Devoir de Philosophie

Scène IV - Acte II -Mithridate, Monime (Racine)

Publié le 15/02/2011

Extrait du document

racine

Mithridate Madame, enfin le ciel près de vous me rappelle, Et, secondant du moins mes plus tendres souhaits, Vous rend à mon amour plus belle que jamais. Je ne m'attendais pas que de notre hyménée Je dusse voir si tard arriver la journée, Ni qu'en vous retrouvant, mon funeste retour Fît voir mon infortune, et non pas mon amour. C'est pourtant cet amour, qui de tant de retraites Ne me laisse choisir que les lieux où vous êtes, Et les plus grands malheurs pourront me sembler doux Si ma présence ici n'en est point un pour vous. C'est vous en dire assez, si vous voulez m'entendre. Vous devez à ce jour dès longtemps vous attendre, Et vous portez, Madame, un gage de ma foi Qui vous dit tous les jours que vous êtes à moi. Allons donc assurer cette foi mutuelle. Ma gloire loin d'ici vous et moi nous appelle, Et sans perdre un moment pour ce noble dessein, Aujourd'hui votre époux, il faut partir demain.

Les circonstances :    Mithridate, qui avait été considéré comme mort, trouve dès son retour à Nymphée ses deux fils, dont la présence dans le lieu où réside Monime, lui paraît anormale et même suspecte. Il craint de voir en eux deux rivaux dangereux, susceptibles de le supplanter insolemment. Torturé par le doute, après avoir harcelé Arbate de questions, il vient de savoir avec quelle promptitude offensante Pharnace a fait à Monime des aveux et des offres. Il aborde Monime, résolu à savoir quel accueil celle-ci a réservé à la déclaration de Pharnace.    Impression d'ensemble :    Le passage est à la fois un aveu d'amour passionné et une enquête : Vibrant mais tendu, Mithridate capte au passage, sur le visage de Monime, les indices les plus fugitifs révélateurs d'une répugnance secrète et d'une trahison. Sous ce regard qui le scrute, Monime reste en apparence réticente, froide, mais torturée. Cependant, la force de l'amour dont elle est l'objet l'accable comme une inéluctable fatalité.

racine

« grâce distante, de jeunesse grave.

Racine met en relief la qualité intime qui allie chez Mithridate des contrastes apparemment inconciliables : une férocité implacable, une hypocrisie subtile etféline, et la tendresse ardente d'un cœur si sincère dans sa détresse. Le regard de Mithridate, lourd d'une adoration extasiée et de passion à peine contenue, pèse sur Monime et, entraduisant l'expression de ce regard, Racine ne transgresse pas les règles de la retenue classique, en ne dépassantpas les bornes d'un réalisme discret et noble. « Je ne m'attendais pas que de notre hyménée Je dusse voir si tard arriver la journée, Ni qu'en vous retrouvant, mon funeste retour Fit voir mon infortune, et non pas mon amour.

» Mithridate poursuit, essaie de dissiper le malaise qu'appesantit l'attitude obstinément fermée de Monime, enexpliquant le retard apporté au mariage, que Monime sent imminent, et en faisant une allusion à une défaite quiefface en un jour une gloire militaire qui l'égalait aux héros et aux demi-dieux. « C'est pourtant cet amour, qui de tant de retraites Ne me laisse choisir que les lieux où vous êtes.

» Mithridate poursuit d'une voix étouffée, montre à quel point Monime le subjugue, sous quelle domination tyrannique ilse trouve, puisque loin d'elle il éprouve une sorte de malaise physique, qui ne peut être apaisé qu'en respirant l'airmême qu'elle respire.

C'est pourquoi les innombrables retraites que lui offre son immense empire ne sont pas desasiles; il n'y goûte ni joie ni quiétude. « Et les plus grands malheurs pourront me sembler doux Si ma présence ici n'en est point un pour vous.

» D'une voix assourdie encore, pénétrant les dessous d'un cœur qui se dérobe, Mithridate révèle à Monime l'intensitéde son amour.

Seul l'abandon de Monime peut briser Mithridate.

Les autres malheurs dont le destin peut l'accablersont d'un ordre différent, et peuvent être supportés avec une désinvolture hautaine ou d'un cœur léger; maisdevant l'hostilité secrète de Monime, il se sent mortellement vulnérable. D'une façon directe, sous une forme en apparence allusive, le cœur de Mithridate apparaît tout entier à travers lesmots chuchotés.

Tremblant et meurtri cruellement par sa clairvoyance même, il comprend combien son retour abouleversé de séduisants projets, effacé de riantes perspectives.

Monime, entraînée vers un amour auquel la froide estime qu'elle vouait à Mithridate ne sauraitêtre comparé, encore vibrante du souvenir de récents aveux, ne va-t-elle pas secouer le joug sous lequel elle pliait?Il sent que le prestige de sa gloire militaire, que sa grandeur, n'étaient que de pauvres raisons pour conquérir uncœur que soumettait la religion du serment.

Il a donc été toléré et subi, alors qu'il croyait être aimé! Son amour luiparaît ridiculement sénile et sans espoir.

Les paroles par lesquelles Mithridate attend un verdict ne dissimulent pasl'immense peine de sentir son amour sans écho, et la rage de se voir remplacé par celui qui a insulté à sa mémoireavec un impénitent et joyeux cynisme. « C'est vous en dire assez, si vous voulez [m'entendre.

» Mithridate ne peut ni ne veut aller plus avant; il est conscient de l'aveuglante clarté des sous-entendus, dont lesens tragique ne peut échapper à Monime. « Vous devez à ce jour dès longtemps vous attendre Et vous portez, Madame, un gage de ma foi Qui vous dit tous les jours que vous êtes à moi.

» Mithridate, refoulant l'émotion qui l'étreint, et comme conjurant une souffrance trop vive, impose, ordonne, essaiede prouver à Monime que son refus est impossible et absurde, qu'elle lui est engagée par une promesse qui nesaurait être violée.

Avec une autorité farouche et presque sauvage, il revendique ses droits de Maître; ils sontincontestables, et ne peuvent être contestés.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles