SÉQUENCE I : NOTRE MONDE VIENT D’EN TROUVER UN AUTRE Texte 1 : extrait de Denis Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville (1796), Flammarion, coll.
Publié le 10/03/2021
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SÉQUENCE I : NOTRE MONDE VIENT D’EN TROUVER UN AUTRE Texte 1 : extrait de Denis Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville (1796), Flammarion, coll. « Étonnants classiques » 2007 p 43-44 Puis s’adressant à Bougainville, il ajouta : « Et toi, chef des brigands qui t’obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté 5 d’effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. (…) Tu n’es pas esclave : tu souffrirais plutôt la mort que de l’être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? (…) Tu es venu ; nous sommes nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? t’avons-nous saisi et exposé aux 10 flèches de nos ennemis ? t’avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris, parce que 15 nous n’avons pas su nous faire des besoins superflus ? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger ; lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous vêtir. » ET1 : Supplément au Voyage de Bougainvile (écrit en 1772, publié de manière posthume en 1796) de Denis Diderot Notes de cours d’Emma Diderot est un écrivain philosophe des lumières. Il a participé à l’élaboration de L’Encyclopédie,dite de Diderot et d’Alembert. Les philosophes des Lumières tels que Rousseau, Voltaire et Montesquieu prônentl a tolérance. Diderot est athéiste. Il aime les dialogues car il n'aime pas imposer sa vérité. Il défend que le bonheur individuel et la vie en société peuvent coïncider au contraire de Rousseau qui lui défend la solitude. Le Supplément au Voyage de Bougainville est une fiction écrite en 1772, un conte philosophique, dans lequel Diderot répond au Voyage autour du monde(1771) de Bougainville qui est une récit de voyage de Louis-Antoine de Bougainville qui est un explorateur. Diderot invente le personnage du Vieux Tahitien, un sage, pour valoriser les Tahitiens et ce vieux Tahitien s’adresse à Bougainville lui-même au moment où, entouré de tout son équipage, il s’apprête à quitter l’île de Tahiti. Problématique: Nous allons nous demander comment l'auteur, Diderot, rend cette harangue véhémente. Structure du texte : Il y a quatre parties dans cet extrait du texte de Diderot. Dans la première qui va de la ligne 1 à 7, nous découvrons le comportement et l'influence néfaste, insultant des Européens sur les Amérindiens : ils pervertissent leurs mœurs. Au sein de la seconde partie, nous observons un paradoxe chez les Européens : leur attitude ne concorde pas avec leurs idées. Cette partie va de la ligne 8 à 10. Dans la troisième partie, nous découvrons l’éloge des amérindiens et le blâme des européens qui va de la ligne 11 à 14. Et pour finir, la dernière partie est composée de l'affirmation des valeurs et de l'indentité propre des Amérindiens. •La première partie du texte comporte les paroles du Tahitien où il fait le bilan de tous les dégâts que l’envahisseur a déjà causés à son peuple Pour commencer, à la première ligne de l'extrait, on voit que le vieux sage Tahitien ne s'adresse pas seulement à Bougainville mais à un groupe, on le remarque grâce au pluriel de la ligne 2 : "obéissent". De plus nous voyons deux apostrophes virulentes à l'égard de Bougainville qui est dit le chef des brigands, "toi", "chef des brigants". "Chef des brigants" est une périphrase insultante, l'Européen est vu comme un pilleur. Nous pouvons observer que l'auteur fait une critique de la soumission, de l'obéissance avec "qui t'obéissent". Par la suite nous remarquons une phrase impérative "écarte promptement"; c'est un ordre pour les congédier. Grâce à l'adverbe "promptement" il insiste encore plus sur l'impatience des Tahitiens. Puis, il y a une opposition systématique entre les Tahitiens désignés par "nous" (ou "ici") et Bougainville, représentant de l’européen colonisateur désignés par "tu". Cette opposition est marquée par la conjonction de coordination "et" qui pourrait ici être remplacée par mais. C'est un rythme binaire qui est répété quatre fois. Dans la première opposition, Diderot valorise les Amérindiens et affirme qu'ils vivent dans le bonheur originel, en opposition aux Européens qui sont néfastes pour les amérindiens. En effet, on peut voir une négation restrictive "ne peux que" qui exprime le fait que les Européens ne peuvent faire qu’une seule chose et elle est négative: c’est « nuire à (leur) bonheur », autrement dit, le restreindre. En grammaire la négation restrictive et dite aussi exceptive : on comprend ici que les européens ne peuvent rien apporter aux amérindiens, à l’exception de la nuisance. « Tu ne peux que nuire à notre bonheur ». Puisque nous étions heureux, tu ne peux que faire une chose, l’affaiblir, cet état de bonheur! 1 ET1 : Supplément au Voyage de Bougainvile (écrit en 1772, publié de manière posthume en 1796) de Denis Diderot Notes de cours d’Emma Dans la seconde opposition, la première partie formule une morale de la nature alors que les Européens ont tenté de leur enlever cet proximité avec la nature. On peut le voir avec "effacer" qui est négatif. Cette phrase renforce l'idée de la phrase précédente. La troisième opposition se fait entre « ici » et « tu »: avec le déictique « ici », le tahitien désigne son pays avec ses usages qu’il oppose aux conceptions que l’européen veut imposer. Par une paronymie qui rapproche deux mots tout simples "tout"et "tous" reliés par le verbe être et la préposition à qui dit l’appartenance : « tout est à tous », l’amérindien exprime leur usage qui veut que tous les biens soient communs (si tout appartient à tout le monde, il n’y plus d’appartenance). L'auteur souligne qu'il n'y a pas de notion de propriété chez les Amérindiens et cette absence apparaît comme une évidence parce qu’elle est exprimée très simplement et avec la douceur du son [u]). Al’inverse, avec pourtant le même procédéde la paronymie (« le tien » et « le mien » peuvent être considérés comme des paronymes car une seul lettre les distingue), l’auteur exprime la brutalité de l’esprit de propriété des européens car les pronoms possesifs "le tien" et "le mien"ont une sonorité qui mime l’agressivité de celui qui défend son bout de terrain. Le Tahitien ne comprend d’ailleurs pas cette notion de propriété, on peut le voir avec "je ne sais quelle distinction", et ne cherche pas à la comprendre (sans aucun doute pressent-il qu’elle est néfaste). •La seconde partie du texte énonce le paradoxe des européens qui n’agissent pas conformément à leurs principes. La phrase suivante énonce toujours une opposition mais cette fois entre "tu" et "tu" : l’opposition est interne aux européens. Il y a ici un paradoxe. On comprend que l'Européen préfère la liberté à la vie, mais paradoxalement il veut priver l'autre de cette liberté. Diderot a prêté habilement un précepte religieux chrétien à l'Amérindien. "Ne fais pas aux autres ce qu'on aimerait pas que l'on te fasse" Mathieu (7 ; 12). Le "nous" dans "nous asservir" est un complément d'objet direct : le peuple amérindien se trouve en position de dominé. •La troisième partie du texte comporte un éloge blâme des européens et en creux un éloge des amérindiens. Nous avons quatre questions rhétoriques ayant pour but d’obliger le destinataire (Bougainville, l’européen) d’admettre que l’envahisseur a fait tout ce qui est dit dans les questions et qu’à l’inverse les amérindiens ne l’ont pas fait. De manière implicite, chaque interrogation est donc la satire d’un comportement comdamnable de l'Européen et un éloge du comportement amérindien. La première question interroge le caractère agressif de l’envahisseur et dit en creux la douceur de l’amérindien : « se jeter sur quelqu’un » désigne un comportement agressif. La seconde question interroge sur le comportement assaillant des Européens. « Piller un vaisseau » est un comportement de prédateur. L'auteur nous laisse entendre que les Amérindiens sont passifiques tandis que les Européens guerriers. Dans la troisième question de la ligne 13, nous reconnaîssons une périphrase pour exprimer l'esclavagisme avec le terme "animaux" ce qui signifie que ce n'est pas humain, on le compare à un animal, donc un esclave. La phrase suivante est impérative. Elle sous entend que les Européens ne l'ont pas fait, c'est en quelque sorte une conclusion à la question précédente. Le respect de l'autre est une idée du siècle des Lumières. Dans "Nous avons respecté notre image en toi", on peut voir l’expression d’un respect réciproque avec cet effet miroir : quand on respecte l'autre, on se respecte. L'Amérindien reconnaît son semblable l'humain. •La quatrième et dernière partie du texte comporte la revalorisation des Amérindiens qui 2 ET1 : Supplément au Voyage de Bougainvile (écrit en 1772, publié de manière posthume en 1796) de Denis Diderot Notes de cours d’Emma énonce leurs valeurs ainsi que leur identité. Nous remarquons des comparatifs de supériorité : « (nos mœurs) sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ». Cette affirmation rétablit une certaine égalité car, à l’inverse, c’est l'Européen qui est persuadé d'être supérieur. Le mot "troquer" de la ligne 16, nous montre que l'auteur essaie d'utiliser ici les mêmes mots que les Amérindiens (pour qui l’argent n’existe pas ). Ensuite, nous comprenons que les Amérindiens ne se croient pas ignorants, ils se mettent juste à la place des Européens : « ce que tu appelles, toi l’européen, notre ignorance ». En effet, l'Européen est incapable de reconnaître qu'il y a d'autres cultures, d’autres types de savoir : c'est le relativisme culturel. Diderot dit "inutiles lumières" car pour le moment, les lumières n'ont rien apporté, il faut croire que toute les connaisances des Européens ne servent à rien puisque qu’ils ne font pas preuve de tolérance. Le "inutiles" est un adjectif antéposé, il sert à renforcer inutile. L'Amérindien parle ensuite de mépris car il répond à l'Européen : c’est l’européen qui méprise de peuple découvert. Il forme une question rhétorique : la réponse est contenue dans la question, le destinataire est obligé d’admettre que non ils ne sont pas « dignes de mépris ». Le début de la phrase : « Nous n’avons pas su nous faire… » annonce un manque mais la fin de la phrase dévoile avec le COD une chose non nécessaire : « des besoins superflus ». Les Amérindiens ont tout le nécessaire, ils n'ont besoin de rien de plus. Le besoin ultime d'une société est le bonheur: les Amérindiens l'ont. Ils viv...
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