Devoir de Philosophie

ROTROU Jean : sa vie et son oeuvre

Publié le 28/11/2018

Extrait du document

ROTROU Jean (1609-1650). Jean Rotrou, qui n’est guère lu aujourd’hui, et n’est pratiquement plus jamais joué, est cependant l’un des auteurs dramatiques les plus importants au xviie siècle, après les trois « grands » : Racine, Corneille et Molière.

 

Rotrou est parfois désigné comme continuateur d’Alexandre Hardy. Comme lui, il travaille directement pour la troupe de l'Hôtel de Bourgogne. Comme lui, il se bat dans les premières années de sa carrière pour que son œuvre ne lui échappe pas — au bénéfice des troupes théâtrales — et soit publiée, Mais les conditions sociales ont changé depuis Hardy et Rotrou n'a pas et n'est pas tenu d’avoir la même fécondité que le vieux poète, bien que trente-cinq de ses pièces de théâtre soient parvenues jusqu’à nous.

 

Rotrou commence sa carrière dans les années 1630 en même temps qu’un groupe de jeunes dramaturges, parmi lesquels Corneille, Mairet, Du Ryer, Scudéry qui ne tarderont pas à faire parler d’eux. Mais il est le seul — si l’on accorde une place particulière à Corneille — qui continue à écrire jusqu’en 1650, si bien que son image se confond avec le règne de Louis XIII et qu'il fait figure de représentant du « style » de l’époque.

 

Un poète à gages assagi

 

Faute de documents, nous sommes mal renseignés sur la vie de Rotrou. Ses premiers biographes tracent volontiers de lui le portrait pathétique d’un jeune homme pauvre en proie aux tracasseries de comédiens ne reculant devant rien pour lui extorquer à leur profit de nouveaux ouvrages. La réalité est sans doute plus banale, et sa vie. marquée par une longue fidélité au théâtre, apparaît dépourvue d’événements exceptionnels.

 

Né à Dreux, d’une famille de bonne bourgeoisie, Rotrou a dix-neuf ans lorsqu’il écrit sa première pièce, l'Hypocondriaque ou la Mort amoureuse. Il fréquente assez tôt, semble-t-il, les milieux littéraires, où il se cherche des protecteurs. Il dédie sa première pièce au comte de Soissons, seigneur de Dreux, et il est admis dans l'entourage de Richelieu, sans doute par l’intermédiaire de Chapelain. Faisant partie avec Corneille des « Cinq Auteurs » qui collaborent sous l’autorité du cardinal [voir Cinq auteurs], il est également un des protégés du comte de Belin, dont le mécénat s’exercera jusqu’en 1637.

 

Officiellement, Rotrou exerce la profession d’avocat au parlement de Paris. Mais il est aussi devenu très jeune (peut-être dès 1626) «poète à gages» de l'Hôtel de Bourgogne où il aurait immédiatement remplacé Hardy et mis au service de la troupe sa « facilité » à faire des vers. Jusqu’en 1634, il produit vite, poussé par ses obligations d’écrivain attaché à la compagnie. Ensuite, après une lutte juridique et grâce à des interventions officielles, il parvient à s’affranchir de la tutelle d'acteurs qui tiennent à s’assurer le plus longtemps possible l'exclusivité des pièces qu'ils jouent et à retarder leur publication d'autant.

 

En 1639, le poète achète la charge de lieutenant particulier au bailliage de Dreux. Son activité dramatique prend un autre rythme. Il s’installe comme magistrat dans sa ville natale, et, en 1640, épouse Marguerite Le Camus, une jeune Mantaise. Ils auront six enfants, dont trois mourront en bas âge.

 

Sa vie s’écoule paisiblement jusqu’en 1650, année où une épidémie de peste éclate à Dreux et l’emporte. Il avait, dit-on, refusé de quitter la ville afin de continuer à remplir les obligations de sa charge.

 

Une œuvre abondante et diverse

 

Les trente-cinq pièces de Rotrou parvenues jusqu’à nous — et qui s’échelonnent sur une vingtaine d’années — se répartissent en dix-sept tragi-comédies, douze comédies, six tragédies; leurs genres correspondent aux modes de l’époque, bien que leurs frontières ne soient pas toujours aisément repérables. Après /’Hypocondriaque (1628, publ. 1631), la Bague de l'oubli (1629, publ. 1635) et une adaptation des Ménechmes (1630-1631, publ. 1636), il écrit une série de tragi-comédies irrégulières, dont les Occasions perdues ( 1633, publ. 1635). Peut-être est-il alors tenté d’appliquer les Unités, ou subit-il l’influence des doctes; toujours est-il qu’il donne Diane, comédie régulière (1632-1633, publ. 1635), puis Amélie (publ. 1638) et Célimène. En 1634, Hercule mourant (publ. 1636) marque un pas vers la tragédie régulière. Mais Rotrou ne se tiendra pas à une ligne définie. Il revient par la suite à l’irrégularité, et cela dans tous les genres, par exemple avec une tragi-comédie, /’Innocente Infidélité (publ. 1637), la Belle Alphrède, comédie (1636, publ. 1639), ou Crisante, tragédie (1635, publ. 1639). Il écrit également des adaptations, comme les Sosies (1636-1637, publ. 1638), Antigone (1637, publ. 1639), Iphigénie (1640, publ. 1641). Il termine sa carrière avec des œuvres graves : le Véritable Saint Genest (1645-1646, publ. 1647), Venceslas (1647, publ. 1648), Cosroès (1648, publ. 1649). Rotrou puise son inspiration un peu partout, chez Plaute comme chez Plutarque aussi bien que dans les romans ou la comedia espagnols [voir Espagne]. Cette diversité et l'irrégularité de l’œuvre ont été mal reçues par une critique qui ne voulait connaître d’autres outils de jugement que les critères classiques. Il fallut pratiquement attendre le milieu du xxe siècle et la vogue du baroque pour que l'apport de Rotrou au théâtre soit examiné d'un œil nouveau. Jusque-là, seules étaient généralement retenues les dernières pièces, les autres étant condamnées, au nom du bon goût, en raison d’une imagination sans mesure et d’une écriture jugée trop rapide et trop fantasque.

 

Il faut dire que Rotrou ne recule devant aucun excès et qu’il semble même avoir une prédilection pour les sujets les plus sanglants ou les plus scabreux, le romanesque le plus débridé (Antoine Adam parle à son propos de « romanesque absurde »). L'intérêt plus récent qui s’est manifesté en faveur du dramaturge s’appuie précisément sur la générosité et sur la liberté de Rotrou, sur la folie de ses inventions comme sur la force de ses excès. On peut même voir dans cette démesure une des clefs de sa dramaturgie.

 

Des excès nécessaires

 

Rotrou accumule les épisodes de reconnaissances, les scènes sanglantes, les situations scabreuses. Ainsi, dans Crisante, tragédie dont le sujet est tiré de Plutarque, l'héroïne, violée par le chef romain qui la gardait captive, ne peut supporter les soupçons que son mari fait peser sur son honneur. Elle obtient la tête de son bourreau et revient sur scène la jeter aux pieds de son époux, en s’écriant : « Voilà ce que tu crus mon cœur et mes délices », avant de se suicider, entraînant son époux dans la mort. Dans la Belle Alphrède, l’héroïne, enceinte — et déguisée en homme —, se trouve, selon les indications scéniques, « sur le bord de la mer, regardant le débris d’un vaisseau ». Dès la deuxième scène, elle dégaine l’épée pour venir au secours d’un jeune homme assailli par des pirates arabes et retrouve en lui l'amant en fuite qu’elle poursuivait. Comparaissant ensuite devant le « vieux chef des Arabes », elle retrouve cette fois en celui-ci un père disparu depuis quatorze ans, et s’exclame :

 

Mais peux-tu, lâche sang, reconnaître si tard, Sous des traits si certains l'auteur de ta naissance? O ciel! quelle merveille égale ta puissance? Je recouvre mon père en cet heureux séjour! C'est à lui que je parle, il respire le jour!

« importants au XVll0 siècle, après les trois «grands » : Racine, Corneille et Molière.

Rotrou est parfois désigné comme continuateur d'Alexandre Hardy.

Comme lui, il travaille directement pour la troupe de l'Hôtel de Bourgogne.

Comme lui, il se bat dans les premières années de sa carrière pour que son œuvre ne lui échappe pas -au bénéfice des troupes théâtrales -et soit publiée [voir HARDY).

Mais les conditions sociales ont changé depuis Hardy et Rotrou n'a pas et n'est pas tenu d'avoir la même fécondité que le vieux poète, bien que trente-cinq de ses pièces de théâtre soient parvenues jusqu'à nous.

Rotrou commence sa carrière dans les années 1630 en même temps qu'un groupe de jeunes dramaturges, parmi lesquels Corneille, Mairet, Du Ryer, Scudéry qui ne tar­ deront pas à faire parler d'eux.

Mais il est le seul -si l'on accorde une place particulière à Corneille -qui continue à écrire jusqu'en 1650, si bien que son image se confond avec le règne de Louis XIII et qu'il fait figure de représentant du« style» de l'époque.

Un poète à gages assagi Faute de documents, nous sommes mal renseignés sur la vie de Rotrou.

Ses premiers biographes tracent volon­ tiers de lui le portrait pathétique d'un jeune homme pau­ vre en proie aux tracasseries de comédiens ne reculant devant rien pour lui extorquer à leur profit de nouveaux ouvrages.

La réalité est sans doute plus banale, et sa vic, marquée par une longue fidélité au théâtre, apparaît dépourvue d'événements exceptionnels.

Né à Dreux, d'une famille de bonne bourgeoisie, Rotrou a dix-neuf ans lorsqu'il écrit sa première pièce, l'Hypocondriaque ou la Mor! amoureuse.

Il fréquente assez tôt, semble-t-il, les milieux littéraires, où il se cherche des protecteurs.

Il dédie sa première pièce au comte de Soissons, seigneur de Dreux, et il est admis dans l'entourage de Richelieu, sans doute par l'intermé­ diaire de Chapelain.

Faisant partie avec Corneille des « Cinq Auteurs » qui collaborent sous l'autorité du cardi­ nal [voir CINQ AUTEURS], il est également un des protégés du comte de Belin, dont le mécénat s'exercera jusqu'en 1637.

Officiellement, Rotrou exerce la profession d'avocat au parlement de Paris.

Mais il est aussi devenu très jeune (peut-être dès 1626) « poète à gages » de 1' Hôtel de Bourgogne où il aurait immédiatement remplacé Hardy et mis au service de la troupe sa « facilité>> à faire des vers.

Jusqu'en 1634, il produit vite.

poussé par ses obli­ gations d'écrivain attaché à la compagnie.

Ensuite, après une lune juridique et grâce à des interventions officiel­ les, il parvient à s'affranchir de la tutelle d'acteurs qui tiennent à s'assurer le plus longtemps possible l'exclusi­ vité des pièces qu'ils jouent et à retarder leur publication d'autant.

En 1639, Je poète achète la charge de lieutenant parti­ culier au bailliage de Dreux.

Son activité dramatique prend un autre rythme.

Il s'installe comme magistrat dans sa ville natale, et, en 1640, épouse Marguerite Le Camus, une jeune Mantaise.

Ils auront six enfants, dont trois mourront en bas âge.

Sa vie s'écoule paisiblement jusqu'en 1650, année où une épidémie de peste éclate à Dreux et l'emporte.

Il avait, dit-on, refusé de quitter la ville afin de continuer à remplir les obligations de sa charge.

Une œuvre abondante et diverse Les trente-cinq pièces de Rotrou parvenues jusqu'à nous -et qui s'échelonnent sur une vingtaine d'années - se répartissent en dix-sept tragi-comédies, douze comédies, six tragédies; leurs genres correspondent aux modes de l'époque, bien que leurs frontières ne soient pas toujours aisément repérables.

Après l'Hypocondria­ que (1628, publ.

1631), la Bague de l'oubli (1629, publ.

1 635) et une adaptation des Ménechmes (1630-1631, pub!.

1 636), il écrit une série de tragi-comédies irréguliè­ res, dont les Occ as io ns pe rd ue s ( 1633, publ.

1635).

Peut­ être est-il alors tenté d'appliquer les Unités, ou subit-il l'influence des doctes; toujours est-il qu'il donne Diane, comédie régulière ( 1632-1633, publ.

1635), puis Amélie (publ.

1638) et Gélimène.

En 1634, Hercule mourant (publ.

1636) marque un pas vers la tragédie régulière.

Mais Rotrou ne se tiendra pas à une ligne définie.

Il revient par la suite à l'irrégularité, et cela dans tous les genres, par exemple avec une tragi-comédie, l'Inno cente Infidélité (pub!.

1637), la Belle Alphrède, comédie (1636, pub!.

1639), ou Grisante, tragédie (1635, publ.

1639).

Il écrit également des adaptations, comme les Sosies ( 1636-1637, pub!.

1638), Antigone (1637, publ.

1639), Iphigénie (1640, publ.

1641).

Il termine sa car­ rière avec des œuvres graves : le Véritable Saint Genest ( 1645-1646, pub!.

1647), Venceslas (1647, publ.

1648), Gosroès ( 1648, publ.

1649).

Rotrou puise son inspiration un peu partout, chez Plaute comme chez Plutarque aussi bien que dans les romans ou la comedia espagnols [voir ESPAGNE].

Cette diversité et l'irrégularité de l'œuvre ont été mal reçues par une critique qui ne voulait connaître d'autres outils de jugement que les critères classiques.

Il fallut pratiquement attendre le milieu du xxc siècle et la vogue du baroque pour que l'apport de Rotrou au théâtre soit examiné d'un œil nouveau.

Jusque-là, seules étaient généralement retenues les dernières pièces, les autres étant condamnées, au nom du bon goût, en raison d'une imagination sans mesure et d'une écriture jugée trop rapide et trop fantasque.

Il faut dire que Rotrou ne recule devant aucun excès ct qu'il semble même avoir une prédilection pour les sujets les plus sanglants ou les plus scabreux, le roma­ nesque le plus débridé (Antoine Adam parle� son propos de «romanesque absurde>>).

L'intérêt plus récent qui s'est manifesté en faveur du dramaturge s'appuie préci­ sément sur la générosité et sur la liberté de Rotrou, sur la folie de ses inventions comme sur la force de ses excès.

On peut même voir dans cette démesure une des clefs de sa dramaturgie.

Des excès nécessaires Rotrou accumule les épisodes de reconnaissances, les scènes sanglantes, les situations scabreuses.

Ainsi, dans Grisante, tragédie dont le sujet est tiré de Plutarque, l'héroïne, violée par le chef romain qui la gardait cap­ tive, ne peut supporter les soupçons que son mari fait peser sur son honneur.

Elle obtient la tête de son bour­ reau et revient sur scène la jeter aux pieds de son époux, en s'écriant : «Voilà ce que tu crus mon cœur et mes délices », avant de se suicider, entraînant son époux dans la mort.

Dans la Belle Alphrède, l'héroïne, enceinte - et déguisée en homme -, se trouve, selon les indications scéniques, «sur le bord de la mer, regardant le débris d'un vaisseau>).

Dès la deuxième scène, elle dégaine l'épée pour venir au secours d'un jeune homme assailli par des pirates arabes et retrouve en lui l'amant en fuite qu'elle poursuivait.

Comparaissant ensuite devant le « vieux chef des Arabes », elle retrouve cette fois en celui-ci un père disparu depuis quatorze ans, et s'exclame : Mais peux-tu, lâche sang, reconnaître si tard, Sous des traits si certains l'auteur de ta naissance? 0 ciel! quelle merveille égale ta puissance? Je recouvre mon père en cet heureux séjour! C'est à lui que je parle, il respire le jour! (Il, VI).. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles