Rousseau - Les Confessions - Commentaire composé: « Je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge »
Publié le 26/07/2013
Extrait du document
Texte
« Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont
l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un
homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi.
Moi seul. Je sens mon cour et je connais les hommes. Je ne suis fait
comme aucun de ceux que j'ai vus ; j'ose croire être fait comme aucun de
ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la
nature a bien fait ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté,
c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu.
Que la trompette du Jugement dernier sonne quand elle voudra, je
viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je
dirai hautement : "Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus.
J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de
mauvais, rien ajouté de bon, et s'il m'est arrivé d'employer quelque
ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide
occasionné par mon défaut de mémoire ; j'ai pu supposer vrai ce que je
savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré
tel que je fus ; méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime,
quand je l'ai été : j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même.
Être éternel rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes
semblables ; qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes
indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à
son tour son cour aux pieds de son trône avec la même sincérité ; et puis
qu'un seul te dise, s'il l'ose : Je fus meilleur que cet homme-là. «
Rousseau – Les Confessions
Commentaire composé
« ... Je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge «
Commentaire composé
Présentation du texte
I. L'expression d'une singularité
a) La singularité de l'entreprise
b) La singularité de l'homme
II. Une affirmation de sincérité
a) Un objectif premier, la vérité
b) La sincérité revendiquée
c) La sincérité en action
III. Les motivations et les objectifs de l'entreprise, ambiguïtés et contradictions
a) La quête de vérité d'un homme unique, qui n'est pourtant pas
fondamentalement différent des autres
b) La recherche d'un jugement favorable et l'aveu des fautes
c) Les problèmes de la mémoire et de l'écriture
Conclusion
«
Commentaire composé
Présentation du texte
Les Confessions s'ouvrent sur une déclaration d'intentions proférée
sur un ton extrêmement péremptoire.
En quelques lignes très assurées,
qui peuvent être perçues, immédiatement, comme l'expression d'un
incommensurable orgueil, Rousseau définit la nature de son « entrepr ise »
puis précise son contenu et ses objectifs.
Cette démarche préliminaire lui
permet, simultanément, de se définir lui -même, de mettre en évidence le
caractère unique à la fois de l'homme et de l'œuvre et d'insister sur ce qui
constitue le problème maje ur d'un tel projet : la sincérité.
« Je » parlant de « moi » se heurte en effet à de nombreuses
difficultés parmi lesquelles celles de la mémoire, celles de l'aveu du mal,
celle de l'image « réhabilitante » souhaitée par le narrateur.
On peut
ajouter une d ifficulté supplémentaire qui vient de la conscience qu'a
Rousseau de sa singularité parallèlement à la volonté d'universalité qu'il
affirme.
Le « Préambule » des Confessions est ainsi caractérisé par une
profonde ambiguïté.
On peut d'ailleurs se demander s i cette
caractéristique n'est pas spécifique à l'œuvre entière.
Par le simple fait
d'annoncer ses intentions, Rousseau dépasse déjà son projet : ces
quelques lignes d'entrée en matière sont sans doute plus révélatrices de
lui -même qu'il ne le pense.
Elles mettent indirectement l'accent sur ce qui
fait l'originalité de toute œuvre autobiographique : la coïncidence entre le
projet et sa réalisation, entre ce que souhaite dire de lui le narrateur et ce
qu'il dit réellement.
Le commentaire composé du texte mett ra en relief l'expression
insistante d'une singularité, l'affirmation d'une profonde sincérité et la
volonté de faire connaître clairement les objectifs d'une entreprise «
unique ».
I.
L'expression d'une singularité
Sous une forme directement affirmée et s ous une forme plus
implicite, le texte fait apparaître l'idée d'une double singularité :
singularité de la démarche entreprise, singularité de celui qui l'entreprend.
a) La singularité de l'entreprise
Elle s'exprime de façon catégorique dans la première p hrase du
texte.
L'unicité de la démarche engagée est en effet mise en évidence par
une double caractérisation du terme « entreprise » sous la forme de deux
subordonnées relatives elles -mêmes coordonnées (« qui n'eut...
et dont...
».
Chacune d'entre elles s ouligne, de manière négative, l'existence unique
d'une œuvre par référence non seulement au passé connu (« n'eut jamais
d'exemple »), mais aussi au futur pourtant plus hypothétique (« n'aura
point d'imitateur »).
On note le caractère péremptoire de cette
présentation (utilisation d'une négation totale, « jamais », aspect assuré
du futur, absence de termes permettant de nuancer la prise de position).
Si la négation catégorique et la double référence au passé et au
futur permettent à Rousseau d'affirmer haute ment que son entreprise est
et restera la seule de son espèce, on peut remarquer que la présentation
plus précise de la démarche fait apparaître également ce qu'elle a de
spécifique.
Le livre, témoignage d'une vie (allusion à la comparution de.
»
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