Rousseau dans les Confessions: Pouvoirs de la lecture et des livres
Publié le 02/08/2014
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Dans son essai sur l'éducation, l'Émile, Rousseau recommande de ne pas mettre l'enfant en contact avec les livres avant 12 ans. Après 12 ans, il recommande la lecture d'un seul livre : Robinson Crusoe, roman de l'écrivain anglais Daniel Defoe. Or les Confessions nous montrent que Jean-Jacques a été très tôt en contact avec les livres : avant de lui permettre d'assurer sa for¬mation intellectuelle, ils ont façonné sa sensibilité et son imagination. Il y a trois passages importants pour traiter ce thème d'entretien :
— les lectures avec le père (pi:). 36-38) ;
— les emprunts à la loueuse de livres de Genève (pp. 73-75) ;
— les lectures chez Mme de Warens (pp. 155-156).

«
LES CONFESSIONS DE ROUSSEAU
• Le rôle positif des livres
Plus on avance dans le récit, plus Jean:Jacques avance en âge, et plus les
livres jouent dans sa vie un rôle positif.
Consoler
d'une absence.
L'omniprésence des livres compense l'absence de la
mère.
Le pè~_!.
le fils sont unis dans la même passion lorsqu'ils lisent
ensemble les romans laissés par la disparue.
Jean:Jacques reçoit en héri
tage non seulement "un cœur sensible'» mais aussi une sensibilité façonnée
par la lecture de la bibliothèque de la mère, puis du grand-père materne1.
Compenser l'ennui.
La boulimie de lecture compense l'insatisfaction et l'en
nui quand l'adolescent est en apprentissage : le livre permet de s'évader
du réel, de la contrainte, de l'autorité malveillante du patron.
Obsessionnelle, cette fureur de lire a le mérite de canaliser l'attention et
les forces de Jean:Jacques : elle lui évite de sombrer dans le vice ( "1--ivré
tout entier à mon goût nouveau je ne faisais plus que lire, je ne volais plus,,), le
dégoût de la vie, le sentiment de l'avilissement personnel.
Même si elles
sont désordonnées, les lectures élèvent le cœur :
Guéri
de mes goûts d'enfant et de polisson par celui de la lecture, et même
par mes lectures, qui, bien que sans choix et souvent mauvaises, ramenaient
pourtant 1non cœur à des sentiments plus nobles que ceux que 1n'avaient
donné mon état.
(p.
74)
Former l'intelligence.
Quand la lecture n'est plus fureur ni recherche d'une
compensation, elle devient pleinen1ent profitable et formatrice: «la lecture
me profitait mieux" (p.
155).
Au contact de M.
de Gouvon à Turin, puis de
Mme de Warens à Annecy, Jean:Jacques "lit rrwins avidement et avec plus de
réflexion».
Il apprend ce qu'est la correction en matière de langage (p.
155);
il apprend à parler de ce qu'il lit, à exercer son jugement et son goût.
11!1 Le danger des livres
Avant d'exercer un rôle positif, la lecture est une expérience doulou
reuse: Jean:Jacques est déformé par ses lectures, et Rousseau analyse cette
précocité de lecteur comme une des causes de la s~pgularité de son être.
Précocité et singularité.
Trop précoce, la lecture nourrit la sensibilité et
l'imagination, et laisse une empreinte indélébile:
Ces émotions confuSes, que j'éprouvais coup sur coup, n_'_~ltéraient point la
raison
que je n'avais pas encore; mais elles 1n'en formèrent~e d'une autre
tre~pc, ~t mc;-~on~èrent de la vie humaine des notions bizarres et roma
nesqucs,-dont
l'eXpérience et la réflexion n'ontjamais bien pu me guérir.
(p 37)
Elle fait dejean-jacques un être d'une sensibilité excessive, nourrie hâtive
ment, et non selon la progression harmonieuse recommandée dans l'Émile.
81.
»
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