Selon André Breton, un poème doit être « une débâcle de l'intellect ». Paul Valéry affirme au contraire : « J'aimerais infiniment mieux écrire en toute conscience, et dans une entière lucidité quelque chose de faible, que d'enfanter à la faveur d'une transe et hors de moi-même un chef-d'oeuvre d'entre les plus beaux. » Faut-il donc condamner totalement le surréalisme ?
Publié le 11/09/2014
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imagination, l'autre cultive avant tout sa raison. A partir de principes opposés, leurs goûts mêmes divergent. Non que Valéry puisse reprocher aux Surréalistes l'hermétisme dont on leur fait si communément grief. Disciple admiratif de Mallarmé, il savait que la poésie a besoin d'arcanes, mais celle qu'il aimait était de facture classique, et ses préférences le portaient vers La Fontaine ou vers Baudelaire.
«
xxe SIÈCLE : LA POÉSIE 221
théories esthétiques étaient plus déconcertantes.
Ainsi, loin
d'accepter avec André Breton que le poème fût une «débâcle de l'intellect», Paul Valéry proclamait : «J'aimerais infiniment
mieux écrire en toute conscience, et dans une entière lucidité,
quelque chose de faible, que d'enfanter à la faveur d'une transe
et hors de moi-même un chef-d'œuvre d'entre les plus beaux».
Les Surréalistes se flattaient d'avoir trouvé une voie nouvelle,
mais bien que ce jugement les condamne, est-il si sûr que leur
entreprise ait échoué ?
1.
LA « DÉBACLE DE L'INTELLECT »
Le jugement de Valéry à leur égard s'explique très bien par le caractère révolutionnaire de leurs affirmations.
Au lendemain
des bouleversements apportés par la Grande Guerre, André Breton
et ses amis font naître des cendres du dadaïsme une esthétique
nouvelle, originale par ses principes.
L'opposition Comme le Bateau Ivre de Rimbaud, les Sur-
réalistes dispersent « gouvernail et grappin » en rompant avec l'art traditionnel; ils lui reprochent d'être soumis à la raison, cette faculté tyrannique qui étouffe les
immenses possibilités de l'esprit humain : ses productions sont ternes, ne parlent pas intimement au lecteur.
Le matérialisme, le réalisme surtout ont provoqué, selon André Breton, la déchéance
de l'imagination.
L'admiration Il n'oublie pas cependant, malgré sa sévérité, un autre courant littéraire : dans la débâcle générale,
quelques œuvres sont sacrées, celles qui ont su faire pressentir,
au-delà du réel, une « surréalité ».
Ainsi Nerval, Rimbaud,
Apollinaire sont considérés comme les précurseurs du nouveau
mouvement, avec d'autres écrivains, moins connus en France,
qui composèrent des œuvres fantastiques : Lewis, Walpole.
Le
surréalisme
se situe donc de façon précise par rapport aux mou
vements qui l'ont précédé : aucun d'entre eux pourtant ne le satisfait pleinement.
Les principes Ce que les précurseurs ont réussi empirique-
ment sera pour André Breton l'objet de
recherches systématiques, dont la méthode s'inspire des travaux
de Freud.
L'homme doit parvenir à cette « surréalité », qui est,
selon les termes du Manifeste, la « résolution future de ces
deux états en apparence si contradictoires que sont le rêve et.
»
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