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... Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse... ... Gémir, pleurer, prier est également lâche... (La Mort du Loup, 1848). Que pensez-vous de ces vers d'Alfred de Vigny ?

Publié le 17/02/2012

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vigny

Alfred de Vigny aime à enclore sa pensée philosophique en de beaux vers sentencieux, qui se gravent dans la mémoire. Toute sa doctrine pourrait se résumer en une vingtaine de ces alexandrins aussi fortement rythmés, aussi fermes, aussi pleins que ceux de Corneille. A cela, d'ailleurs, se borne la ressemblance; l'esprit est tout différent. Ces vers de la Mort du Loup, conclusion du poème, sont peut-être, avec cet autre, de la Maison du Berger:

J'aime la majesté des souffrances humaines...

vigny

« Sainte-Beuve, l'un des premiers, protesta.

On l'en a blame depuis; nous ne ferons pas chorus avec ses censeurs.

Nous souscrivons sans hesiter, sans les attenuer, a ces lignes si raisonnables : a La Mort du Loup...

marque un peu trop le parti pris de chercher partout des sujets de poesie philoso- phique et meditative; l'apostrophe aux sublimes animaux vient un pen singulierement a propos de cet animal feroce que je n'avais jamais vu tant idealise que cela.

Les chasseurs en savent la-dessus plus long que moi; mais ici it me parait qu'il y a un peu trop de desaccord entre la bete prise pour embleme et la moralite trop quintessenciee.

Sans doute, Vigny n'arrive pas de but en blanc a cette offensante « mora- lite ); it nous y prepare.

II s'ingenie a nous attendrir sur cette touchante famille : un pere qui se sacrifie pour ses enfants; ceux-ci, formes legeres Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyeres, poetiques et gracieux; la louve, comparee a celle Qu'adoraient les Romulus, et dont les flancs velusCouvaient les demi-dieux Remus et Romulus..., puis, « belle et sombre veuve >, n'evitant le combat que pour sauver sa progeniture...

Il a beau faire, ce loup « surhumain 3., nous eprouvons une invincible repugnance a entendre son sermon, si eloquent qu'il soit.

Non, ce n'est pas a lui de nous apprendre a etouffer nos gemissements, a retenir nos larmes, a reprimer nos Mans vers Dieu! Un commentateur indiscret, Louis Ratisbonne, a ose ecrire : « Le poete est mort comme le loup traque par les chasseurs...

it est mort sans parler, it a ete ce chien altier des bois qui' refuse le collier.

>> L'admiration l'a mal inspire, car ni la vie, ni Peeuvre, ni la mort de Vigny ne cadrent exac- tement avec cette doctrine inhumaine.

Toute la vie de Vigny est jalonnee par des gemissements, des pleurs et des prieres.

Il y met une sourdine, iI jette un voile sur ses plaies, et par- fois sa priere ressemble a un blaspheme, mais it n'echappe pas a cette triple manifestation de l'humaine sensibilite..

Il est beaucoup moins stolque et dans sa conduite et dans ses ecrits qu'il ne le laisse paraitre ici. Il n'a pas ete le loup traque par les chasseurs.

S'il eut a souffrir au college, c'est que Ia vie familiale l'y avait mal prepare.

Seul survivant de quatre enfants, it avait ete choye a l'exces par un Ore et une mere qui craignaient de le perdre.

Aux armees, it eut d'excellents amis.

A 1' « Ar- senal ), au « Cenacle ), it trouva un accueil chaleureux et, en Ia personne de Hugo, presque un frere : Alfred et Victor devinrent inseparables.

Cinq- Mars (1826), Othello (1829), lui valurent des applaudissements flatteurs...

Si la Revolution de 1830 le separa de Hugo et le laissa desempare, per- sonne ne to persecuta.

Evangeliste des temps nouveaux, apotre de la Rifle, s'il ne remporta pas tout le succes attendu, son attitude distante et non la malice d'autrui en fut la cause.

Le triomphe de Chatterton (1835) lui prouva que la foule ne lui voulait aucun mal.

Servitude et Grandeur militaires fut aussi bien accueilli, la meme armee.

Mais A.

de Vigny avait d'autres ambi- tions et it se plaignit bientot d'etre plus admire que compris et suivi. Et s'il se renferme alors dans une attitude d'animal blesse, son orgueil, sa morgue - qui s'alliaient pent-etre a une tendresse vraie pour I' « huma- nite » - la lui inspirerent bien plus que Phostilite du public.

Il etait refrigerant, on le vit bien lors de sa reception a l'Academie (1846).

L'au- ditoire y &tall venu favorable; sa pose crispa les nerfs et son discours uniformement serieux parut horriblement long.

On se detendit quand repondit M.

Mole, malicieux et ironique, et Vigny, dans son Journal, se plaignit de l'accueil hostile et malveillant de l'auditoire, de l'attaque impar- donnable et irreparable de M.

Mole.

Du jour oii it eut proclame son credo negatif, « it se trouva engage sous peine de scandale et de ridicule eclatant a ne jamais abjurer un seul ar- ticle » (E.

Dupuy).

Il se raidit devant Dieu, devant l'amour, devant la nature, devant la souffrance et s'interdit toute faiblesse exterieure a cet egard.

Mais depuis les premiers Poemes (1822), jusqu'aux Destinees parues apres sa mort (1864), combien d'entorses a cette loi rigide! II a verse des larmes sur la pleurante Helena, sur Eloa, la e saeur des anges sur la Fille de Jephte, ces innocentes que poursuit le malheur.

Et Sainte-Beuve, l'un des premiers, protesta.

On l'en a blâmé depuis; nous ne ferons pas chorus avec ses censeurs.

Nous souscrivons sans hésiter, sans les atténuer, à ces lignes si raisonnables : « La Mort du Loup...

marque un peu trop le parti pris de chercher partout des sujets de poésie philoso­ phique et méditative; Papostrophe aux sublimes animaux vient un peu singulièrement à propos de cet animal féroce que je n'avais jamais vu tant idéalisé que cela.

Les chasseurs en savent là-dessus plus long que moi; mais ici il me paraît qu'il y a un peu trop de désaccord entre la bête prise pour emblème et la moralité trop quintessenciée. » Sans doute, Vigny n'arrive pas de but en blanc à cette offensante « mora­ lité » ; il nous y prépare. Il s'ingénie à nous attendrir sur cette touchante famille : un père qui se sacrifie pour ses enfants; ceux-ci, formes légères Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères, poétiques et gracieux; la louve, comparée à celle Qu'adoraient les Romains, et dont les flancs velus Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus..., puis, « belle et sombre veuve », n'évitant le combat que pour sauver sa progéniture... Il a beau faire, ce loup «surhumain», nous éprouvons une invincible répugnance à entendre son sermon, si éloquent qu'il soit.

Non, ce n'est pas à lui de nous apprendre à étouffer nos gémissements, à retenir nos larmes, à réprimer nos élans vers Dieu! • * * Un commentateur indiscret, Louis Ratisbonne, a osé écrire : « Le poète est mort comme le loup traqué par les chasseurs...

il est mort sans parler, il a été ce chien altier des bois qui refuse le collier.» L'admiration l'a mal inspiré, car ni la vie, ni l'œuvre, ni la mort de Vigny ne cadrent exac­ tement avec cette doctrine inhumaine.

Toute la vie de Vigny est jalonnée par des gémissements, des pleurs et des prières.

Il y met une sourdine, il jette un voile sur ses plaies, et par­ fois sa prière ressemble à un blasphème, mais il n'échappe pas à cette triple manifestation de l'humaine sensibilité.. Il est beaucoup moins stoïque et dans sa conduite et dans ses écrits qu'il ne le laisse paraître ici.

Il n'a pas été le loup traqué par les chasseurs.

S'il eut à souffrir au collège, c'est que la vie familiale l'y avait mal préparé. Seul survivant de quatre enfants, il avait été choyé à l'excès par un père et une mère qui craignaient de le perdre.

Aux armées, il eut d'excellents amis.

A 1' « Ar­ senal », au « Cénacle », il trouva un accueil chaleureux et, en la personne de Hugo, presque un frère : Alfred et Victor devinrent inséparables. Cinq- Mars (1826), Othello (1829), lui valurent des applaudissements flatteurs...

Si la Révolution de 1830 le sépara de Hugo et le laissa désemparé, per­ sonne ne le persécuta. Evangéliste des temps nouveaux, apôtre de la pitié, s'il ne remporta pas tout le succès attendu, son attitude distante et non la malice d'autrui en fut la cause.

Le triomphe de Chatterton (1835) lui prouva que la foule ne lui voulait aucun mal.

Servitude et Grandeur militaires fut aussi bien accueilli, la même année. Mais A.

de Vigny avait d'autres ambi­ tions et il se plaignit bientôt d'être plus admiré que compris et suivi.

Et s'il se renferme alors dans une attitude d'animal blessé, son orgueil, sa morgue — qui s'alliaient peut-être à une tendresse vraie pour 1' « huma­ nité » — la lui inspirèrent bien plus que l'hostilité du public. Il était réfrigérant, on le vit bien lors de sa réception à l'Académie (1846).

L'au­ ditoire y était venu favorable; sa pose crispa les nerfs et son discours uniformément sérieux parut horriblement long.

On se détendit quand répondit M. Molé, malicieux et ironique, et Vigny, dans son Journal, se plaignit de l'accueil hostile et malveillant de l'auditoire, de l'attaque impar­ donnable et irréparable de M. Molé.

Du jour où il eut proclamé son credo négatif, « il se trouva engagé sous peine de scandale et de ridicule éclatant à ne jamais abjurer un seul ar­ ticle » (E.

Dupuy).

Il se raidit devant Dieu, devant l'amour, devant la nature, devant la souffrance et s'interdit toute faiblesse extérieure à cet égard. Mais depuis les premiers Poèmes (1822), jusqu'aux Destinées parues après sa mort (1864), combien d'entorses à cette loi rigide! Il a versé des larmes sur la pleurante Hélêna, sur Eloa, la « sœur des anges», sur la Fille de Jephté, ces innocentes que poursuit le malheur.

Et. »

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