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SCÈNE 2 - ACTE I de DOM JUAN de Molière

Publié le 22/02/2012

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Les confidences de Dom Juan: Dom Juan reconnaît en Gusman le valet de Done Elvire. Il interroge Sganarelle qui, mal à l'aise, car conscient d'avoir trop parlé, répond de façon embarrassée et hypocrite. Il convient de remarquer la métamorphose de Sganarelle en changeant d'interlocuteur. Autant il se pavanait devant Gusman, autant il file doux devant Dom Juan. Mais cette prudence sournoise qui lui fait éviter toute information compromettante n'exclut pas la complicité. Alors qu'il vient tout juste de condamner l'amoralité de Dom Juan, il accepte avec complaisance le rôle de confident qui, au fond, flatte son amour-propre. Il est vrai qu'il se contente de répondre aux sollicitations de son maître. Cette scène montre bien que si Sganarelle est dans l'absolue dépendance de Dom Juan, celui-ci a également besoin de Sganarelle, non seulement pour l'aider à accomplir ses turpitudes, mais pour recueillir ses confidences.
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« Répondant aux reproches de Sganarelle, Dom Juan se livre à un vibrant plaidoyer en faveur de la liberté et del'inconstance en amour.Son argumentation s'enchaîne avec la plus grande clarté et la plus forte rigueur logique.D'abord, le séducteur se livre à une véritable démystification de la notion de fidélité.

On relèvera l'extrême propriétéde l'expression d'autant plus percutante que Dom Juan va droit à l'essentiel sans se préoccuper de faux-fuyants oude précautions oratoires pour respecter les bienséances.Dom 'Juan saura montrer plus tard qu'il sait admirablement faire l'hypocrite en cas de besoin, mais quand il ouvre soncoeur à Sganarelle, il s'exprime avec une franchise juste et brutale simplement atténuée par l'élégance d'un style quiprouve sa parfaite maîtrise du beau langage.Ainsi Dom Juan dénonce « le faux honneur d'être fidèle», idée capitale pour bien comprendre la position du libertin.La fidélité, selon lui, n'est pas naturelle; elle est imposée par la société.

Dom Juan se révolte contre ces règlesjustifiées par l'intérêt général et qui l'empêchent d'être heureux en suivant la pente de ses désirs.L'honneur, dont il sera longuement question par la suite, est l'une de ces baudruches fabriquées pour les besoins dela cause et qui n'ont d'autre résultat que de brider les individus au nom de valeurs fictives.Dans son raisonnement, Dom Juan est tout à fait dans la lignée des libertins, ces héritiers des humanistes du XVI'siècle.

Le combat pour la liberté passe, en effet, en tout premier lieu par la dénonciation des préjugés, des idéesfausses qui abusent les esprits faibles et les rendent esclaves d'un ordre fondé sur des raisons générales et visantune finalité illusoire.

Dom Juan est un chevalier qui ne se bat plus pour l'Eglise, son Roi et sa Dame, mais pourdéfendre son droit au bonheur et démolir les fausses idoles héritées d'un passé devenu anachronique.Le deuxième argument vise à rejeter le mythe de l'amour unique comme une illusion destinée à maintenir pour desraisons de stabilité sociale et de continuité historique le régime de la monogamie.Il refuse de «s'ensevelir dans une passion et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés».

Cela veutdire que l'amour se résume pour Dom Juan dans l'intensité d'un désir qui, pour garder sa fraîcheur, doit toujours serenouveler.

On comprend par là que le mythe de Dom Juan est l'opposé du mythe de Tristan et Yseult fondé surl'éternité et l'absolu d'un couple indissoluble.Dom Juan va retourner, d'ailleurs, l'idée de fidélité avec un art consommé de la rhétorique à la limite du sophisme.

Onn'est pas loin ici de la casuistique dont il a été tellement question dans Tartuffe.La fidélité à une seule femme signifie que l'on est infidèle à toutes les autres.

Or, Dom Juan veut rester disponible.On touche ici à l'utopie de Dom Juan, à ce que l'on pourrait presque appeler sa folie.

Dom Juan transpose dansl'espace le mythe de l'absolu dans le temps.

Il rêve de posséder toutes les femmes.

Il ne peut identifier la beauté àun seul être, la beauté est pour lui multiple, plurielle.

Chaque femme participe de la beauté générale, totale.

Chaquefemme possède une parcelle différente de cette beauté.

Dom Juan ne veut point s'en priver en se limitant à un seulobjet, ou même à quelques objets.Enfin il prononce son credo amoureux : « tout le plaisir de l'amour est dans le changement».

C'est seulement par lechangement que Dom Juan restera fidèle à son désir, à la pureté, à l'intensité de son désir.Ce qui intéresse Dom Juan dans l'amour, ce n'est pas l'accomplissement qui conduit à la satiété, c'est le moment oùl'on désire une beauté que l'on ne possède pas encore.

Dom Juan déclare avec une poétique ferveur que « lesinclinaisons naissantes ont des charmes inexplicables».

Cela signifie que pour Dom Juan le plus grand plaisir est celuide la conquête : «On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le coeur d'une jeune beauté...

».Dom Juan est un homme de proie.

Il se comporte en amour comme un homme de guerre.

Le terme de « réduire » ledit suffisamment qui appartient au vocabulaire militaire selon lequel « on réduit une place ».

Réduire, c'est-à-direplier à sa merci, soumettre à sa puissance.

La conception de l'amour que Dom Juan défend devant son valet estdéterminée par son trait dominant qui est la volonté de puissance, l'appétit de domination.Dom Juan ne laisse, d'ailleurs, aucune ambiguïté sur ce sujet et termine sa profession de foi en se comparant aux«conquérants qui volent de victoire en victoire et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits».« Il n'est rien », ajoute-t-il, « qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs : je me sens un coeur à aimer toute laterre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtesamoureuses.

»On relèvera le ton hyperbolique qui fait basculer cette tirade du sérieux dans le comique.

Il y a du matamore dansDom Juan et quand on compare l'exiguïté de ses conquêtes et la maigreur de son butin en regard de ses ambitions,on ne peut s'empêcher de penser que, pour Molière et les spectateurs de son temps, ce personnage mégalomaneconstamment tenu en échec, constamment obligé de fuir, devait présenter un aspect risible qui a depuis été gommépar la tradition.Mais par là, et comme d'ailleurs Matamore, dans L'Illusion comique de Corneille, Dom Juan est un rêveur et un poète.Si son discours sombre dans l'excès qui pour l'époque classique est toujours, rappelons-le, synonyme d'insignifianceet de ridicule, il se confie à Sganarelle avec une ardeur lyrique qui force la sympathie et même parfois l'admiration. Volupté de la transgressionSganarelle, véritable Sancho Pança, va jeter sur cette flamme chimérique l'eau froide de son prosaïsme et de sonconformisme.

Ebranlé tout de même par le discours de son maître, il l'attaque au point sensible, là où la liberté enamour suppose la transgression d'un interdit religieux, celui du mariage, « un mystère sacré ».

Dom Juan agacél'interrompt : « Va, va, c'est une affaire entre le Ciel et moi...

» Mais l'argument visiblement a troublé Dom Juan.Il est curieux, en effet, que ce conquérant aux visées grandioses ait invariablement recours pour triompher desbelles qu'il convoite au procédé le plus plat, le moins héroïque possible, la promesse de mariage.

Il est vrai que,contrairement aux coqs de village, Dom Juan tient ses promesses et multiplie ainsi les unions sacrilèges.Outre la facilité et l'efficacité de ce stratagème, on peut supposer que Dom Juan éprouve une volupté particulière àbraver le Ciel en violant un sacrement.

Ce mépris du mariage, à la fois comme institution sociale et comme. »

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