Selon le critique Jean Rousset, le roman de Laclos est un « livre rigoureusement construit à la manière d'une pièce de théâtre classique ». Ce jugement vous semble-t-il fondé ?
Publié le 30/09/2018
Extrait du document
ANALYSE DU SUJET
• Le sujet propose une citation qu'il convient d'analyser. La remarque porte sur la construction du livre, c'est-à-dire sur son organisation interne et la compare à celle d'une « pièce de théâtre classique », telle que le xviie siècle a pu en produire. L'esthétique théâtrale classique repose sur la notion d'unité : de lieu, de temps, mais surtout unité d'action. Elle suppose que l'histoire mise en œuvre dans la pièce tourne autour d'un unique problème à développer et à résoudre en un temps restreint, de manière à tendre rapidement et directement vers le dénouement. L'adverbe « rigoureusement » renchérit sur l'impression de construction claire, précise, efficace, qui va droit au but. La question invite à s'interroger sur la pertinence d'un tel jugement. Les Liaisons dangereuses - roman et film - relèvent-elles d'une facture classique ?
PROBLÉMATIQUE
• La réponse à la question peut être négative. Telle que celle-ci est posée, elle invite à vérifier, confirmer ou infirmer le jugement de Jean Rousset. Quoi qu'il en soit, il convient d'adopter les deux points de vue, en s'interrogeant sur ce qui a pu, dans l'œuvre source, motiver un tel jugement. En quoi, en effet, la construction du roman épistolaire est-elle à ce point rigoureuse qu'on a le sentiment d'une trajectoire irrésistible comme dans une pièce de théâtre classique ? Le tempo du film de Frears n'en apporte-t-il pas la confirmation ? Toutefois, n'est-ce pas là une perspective réductrice qui ne retient de l'œuvre que sa dimension narrative et occulte sa complexité croissante ?
«
90 1
LES LIAISONS DANGEREUSES
> PLA N DÉ TAI LLÉ
In trod uction
Le découpage de l'histoire littéraire en grandes périodes est artificiel, les modes
d' écriture que ce découpage sépare peuvent très bien coexister.
Ainsi de l' écri
ture classique dont les grandes lignes perdurent au XVIIIe et gouvernent
nombr e d' écr its.
On pourra toutef ois s'étonner du jugement de Jean Rousset
qui voit dans l'œuvre de Laclos, parue en 1782, un« livre rigoureusement
construit à la manière d'une pièce de théâtre classique ».
Si le roman épisto
laire est rigoureusement construit et s'a pparente à bien des égards à une œuvre
théâtrale classique, ce que le film de Frears restitue avec brio, il n'en demeure
pas moins une œuvre complexe, irréductible à la seule écriture classique.
1 - Une forme classiq ue, rigour euse et efficace
1.
Un e piè ce de théâtr e classiq ue
- Dispositif théâtral : exhibition des intrigues galantes où les personna ges
jou ent un rôle .
Aspect théâtral du proj et de Mer teuil : le mariage contrarié
ra ppelle l'intrigue de la coméd ie.
Ger court veut se garantir du «sort
inévitable » tel Arn olphe dans l'École des fem mes.
Pr ojet d'en faire « la fable
de Paris >> (let.
2) ;
- Double action qui se conc entre dès la deuxi ème partie sur un person nage
Va lmont, et sur un lieu, le château de sa tante ;
- Peu de lieu x pr écis : rien de pittoresque pour camper ceux-ci, simple
sy stème d'opposition entre la Campagne, le Village et Paris ;
- For te unité de temps rendue par la succes sion des lettres d'une même
jou rnée.
Brièveté de l'action pour un roman : cinq mois à peine.
Brièveté
fo rtement rendue dans le film par les ellipses, gommées par le mont age, la
ju xta position des plans qui lient les événements : lien renforcé par la
musique continue sur ces plans : cf séq.
21, plans 403-406, de Valm ont
essayant d'entrer dans la cham bre de Cécile au carro sse de Mme de
Me rteuil arrivant au château au galop.
Rythme soutenu de l'action dans le
film restitue la rigueur de la construction du roman et de la tension qui s'y
insta lle.
2.
Cons truction rigour euse
- En quatre parties symétriques : nombr e de lettres équilibré entre la
pr emière et la derniè re partie (50 et 51), et les parties centrales (37)..
»
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- Vous expliquerez et préciserez ces lignes extraites d'un article du critique Émile Henriot sur le livre de Jean Rousset consacré à La Littérature de l'âge baroque en France (1953) : «Le baroque est un art solide, massif, membré ; la préciosité est une afféterie, un jeu salonnier de la pointe, moins que rien... Cependant baroque et précieux parfois se rencontrent. Comme le baroque et le classique ; comme se rencontreront, sans nécessairement se confondre, le baroque et le romantique...»
- Dans la préface de « Pierre et Jean », Maupassant s'en prend aux romanciers d'analyse qui s'attachent « à indiquer les moindres évolutions d'un esprit, les mobiles les plus secrets qui déterminent nos actions ». Il leur oppose la manière des « écrivains objectifs » qui « se bornent à faire passer sous nos yeux les personnages » et conclut que « la psychologie doit être cachée dans le livre comme elle est cachée en réalité sous les faits dans l'existence ». En prenant des exemples dans
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- Dans la préface de « Pierre et Jean », Maupassant s'en prend aux romanciers d'analyse qui s'attachent « à indiquer les moindres évolutions d'un esprit, les mobiles les plus secrets qui déterminent nos actions ». Il leur oppose la manière des « écrivains objectifs » qui « se bornent à faire passer sous nos yeux les personnages » et conclut que « la psychologie doit être cachée dans le livre comme elle est cachée en réalité sous les faits dans l'existence ». En prenant des exemples dans
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