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Sainte-Beuve prétendait que dans un congrès universel des grands génies, Molière seul pourrait représenter de façon complète le génie français. Que vous soyez ou non de l'avis de Sainte-Beuve, indiquez les raisons de votre opinion.

Publié le 16/02/2012

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beuve

C'est une sorte de dogme, pour les « molièristes «, que le grand comédien représente seul en perfection le génie de la France. Sarcey Fa proclamé après Sainte-Beuve : « Molière, c'est pour nous le poète national, c'est notre Shakespeare, notre Goethe... c'est l'homme en qui s'est le mieux incarné l'esprit de la France. «

Il ne faut pas trop se laisser influencer par ces formules exclusives et superlatives. Ce sont souvent mots à effet; c'est de la « littérature «. Des critiques non moins fameux ont dit la même chose de Rabelais, de Montaigne, de Corneille, de Descartes, de Pascal, de Racine, de La Fontaine, de Bossuet, de Voltaire, de Lamartine, de Victor Hugo.

Examinons donc froidement les titres de ce « représentant de la nation «....

beuve

« Selon lui, vouloir resister a la nature, c'est pretendre ramer contre un courant impetueux.

En cela il se rencontre avec le « bon v Regnier, avec le a bon » La Fontaine, autres Gau lois, dont la « bonte > se confondait avec celle meme de la « nature > : J'ai vecu sans nul pensement, Me laissant alter doucement A la bonne loi naturelle... Mais Moliere est Bien francais par son art. Les traits generaux de cet art sont l'amour de la simplicite, de la clarte, de la logique, de la franchise, l'horreur de tout exces, de toute enflure, de toute declamation.

Or, ce sont la qualites eminemment frangaises.

Ce n'est pas sans raison qu'il reproche a notre tragedie heroique « de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la Fortune, d'accuser le Destin, de dire des injures aux Dieux » (Critique de l'Ecole des Femmes); en d'autres termes, de donner trop a l'imagination et trop peu a l'observation, de « laisser le vrai pour attraper le merveilleux >.

Lui, se tient toujours en contact avec la realite, meme dans ses exagerations.

Epris de logique, it ne met pas celle-ci dans l'intrigue.

Construire une action oil, des le debut, on pose des causes qui, infailliblement devront amener telles ou telles consequences, de par le jeu normal des caracteres. n'est pas son fait.

Son art est, a ce point de vue, beaucoup moins savant que celui de Racine : jamais sa comedie n'affecte la forme d'un probleme moral. Neanmoins, it procede logiquement : it cherche d'abord des caracteres et les observe avec soin; pins des evenements, des situations propres a les mettre en valeur.

Il ne perd pas son temps a imaginer des faits extraordi- naires; illes prend autour de lui, dans la vie quotidienne.

Meier et debrouiller des fils n'est pas son affaire : it peint ce qu'il a vu, voila tout. Ses personnages sont specifiquement frangais, encore que largement humains.

Le Francais n'est-il pas un des meilleurs representants de l'huma- nite generale? Brunetiere a dit avec justesse : < Moliere nationalise tous ses sujets, que les autres laissaient ou faisaient espagnols ou italiens.

v Les spectateurs s'y peuvent aisement reconnaitre, ou tout au moins y reconnaitre leurs voisins.

Harpagon, Chrysale, M.

Jourdain sont gens de chez nous : impossible de s'y meprendre.

Et c'est toute la France qui figure dans cette galerie de portraits : la cour, la vine, la province; le noble, le bourgeois, l'homme du peuple, le paysan.

Moliere, en se moquant de ses concitoyens, est tout a fait dans la tradition frangaise. Son style, enfin, est avec celui de La Fontaine, le plus frangais du xvIte siècle.

Il a appris sa langue au comptoir paternel, telle qu'on la parlait alors an cceur de Paris.

Mais il a voyage, it s'est frotte a toute sorte de gens, et ce fond primitif, oil domine la verve gouailleuse du Parisien, s'est sin- gulierement enrichi.

Corneille est grandiloquent; Racine - le Racine de la tragedie - est d'une distinction raffinee; Boileau est livresque; Moliere park le langage de tous.

II connait le parler de la cour et des salons, la langue bourgeoise, le patois des paysans.

En son vocabulaire complexe, nous trouvons les archaismes savoureux, les locutions proverbiales et populaires, les expressions dialectales et pittoresques, les elements precieux et roma- nesques : tout le langage de la vieille France. Ce qui manque a Moliere pour representer parfaitement la France. On a pu dire avec raison: a Ce qui n'est pas chretien n'est pas frangais...

) Moliere, quoique baptise, n'est pas chretien.

En un siècle qui, malgre ses faiblesses et ses hontes, fut profondement religieux, il est un semi-palen. Il s'oppose de toules ses forces a la reforme des consciences et des mceurs entreprise par les Vincent de Paul, les Berulle, les Olier, les Bossuet, les Bourdaloue, representants authentiques de l'esprit thretien et frangais.

S'il n'est pas le porte-parole des 1 libertins >, il est Pinterprete, a coup sur, des K mondains , chretiens de nom et de desk, plus attaches a leurs aises qu'a leer foi.

L'Ecole des Femmes et Tartuffe sont, a cet egard, des docu- ments irrecusables.

L'education religieuse a fait d'Agnes une sotte; les preceptes catholiques touchant le manage sont tournes en ridicule; les Selon lui, vouloir résister à la nature, c'est prétendre ramer contre un courant impétueux.

En cela il se rencontre avec le « bon » Régnier, avec le « bon » La Fontaine, autres Gaulois, dont la « bonté » se confondait avec celle même de la « nature » : J'ai vécu sans nul pensementt Me laissant aller doucement A la bonne loi naturelle...

Mais Molière est bien français par son art.

Les traits généraux de cet art sont Famour de la simplicité, de la clarté, de la logique, de la franchise, Fhorreur de tout excès, de toute enflure, de toute déclamation.

Or, ce sont là qualités éminemment françaises.

Ce n'est pas sans raison qu'il reproche à notre tragédie héroïque « de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la Fortune, d'accuser le Destin, de dire des injures aux Dieux » (Critique de l'Ecole des Femmes); en d'autres termes, de donner trop à l'imagination et trop peu à l'observation, de « laisser le vrai pour attraper le merveilleux ».

Lui, se tient toujours en contact avec la réalité, même dans ses exagérations.

Epris de logique, il ne met pas celle-ci dans l'intrigue. Construire une action où, dès le début, on pose des causes qui, infailliblement devront amener telles ou telles conséquences, de par le jeu normal des caractères, n'est pas son fait. Son art est, à ce point de vue, beaucoup moins savant que celui de Racine : jamais sa comédie n'affecte la forme d'un problème moral.

Néanmoins, il procède logiquement : il cherche d'abord des caractères et les observe avec soin; puis des événements, des situations propres à les mettre en valeur. Il ne perd pas son temps à imaginer des faits extraordi­ naires; il les prend autour de lui, dans la vie quotidienne.

Mêler et débrouiller des fils n'est pas son affaire : il peint ce qu'il a vu, voilà tout.

Ses personnages sont spécifiquement français, encore que largement humains. Le Français n'est-il pas un des meilleurs représentants de l'huma­ nité générale? Brunetière a dit avec justesse : « Molière nationalise tous ses sujets, que les autres laissaient ou faisaient espagnols ou italiens. » Les spectateurs s'y peuvent aisément reconnaître, ou tout au moins y reconnaître leurs voisins.

Harpagon, Chrysale, M. Jourdain sont gens de chez nous : impossible de s'y méprendre/Et c'est toute la France qui figure dans cette galerie de portraits : la cour, la ville, la province; le noble, le bourgeois, l'homme du peuple, le paysan.

Molière, en se moquant de ses concitoyens, est tout à fait dans la tradition française.

Son style, enfin, est avec celui de La Fontaine, le plus français du xvn e siècle.

Il a appris sa langue au comptoir paternel, telle qu'on la parlait alors au cœur de Paris. Mais il a voyagé, il s'est frotté à toute sorte de gens, et ce fond primitif, où domine la verve gouailleuse du Parisien, s'est sin­ gulièrement enrichi. Corneille est grandiloquent; Racine — le Racine de la tragédie — est d'une distinction raffinée; Boileau est livresque; Molière parle le langage de tous.

Il connaît le parler de la cour et des salons, la langue bourgeoise, le patois des paysans.

En son vocabulaire complexe, nous trouvons les archaïsmes savoureux, les locutions proverbiales et populaires, les expressions dialectales et pittoresques, les éléments précieux et roma­ nesques : tout le langage de la vieille France.

Ce qui manque à Molière pour représenter parfaitement la France.

On a pu dire avec raison : « Ce qui n'est pas chrétien n'est pas français...

» Molière, quoique baptisé, n'est pas chrétien.

En un siècle qui, malgré ses faiblesses et ses hontes, fut profondément religieux, il est un semi-païen.

Il s'oppose de toutes ses forces à la réforme des consciences et des mœurs entreprise par les Vincent de Paul, les Bérulle, les Olier, les Bossuet, les Bourdaloue, représentants authentiques de l'esprit «hrétien et français.

S'il n'est pas le porte-parole des « libertins », il est l'interprète, à coup sûr, des « mondains », chrétiens de nom et de désir, plus attachés à leurs aises qu'à leur foi. L'Ecole des Femmes et Tartuffe sont, à cet égard, des docu­ ments irrécusables.

L'éducation religieuse a fait d'Agnès une sotte; les préceptes catholiques touchant le mariage sont tournés en ridicule; les. »

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