SEVIGNE, Marie de Rabutin-Chantal, marquise de
Publié le 19/04/2012
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(5 février 1626-17 avril 1696)
Epistolière
Par son père, Marie appartient à une famille très aristocratique. Par sa mère, elle descend de l’une des familles les plus fortunées du temps. Le 10 octobre 1646 elle met au monde une fille, Françoise Marguerite, qu’elle a eu avec son mari Henri de Sévigné, issu d'une vieille famille aristocratique bretonne, sans fortune et quelque peu libertin. Il est aussi un bretteur acharné. Le 12 mars 1648 madame de Sévigné met encore au monde un fils, Charles. En 1651 elle est veuve. Son mari est tué au cours d’un duel. Après le temps du deuil, elle quitte leur propriété des Rochers près de Vitré et revient vivre à Paris. Elle y est courtisée entre autres par son cousin Bussy-RabutinF144B. Mais elle fréquente avant tout La RochefoucauldF144A, madame de La FayetteF147, le poète MénageF144D, ScudéryF147A, La FontaineF141. Elle élève ses enfants et marie en 1669 sa fille au comte de Grignan, alors âgé de 40 ans. Il doit, un an plus tard, partir remplir sa charge de lieutenant général de Provence. Madame de GrignanF144C ne rejoint son mari qu’après avoir accouché, à Paris, d’une fille. Cette séparation de madame de Sévigné d’avec sa fille détermine l’envoi de lettres dont elle ne sait pas qu’elles seront une œuvre. Pendant près de 25 ans, ce sont près de mille lettres, si l’on ne compte que celles qui ont été conservées, qu’elle va écrire, depuis l’Hôtel de Carnavalet où elle s’installe. Madame de Sévigné rapporte les événements les plus graves comme les anecdotes les plus charmantes, elle se soucie, elle fait des remontrances, elle conseille... C’est au retour d’un voyage en Provence où elle est partie soigner sa fille qu’elle meurtO417. Ce n’est qu’en 1726, trente ans après la mort de madame de Sévigné que parut une première édition de ses lettres.
«
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~ Ce mariage devait mal tourner pour la pauvre petite épouse.
Volage et sans scrupules, le
marquis gaspilla la dot de sa femme jusqu'à ce que l'abbé de Coulanges exigeât la séparation de
biens.
Un duel absurde termina la vie et la carrière du trop frivole marquis, laissant sa femme
veuve avec
deux enfants, Marguerite et Charles, âgés de cinq et trois ans.
Mme de Sévigné avait assez aimé ce peu recommandable époux pour tomber sans connais
sance
la première fois qu'elle revit Lacger, l'instigateur du duel, et pour s'écrier :«Voilà l'homme
que je hais le plus! >> Plusieurs mois passèrent avant que la pauvre femme consentît à quitter son
château des Rochers où elle pleurait son époux.
La Gazette, toujours galante, annonça l'événement
de son retour par ces vers :
Sévigné, veuve, jeune et belle;
Comme une chaste tourterelle
.{vant d'un cœur triste et marri
Lamenté
monsieur son mari
Est
de retour de la campagne ...
Cette agréable, cette spirituelle veuve de vingt-six ans allait-elle tenir la gageure de rester
fidèle à
la mémoire du mort? Son cousin Bussy crut, quelque temps, faire tomber les remparts de
cette citadelle.
Mais la jeune femme, sans se laisser griser par celui qui prétendait voir en elle
«les délices du genre humain», repoussa ses avances avec une finesse railleuse qu'il ne lui pardonna
point.
On sait comment il fit d'elle un portrait calomnieux qui courut sous le manteau, avec bien
d'autres, jusqu'à l'éclat du scandale et à sa relégation à la Bastille.
La générosité de la marquise,
le
pardon qu'elle lui accorda, ont fait l'admiration de tous ses biographes.
Cette fidélité dans
l'amitié, elle en fit preuve également avec le malheureux surintendant Fouquet, qui avait pourtant
commis l'indélicatesse de mêler ses lettres amicales à des billets de ses maîtresses.
Avec Corbinelli
et sa femme, elle se montra également pleine de la générosité et de la tendre sollicitude qui
caractérisent les« vrais amis» de La Fontaine.
Point besoin de chercher au Monomotapa.
La plus
exquise essence
de l'amitié, c'est au château des Rochers qu'on peut la trouver, ou à l'hôtel
de Rambouillet -selon le séjour de la marquise.
Et c'est la longue période des admirables lettres qui caractérisent la deuxième partie de la
vie
de Mme de Sévigné; époque bien calme quand on la compare à la première; ainsi que le dira
« notre vieil ami Corneille » : à la tempête succède la « bonace ».
Son fils marié en 1684 à une
fille noble de Bretagne (après avoir caressé un instant un projet d'union avec « la petite Lefèvre
d'Eaubonne » ), sa fille, au comte de Grignan, la charmante femme vécut partagée entre Paris,
Livry, les Rochers, plus quelques voyages à Vichy.
La correspondance demeure son presque
unique moyen de rester en contact avec ceux qu'elle aime.
On a tout dit sur ces lettres uniques en leur genre (si l'on excepte celles de Voiture qui ne les
approchent pas, même de loin).
Mme de Sévigné s'y est montrée la première des journalistes,
tant du point de vue chronologique que sur le plan de la valeur intrinsèque.
L'épigramme, le sermon,
la maxime, la description de la nature, le reportage, le madrigal, presque tout ce qui se trouve
dans la littérature de son siècle, et divers éléments qui ne s'y trouvent pas, concourent sous la
plume de notre épistolière.
Elle atteint sans effort aux sommets de plusieurs de ces « genres »
dès qu'elle se mêle d'être par eux tentée; ses maximes rappellent le meilleur La Bruyère, ses orai
sons funèbres frémissent d'un écho qui évoque Bossuet; les passages lyriques que lui inspirent les
Rochers n'ont pas d'égal à l'époque, si ce n'est chez La Fontaine.
Peut-être est-ce à cette diversité
fastueuse
d'inspiration que nous devons attribuer la renommée inouïe et toujours renaissante
de notre Marquise.
Le plus grand écrivain féminin du xviie siècle, ce n'est sans doute pas elle
mais
Mme de La Fayette.
Et cependant, parmi ceux qui connaissent par cœur la lettre du carrosse
renversé,
de la fenaison, du mariage de la Grande Mademoiselle, combien ont lu d'un bout à
l'autre la Princesse de Cteves ?
Notre amour pour la marquise si spirituelle et cependant si peu futile, c'est sans doute un
aspect de ce que l'on appelle la légèreté française, cette légèreté dont Péguy disait qu'elle est « le
contraire de la lourdeur ».
255.
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