Scène 1 de l’acte IV du Mariage de Figaro: En fait d’amour, vois-tu, trop n’est pas même assez. Beaumarchais
Publié le 19/03/2020
Extrait du document
«Un grand seigneur espagnol, amoureux d’une jeune fille qu’il veut séduire, et les efforts que cette fiancée, celui qu’elle doit épouser, et la femme du seigneur, réunissent pour faire échouer dans son dessein un maître absolu, que son rang, sa fortune et sa prodigalité rendent tout-puissant pour l’accomplir. »
« figaro. — Vous connaissiez mal votre fils de le croire ébranlé par ces impulsions féminines. Je puis défier la plus rusée de m’en faire accroire.
Marceline. — Il est toujours heureux de le penser, mon fils; la jalousie...
figaro. — ... N’est qu’un sot enfant de l’orgueil, ou c’est la maladie d’un fou. Oh! j’ai là-dessus, ma mère, une philosophie... imperturbable; et si Suzanne doit me tromper un jour, je lui pardonne d’avance; elle aura longtemps travaillé... »
(scène 13, acte IV)
«SUZANNE. — J’aime ta joie, parce qu’elle est folle; elle annonce que tu es heureux. Parlons du rendez-vous du Comte.
figaro. — Ou plutôt n’en parlons jamais; il a failli me coûter Suzanne.
Suzanne. — Tu ne veux donc plus qu’il ait lieu? figaro. — Si vous m’aimez, Suzon, votre parole d’honneur sur ce point: qu’il s’y morfonde; et c’est sa punition.
Suzanne. — H m’en a plus coûté de l’accorder que je n’ai de peine à le rompre : il n’en sera plus question. figaro. — Ta bonne vérité?
Suzanne. — Je ne suis pas comme vous autres savants, moi ! je n’en ai qu’une.
figaro. — Et tu m’aimeras un peu?
Suzanne. — Beaucoup. figaro. — Ce n’est guère. Suzanne. — Et comment?
figaro. — En fait d’amour, vois-tu, trop n’est pas même assez.
Suzanne. — Je n’entends pas toutes ces finesses, mais je n’aimerai que mon mari.
figaro. — Tiens parole, et tu feras une belle exception à l’usage. (Il veut l’embrasser.) »
«SUZANNE. — On peut s’en fier à lui pour mener une intrigue.
FIGARO. — Deux, trois, quatre à la fois; bien embrouillées, qui se croisent. J’étais né pour être courtisan.
Suzanne. — On dit que c’est un métier si difficile ! FIGARO. — Recevoir, prendre et demander; voilà le secret en trois mots.
LA COMTESSE. — Il a tant d’assurance qu’il finit par m’en inspirer. »
«
4 • AMOUR (et comédie) / 35
nage amoureux quelque peu pédant et risible, que Su
zanne interprète comme un témoignage flatteur pour elle
(«J'aime ta joie, parce qu'elle est folle ...
»).
Suzanne de
mande alors à Figaro s'il consent à ce qu'elle aille au
rendez-vous prévu avec le Comte; comme Figaro renonce
à son projet, les deux amoureux reprennent leurs minau
deries.
Ou, plutôt, c'est Figaro qui,
par coquetterie, pro
voque Suzanne pour qu'elle enchérisse sur l'étendue
et
l'intensité de son amour pour lui, à la façon dont on
effeuille la marguerite (elle m'aime un peu ...
beaucoup ...
à la folie ...
passionnément ...
pas du tout.)
De tels enfantillages ne semblent guère troubler Su
zanne : elle les tient pour des
«finesses» de «savants».
Il
lui suffit de répondre à la demande en renouvelant, pro
saïquement, son vœu de fidélité envers son futur- mari.
A
son tour, Figaro retrouvera son à-propos
et sa gaillardise
- bien dans la veine gauloise -en ironisant sur le thème
traditionnel de l'inconstance féminine :
«SUZANNE.
- J'aime ta joie, parce qu'elle est folle; elle
annonce que tu es heureux.
Parlons du rendez-vous du
Comte.
FIGARO.
- Ou plutôt n'en parlons jamais; il a failli me coûter Suzanne.
SUZANNE.
- Tu ne veux donc plus qu'il ait lieu? FIGARO.
- Si vous m'aimez, Suzon, votre parole d'hon
neur sur ce point: qu'il s'y morfonde; et c'est sa puni
tion.
SUZANNE.
- Il m'en a plus coûté de l'accorder que je n'ai de peine à le rompre: il n'en sera plus question.
FIGARO.
- Ta bonne vérité? SUZANNE.
- Je ne suis pas comme vous autres savants,
moi! je n'en ai qu'une.
FIGARO.
- Et tu m'aimeras un peu?
SUZANNE.
- Beaucoup.
FIGARO.
- Ce n'est guère.
SUZANNE.
- Et comment? FIGARO.
- En fait d'amour, vois-tu, trop n'est pas
même assez.
SUZANNE.
- Je n'entends pas toutes ces finesses, mais je n'aimerai que mon mari.
FIGARO.
- Tiens parole, et tu feras une belle exception à l'usage.
(Il veut l'embrasser.)».
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