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ROSTAND Edmond

Publié le 29/11/2018

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ROSTAND Edmond (1868-1918). Poète dramatique, Edmond Rostand fut probablement, au tournant du siècle, l’auteur le plus adulé des lettres françaises. Il était né dans une famille de négociants marseillais très cultivés. Dans sa ville natale, puis au collège Stanislas, il va poursuivre des études à la fois nonchalantes et brillantes. Bien vite, il choisit d’être poète et donne ses premiers essais littéraires : ce Méridional qui a la nostalgie de sa Provence disserte sur Honoré d’Urfé et Zola à l’occasion d'un concours académique (1887). Il ébauche également plusieurs pièces qui ne verront jamais le jour. En 1888, il donne, en collaboration avec Henry Lee, un vaudeville, le Gant rouge : l’ouvrage, éreinté par Sarcey, n’a que quinze représentations. En 1890, l’année de son mariage avec Rosemonde Gérard, Rostand fait paraître chez Lemerrc un recueil de poèmes, les Musardises, qui n’obtiennent qu’un succès d’estime; la critique de l’époque est sensible surtout aux réminiscences de Musset et de Banville.

 

L’année suivante, les Deux Pierrots sont refusés par la Comédie-Française, mais ils ouvrent la voie pour les Romanesques (1894), qu’interprètent Féraudy, Le Bargy et M,,e Reichenberg. S’il est un peu isolé dans le milieu littéraire, Rostand bénéficie de solides amitiés, celle de Sarah Bernhardt en particulier, pour qui il écrit la Princesse lointaine (1895), dont l’argument a été puisé dans une chronique médiévale, et la Samaritaine (1897), qui s’insère dans un courant de pièces bibliques. Ces deux pièces — en vers — sont représentées au théâtre de la Renaissance.

 

L'homme des triomphes

 

La célébrité ne vient pourtant qu’avec Cyrano de Bergerac (1897); inspiré probablement par l’ouvrage qu’a fait paraître en 1893 P.A. Brun : Savinien de Cyrano de Bergerac, sa vie et ses œuvres, notre auteur s’est lancé

 

dans une partie risquée : non seulement sa pièce est coûteuse à monter, mais encore les premiers spectateurs semblent inquiets devant les audaces de Rostand, son héros ridicule et ses dialogues déconcertants. Pourtant, le 28 décembre, à la Porte-Saint-Martin, la première est un triomphe, un triomphe durable que Rostand doit à son talent de metteur en scène mais aussi à Coquelin, son acteur principal. En 1900, l'Aiglon permet au public d’applaudir Sarah Bernhardt dans le rôle du jeune duc de Reichstadt et Lucien Guitry dans celui de Flambeau. Rostand, pourtant, ne se contente pas de gérer son succès, qui est immense. Le nouvel académicien (1901) donne en 1910 Chantecler, une pièce inclassable, dont les personnages sont des animaux, aussi humains, bien entendu, qu’ils pouvaient l’être chez La Fontaine ou dans le Roman de Renart. La pièce surprend, et il s’en faut qu’elle fasse l’unanimité. Les réticences du public et de la critique atteignent un Rostand déjà affaibli par la maladie. Retiré dans sa maison d’Arnaga, près de Cambo, au Pays basque, il y entame une trilogie qui doit réunir Don Juan, Faust et Polichinelle : le premier donnera lieu en 1922 à un poème dramatique (la Dernière Nuit de Don Juan) tandis que Faust inspira une traduction qui reste inachevée. L’écrivain offrira encore, dans ces dernières années, un beau Cantique de l'Aile (posth., 1922), dédié aux aviateurs, et les poèmes patriotiques du Vol de la Marseillaise (posth., 1919). Les vœux qu’y forme Rostand seront exaucés, puisqu’il verra la victoire trois semaines avant de disparaître.

 

L'écrivain et son public

 

Rostand a suscité chez ses contemporains trop d’enthousiasme, l’époque s’est trop reconnue en lui pour que l’on n’essaye pas de comprendre les raisons de cet accord parfait entre un public et un créateur. Le premier élément de réponse réside peut-être dans l’héritage littéraire dont Rostand est porteur : peu goûté des autres écrivains, Rostand est d’abord un romantique, un « autre Musset », un « nouvel Hugo » peut-être; c’est en tout cas ainsi que la critique le voit, et l’on ne peut lui donner tort : la couleur jetée à profusion, le panache 

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« qui dit non au temps.

Chantee/er, enfin, n'est qu'une trouvaille, renouvelée tantôt par les plaisanteries du Merle et les dictons de la vieille Poule, tantôt par une poésie drôle, proche d'Aristophane ou du Jules Renard des Histoires naturelles : l'âme des coutelas rêve dans les canifs; le merle et le corbeau sont faits du même crêpe, Et, jaune et noir, le tigre est déjà dans la guêpel On s'aperço)it que cet auteur prétendument démodé est plein d'invention, que sa forme brillante, surtout, n'est ni vide ni gratuite : elle s'inscrit dans une véritable esthétique de :a fantaisie, une esthétique baroque, pour­ rait-on dire, si le mot n'était pas galvaudé.

Rien de plus net, à cet égard, que le choix d'un héros comme Cyrano, surprenant, contradictoire, prodigue en boues d'escrime, en exploits, en effets -et cela toujo urs aux dépens des figures pâles ou ternes.

Chez Rostand, il faut être bril­ lant, éclatant, pour exister.

L'art lui-même est ce soleil auquel Chantecler adresse son ode fameuse : Je t'adore, Soleil! Tu mets da1s l'air des roses, Des flammus dans la source, un dieu dans le buisson! Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses! 0 Soleil! toi sans qui les choses Ne seraient que ce qu'elles sont! On serait donc mal venu de reprocher à Rostand son côté artificiel : dans cet art très pensé, l'artifice est voulu, recherché; il se confond avec le beau, peut-être même avec le bien.

Il existe en effet dans cette œuvre une morale implicite qui donne le beau rôle à la jeunesse, à la beauté- plus généralement, à tous les enthousiasmes.

Surprendre, éblouir, plaire, tel est donc le but de cene œuvre que la critique, à l'inverse du public, oublie trop aujourd'hui.

Baudelaire, dans Mon cœur mis à nu, pen­ sait que ce qu 'i l y avait de plus beau dans un théâtre, c'était le lustre, scintillant, «lumineux» : il est permis de voir en Rostand ce lustre-là, qui éclaire le répertoire parfois un peu gris de nos grands-parents.

BIBLIOGRAPHIE Cyrano de Bergerac.

long te m ps introuvable.

a été réédité dans deux bonnes éditions critiques par Patrick Besnier (Galli­ mard, « Folio>>, 1983) et J.

Truchet (Impri m erie nalionale.

1983).

Voir aussi l'éd.

par C.

Aziz a, Presses-Poc�et.

1989.

Chantecler a é1é réim pr im é (éd.

de 191 0) par les Ed.

d'Au­ jou rd 'hui en 1985 et l'Aiglon ré éd ité en Folio dans l'édition cri tiqu e de P.

Besn ie r (Gallimard, 1986).

On trou ver a, d'autre part, tous les renseignements sur l'homme et son œuv re da ns : E.

Ripert, Edmond Rostand, sa vie er son œuvre, Paris, Hachette, 1968: Maurice B.

Pla c e, la Dramaturgie de Rostand, thèse.

un i v.

Paris rn, 1974 (dac ty l.) .

Voir aussi P.

Vern o is .

«Architecture et é c ri tu re théâtrale dans Cyrano de Bergerac », Trav.

de linguisti­ que et de lillérature.

IV, 2.

1966.. »

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