aux.idées, j'accorderais mes préférences aux têtes bien faites· plutôt qu'aux têtes bien pleines.
Je réserverais les meilleures notes à qui aui·ait plus réfléchi et mieux jugé, non à qui aurait davantage cité, ou récité sans
faute.
Une pointe d'origin'alité, décelant un tempérament, une personnalité, ne serait point pour me déplaire; pas plus que certaines audaces, sans lesquelles la jeunesse ne serait plus la jeunesse.
· Les commentaires de textes, les jugements à expliquer, à discuter, à apprécier, sont, à mon avis, plus propres à établir la valeur d'un esprit que
ces sujets sur lesquels on se précipite d'instinct parce qu'ils sont traités dans les manuels.
En conséquence, je réserverais aux premiers la « cote d'amour».
* **
Et comme le style « est de l'homme même », et le baccalauréat, pre mière partie, une sorte de b,revet d'« human.ités » •; c'est au st~le surtout que je jugerais mes hommes.
SI l'on ne peut ex1ger d eux un savoir encyclo pédique, des cm;maissan~~s approfondies, u~e maturité qui n'.est pas de l,!lur âge, une impossible expenence, tous, du moms, peuvent et dOivent conna1tre et respecter leur langue maternelle :
Surtout qu'en vos écrits la langue révérée Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée ...
•..
Sans la langue ...
l'auteur le plus divin Est toujours,.
quoi qu'il fasse, un mauvais écrivain.
Boileau parlait.
d'or.
Sur le chapitre de la grammaire et de l'orthographe je me montrerais féroce, et cela dans l'intérêt même des candidats.
Leur décerner le· bacca lauréat, équivaut à leur dire : « Allez; vous pouvez désormais vous produire dans Je monde; vous avez le droit de parler et d'écrire, en France et à l'étranger, et, parmi ceux qui n'ont pu bénéficier de l'enseignement secon daire, vous ferez même, à la caserne et dans la vie, figure de lettrés.
» A
quelles désillusions je les exposerais, si je fermais les ~eux sur ce vice rédhibitoire! ...
Et les accents font partie intégrante de l orthographe! ..• Il ne suffit pas de les .Placer bien au-dessus des lettres pour faciliter la lecture, il faut encore distmguer les trois sortes d'accents et les employer à bon escient.
Ce n'est d'ailleurs là qu'un des aspects du style.
Avec non moins de rigueur, je poursuivrais des fautes que la grammaire ne dénonce pas expli citement et qui, cependant, choquent le bon sens.
Exemples, ce solécisme trop fréquent dans les lettres : En attendant votre visite, veuillez agréer mes salutations distinguées; ou encore ce barbarisme courant : pécunier, pour pécuniaire, et cet autre, cher aux téléphonistes : On vous cause, Monsieur; pour On vous parle ...
Je ne me laisserais pas prendre au verbiage, aux mots vides d'idées, aux développements oiseux : je pèserais les copies, je ne les mesurerais pas au mètre.
· J'ai la phobie des périodes interminables, surchargées de qui, de que, de dont, de où, de quand, de si; très belles peut-être sur les lèvres de l'orateur, elles ne sont plus tolérées sous la plume de l'écrivain.
Les petites propo sitions sautillantes, essoufliées, saccadées, hachées, ont, elles, le don de m'agacer.
L'art, comme la vertu, se tient dans un juste milieu.
La multiplication des conjonctions et, mais, énerve la phrase, c'est-à-dire lui ôte tout nerf, toute vigueur; elle m'énerve aussi, mais dans l'autre sens.
Je ne saurais tolérer non plus les constructions hasardées, les inversions prétentieuses, les amphibologies nées du mauvais E)mploi des pronoms per sonnels et relatifs, ou des adjectifs et pronoms possessifs.
L'abus de l'épithète est, à mes yeux, une faiblesse ..
En sa présence, le mot de La Bruyère : « Amas d'épithètes, mauvaise louange », et celui de Vol taire : «.L'adjectif est l'ennemi du nom, encore qu'il s'accorde avec lui en genre·.
et en nombre » · me· reviennent aussitôt en mémoire.
Formidable~ énorme, mis·.
à toutes les sauces, m'irritent spécialement.
·.
»
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