«Ses romans dressent les uns à côté et en face des autres (bien souvent aussi, au moins pour finir, les uns contre les autres) des personnages dont chacun est une existence unique, enfermée parfois malgré elle dans sa différence foncièrement impuissante à faire société avec les autres» (Claude-Edmonde Magny, Esprit, 1948). En vous appuyant sur des exemples précis, commentez ces propos de C.-E. Magny sur les romans de Malraux.
Publié le 27/03/2015
Extrait du document
Les dialogues ou les «vérités ennemies«. Dressés « les uns à côté des autres«, les personnages se dressent également « les uns contre les autres« dans des dialogues où s'affrontent des «vérités ennemies« (Gaétan Picon), comme en témoignent par exemple les dialogues entre Tcheng-daï et Garine (Les Conquérants, IIe partie) ou entre Kyo et Vologuine (La Condition humaine, Ille partie). La dimension conflictuelle peut être accentuée par la construction de répliques où les énoncés de l'autre sont systématiquement retournés: à la déclaration de Ferral «se donner, pour une femme, posséder, pour un homme, sont les deux seuls moyens que les êtres aient de comprendre quoi que ce soit«, Valérie répond ainsi :
«
Parfois figurées par les murs d'une prison (voir l'emprisonnement de
Kassner dans Le 1èmps du mépris, l'épisode de la réclusion relaté par
Moreno dans L'Espoir), les frontières qui séparent les individus peuvent
être celle de leur corps propre, lorsque celui-ci est malade ou mourant:
Claude décrit ainsi Perken malade comme un être «enchaîné à sa chair»
(IW partie, chap.
v).
Cette séparation peut prendre un caractère hyperbolique.
Sur le bateau
qui le conduit au Cambodge, Perken est séparé des passagers «et peut-être
des hommes» (Ire partie, chap.
1); en tuant Tang Yen-ta, Tchen est non seu
lement séparé des siens mais« du monde des vivants»; après sa conversation
avec le terroriste, Gisors se retouve seul avec la «certitude que là où il était
personne ne connaissait plus
personne» (Ire partie).
Les dialogues ou les «vérités ennemies».
Dressés «les uns à côté des
autres», les personnages se dressent également «les uns contre les autres»
dans des dialogues où s'affrontent des «vérités ennemies» (Gaëtan Picon),
comme en témoignent par exemple les dialogues entre Tcheng-daï et
Garine (Les Conquérants, ne partie) ou entre Kyo et Vologuine (La
Condition humaine, nie partie).
La dimension conflictuelle peut être accen
tuée par la construction de répliques où les énoncés de l'autre sont systé
matiquement retournés: à la déclaration de Ferrai «se donner, pour une
femme, posséder, pour un homme, sont les deux seuls moyens que les êtres aient de
comprendre quoi que ce soit», Valérie répond ainsi:
Les femmes ne se donnent jamais (ou presque) et [ ...
] les hommes ne pos
sèdent rien.
(La Condition humaine, ne partie)
La solitude: un thème de discours.
La solitude, l' «impuissance à faire
société avec les autres» est également un thème de discours très fréquent
dans les romans ( Garine se déclare ainsi a-social, (Fe partie), ce thème pre
nant toute son ampleur dans La Condition humaine, comme en témoigne
l'importance des aphorismes qui lui sont consacrés.
L'horizon d'une communion
Si l'étrangeté à l'autre apparaît comme une donnée fondamentale dans la
représentation du personnage, les romans sont néanmoins fondés sur la
promesse d'un accord qui surmonterait, même provisoirement, les diffé
rences et les conflits.
Surmonter l'épreuve de la différence.
À partir d'une situation initiale
de distance vis-à-vis d'autrui, les personnages se retrouvent autour de
valeurs communes qui leur permettent de surmonter l'épreuve de la dif
férence.
«je n'aime pas [ ...
} ceux [ ...
}pour qui je vais combattre» déclare
276.
»
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