« Ses yeux plongent plus loin que le monde réel, mais ce monde réel, il sait, quand il veut bien, le voir et le peindre admirablement. » Commentez cette appréciation d'André Gide sur Victor Hugo en vous appuyant sur une étude des « Contem¬plations ».
Publié le 09/09/2014
Extrait du document
La description est toujours très
précise, s'appuyant sur des nota‑
tions concrètes :
« Une humble marguerite éclose au bord d'un champ
Sur un mur gris croulant parmi l'avoine folle Blanche, épanouissait sa candide auréole. «
La réalité nous est montrée dans toutes ses dimensions. Le contraste entre la couleur grise du mur et la blancheur qui s'étale dans le dernier vers, ainsi que l'opposition entre le participe « croulant« et le verbe «épanouissait «, exprime particulièrement la sensation du relief. L'émotion du poète confère au décor une intensité exceptionnelle dans les vers célèbres de Pauca meae :
« Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur... «
La description sait être juste tout en demeurant sobre. Les attitudes sont admirablement dessinées dans ces vers du Mendiant :
«
VICTOR HUGO
« L'horizon semble un rêve éblouissant où nage
L'écaille de la mer, la plume du nuage
Car l'océan est hydre et Je nuage oiseau.
»
145
(Éclaircie)
Tantôt un tableau qui semble vrai nous conduit à l'expression d'une idée abstraite, prenant une signification symbolique.
Deux
cavaliers « qui songent dans la forêt » ne sont pas des êtres
concrets : ils incarnent deux conceptioris opposées de la vie et
de la mort.
Ailleurs, c'est l'idée qui fait naître une évocation
dont l'étrangeté nous fascine : la mort devient un « noir sque
lette laissant passer le crépuscule », les mystères de l'au-delà
deviennent une «bouche d'ombre».
L'animation des couleurs Cet usage systématique de l'ima- et des formes gination se complète par un sens
aigu des formes, des couleurs et
du mouvement qui apporte à la vision une puissance exception
nelle.
Quatre vers du poème intitulé Le Mendiant nous semblent
caractéristiques à cet égard :
« Son manteau, tout mangé des vers et jadis bleu,
Étalé largement sur la chaude fournaise,
Piqué de mille trous par la lueur de braise,
Couvrait l'âtre et semblait un ciel noir étoilé.
»
Le dessin du vêtement est rendu parfaitement précis au moyen
de deux tournures expressives, l'adverbe «jadis» suffit pour suggérer les nuances diverses de la couleur bleue qui se détache
remarquablement au-dessus des tons flamboyants évoqués par « chaude fournaise » et « lueur de braise », le mouvement
esquissé par les mots « étalé largement» amorçant deux amples
alexandrins qui éloignent de son sujet le verbe «couvrir» placé en
rejet, achève de transformer ce détail en une véritable vision.
Celle-ci s'épanouit pleinement dans
la comparaison finale avec
un « ciel étoilé ».
L'élaboration
d'un univers fantastique Un tel don de la transfiguration
introduit tout naturellement le lec
teur au cœur d'un univers fantas
tique.
L'imagination du poète développe souvent d'authentiques
hallucinations.
En lisant Horror, nous éprouvons une impression
saisissante d'angoisse.
Le rythme circulaire des alexandrins.
»
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