Ronsard – Sonnets pour Hélène - « Quand vous serez bien vieille »
Publié le 21/07/2010
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Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant, Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant: « Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle! « Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle, Déjà sous le labeur à demi sommeillant, Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant, Bénissant votre nom de louange immortelle. Je serais sous la terre, et, fantôme sans os, Par les ombres myrteux je prendrai mon repos; Vous serez au foyer une vieille accroupie, Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain: Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. Prendre conscience du temps qui conduit à évoquer la vieillesse, c'est ce que fait Ronsard dans ce sonnet adressé à Hélène. Si elle se reconnaît dans l'image cruelle d'une jeune femme nostalgique, elle comprendra qu'il faut profiter du présent. La vie humaine est aussi brève que celle des roses. I) La déclaration d'amour insolite A. L'évocation peu flatteuse de la femme aimé Beauté passée, usée. Ut. de l’imparfait (v.4). Femme dédaigneuse (v.12). R. évoque la femme vieille (v.1 /11) B. La tentative de persuasion Evocation de ses futurs regrets. Persuade avec l’usage de sentiments (3° strophe) et convint avec des arguments (4° strophe). Champ lexical de la mort, tentative de faire comprendre sa jeunesse éphémère, pr qu’elle cède à son amour. C. La description de la vie d'Hélène Réaliste : contexte précis (v.1) chandelle : chère, haut niveau de vie. Présenter seule, ac une vie monotone (v.2/3) rythme alexandrin et hémistiche : vie trop bien réglée II) La poésie permet de conjurer la fuite du temps A. Le poète omniprésent R. parle autant de lui que d’Hélène. Il ne se montre pas vieux. H. n’est pas nommé (elle n'acquerra ce droit que si elle cède à l'amour de Ronsard) alors que le poète se cite deux fois. B. La poésie confère l'immortalité à Hélène (v.8) R. fait ressortir sa gloire sur H. et lui demande en échange d’accepter son amour (v.13). R. bat ainsi la mort. C. La poésie confère l'immortalité à Ronsard Mort douce. Strophe 3 le poète meurt, mais il vit ds les mémoires. (v.3/5) R. se décrit au coeur du dialogue entre H. et ses servantes. De façon inattendue, Ronsard mêle deux thèmes communs : d'une part l'épicurisme et la poursuite du bonheur, d'autre part l'immortalité (champ lexical du temps) que prodigue la poésie. Ce poème est une forme de provocation puisque Ronsard projette par Hélène une vision réaliste de son avenir mais il est aussi un appel à vivre le présent pour vaincre la mort (Carpe diem).
1. Projection dans un futur sinistre
• Projection dans le futur : futur de l’indicatif ; pronoms personnels 1ère et 2ème du sg, mêmes protagonistes que dans le présent de Ronsard.
• Mort du poète, situation préférable : vie après la mort, image lyrique (Enfers antiques, « ombres myrteux «), soulagement (« je prendrai mon repos «).
• Vieillesse de l’aimée : stéréotype de la grand-mère (position : « vieille accroupie «, « auprès du feu «) ; chp lexical de la fin (« vieille «, « soir «), de l’extinction (« chandelle « dont la flamme vacille ; « foyer «, feu sans flammes, braises) = métaphore de la fin de la vie ; allusion aux Parques (« dévidant et filant «) ; insistance âge (répétition « vieillesse «, début et fin du poème).
• => épicurisme, philosophie : acceptation de la mort ; mais épicurisme = profiter de la Nature grâce à ses sens, donc quand les sens se délitent (la vieillesse), la vie devient insupportable, d’où la peur de Ronsard pour la vieillesse (il a 54 ans quand il écrit ce texte).
2. Nostalgie, seul recours et seule occupation
• Regret : « amour « de Ronsard et « dédain « de l’aimée, parallélisme avec les pronoms possessifs, v12 ; discours direct, imparfait de l’indicatif donc temps lointain et révolu, style simple et oral, v4.
II. Possibilité de mettre le temps en défaut
1. Lutter contre le temps grâce à l’Art (ici, la poésie)
• Immortalité du poète : chp lexical musique, poésie ; accumulation de participes présents v2 et 3, d’où assonance en [an] -> équivalent présent de vérité générale (+/-) ; évocation de Ronsard par lui-même, répétition de son nom v. 4 et 7, positions remarquables, soit en début de vers puis à la césure ; célébrité jusqu’auprès de la servante, antithèse « sommeillant «/« réveillant «, tournure en négation qui marque l’absence d’exception, v5 à 7.
• Immortalité de l’aimée : chp lexical de l’adoration, de la célébration, d’où bien-aimée = déesse qui a un culte ; v8, « louange immortelle « ; forme fixe du poème = passage à la postérité, « valeur sûre «.
2. Lutter contre le temps en profitant du présent
• Retour dans le présent : v13 et 14, conclusion qui s’inscrit dans le présent ; v14, réécriture du « Carpe Diem « ; conseil : accumulation d’impératifs ; élargissement avec la 2ème du pluriel ambiguë (politesse/pluriel) ; argument d’autorité (« Si m’en croyez «, référence à Ronsard, qui a vaincu le temps en aimant et en composant ces poèmes) ; antithèse « demain «/« aujourd’hui « avec « aujourd’hui « en conclusion et à la césure ; chp sémantique de la vie v13 et 14.
Conclusion
• Double message : constatation -> le temps passe vite et détruit ; conseil -> il faut vaincre le temps, a) grâce à l’art (ici, la poésie) et b) en vivant au jour le jour (ici, en répondant à l’amour de Ronsard).
• Autre interprétation, légèrement différente : le temps détruit -> en attendant, il faut profiter de sa jeunesse -> au final, pour agir efficacement, il faut s’en remettre à l’Art pour vivre éternellement.
• Réflexion de Ronsard sur sa vie, sa célébrité et sa postérité ; fait rare, il cite son propre nom plusieurs fois, se met en lumière grâce à des pronoms personnels à la 1ère du singulier, évoque son succès.
• Thème de l’épicurisme : « Carpe Diem «, litt. « Cueille le jour «, que l’on retrouve dans le dernier vers ; le temps passe, par conséquent il faut profiter de sa vie présente (sans excès d’aucun sorte).
• Réécriture par Apollinaire au XIXè siècle ; forme classique ; imitation légère du style ; thème du temps destructeur repris, mais abandon du thème du présent dont il faut profiter, et interrogation plus fournie sur l’immortalité grâce à l’Art (ambiguïté).
«
Ronsard, « quand vous serez bien vieille »Pierre de Ronsard a vécu au XVIe siècle. Il est un adepte de l’ épicurisme , et une figure majeure de la littérature poétique de la Renaissance .
En 1547, Ronsard fait la connaissance de Joachim du Bellay .
Il décide de créer avec son ami et quelques autres jeunes poètes un groupe qui prendra quelques années plus tard le nom de la Pléiade .
Leur objectif est de soutenir le français contre ses détracteurs, enrichir son vocabulaire et son style et composer des œuvres inspirées des auteurs grecs et latins.Les Sonnets pour Hélène (Hélène de Surgères) ont été publiés en 1578.
Ce recueil comprend cent onze sonnets et quatre autres poèmes répartis en deux livres.
Il a été composé pour Hélène de Surgères, femme qu’il rencontre à ses 54 ans.LECTURE Prendre conscience du temps qui conduit à évoquer la vieillesse, c'est ce que fait Ronsard dans ce sonnet adressé à Hélène.
Si elle sereconnaît dans l'image cruelle d'une jeune femme nostalgique, elle comprendra qu'il faut profiter du présent.
La vie humaine est aussibrève que celle des roses.
On peut donc se demander si le poème est bien le lieu d’une quête amoureuse ? On pourra analyser successivement :I.
L'originalité de la demande amoureus e.II.
La célébration de la poésie
I/ Originalité de la demande amoureuse..1.
Une image peu flatteuseSa beauté est passée.
Ce sonnet a été écrit pour Hélène, or il ne cherche pas à la célébrer mais lui renvoie plutôt une image peu flatteuse d'elle même.
Sabeauté n'apparaît qu'à l'imparfait « Ronsard me c élébrait du temps que j'étais belle » (v.4).Son dédain.
Au moral non plus, Hélène n'est pas célébrée.
Son attitude en fac e de Ronsard est évoquée pour être regrettée.
Elle apparaît en effet dans uneattitude de dédain en face de l'amour qui lui est offert « regrettant mon amour et votre fier dédain » (v.12).Sa vieilles se, non sans une certaine cruauté, Ronsard préfère envis ager l'heure des souvenirs mélancoliques.
A deux reprises, il se plaît à faire envisager àHélène sa vieillesse : « Q uand vous serez bien vieille » (v.1), « vous serez au foyer une vieille accroupie » (v.11)...2.
La précision de la scèneAu vers 1, les circonstances : "au soir", "à la chandelle", qui permettent d'imaginer la scène ne manquent pas de douceur.
En effet, l'heure chois ies'accorde avec l'âge et la chandelle (éclairage réservé aux riches du XVIème siècle) rappellent discrètement l'aisance matérielle d'Hélène.L'évolution vers la familiarité : L'adjectif vieille n'était au vers 1 qu'un attribut d'Hélène et non sa caractéristique es sentielle.
Au vers 11, Ronsard ysubstitue le substantif "une vieille" signifiant qu'Hélène n'a plus d'autre qualité que la vieillesse.Au même vers 11 s'achève le tableau avant l'apostrophe finale : « V ous serez au foyer une vieille accroupie ».
Le participe passé "accroupie" apparaîtbrutal.
Il est resté en quelque sorte l'écho réaliste du participe "assise" du vers 2.
C e qui confirme cette idée, c'est que le groupe de mots "au foyer"reprend l'expression "auprès du feu".Ronsard est donc devenu plus cynique.
De plus, la douceur du rythme initial bien cadencé « Q uand vous serez bien vieille / au soir, à la chandelle » adisparu au vers 11, alexandrin d'une seule traite.La solitude d'Hélène : En outre, la vieillesse d'H élène ne se trouve nullement douce : Sa vie parait au contraire particulièrement monotone.
D'abord parceque Ronsard a l'habileté de la présenter seule et non entourée d'enfants ou petits enfants.
La seule présence que l'on perçoive autour d'elle est celle desdomestiques.La monotonie de sa vie : En outre, la vie d'Hélène semble bien monotone.
Le rythme des vers 2-3 coupés à l'hémistiche donne l'impression d'une vie tropbien réglée qui ne manque pas de susc iter le regret du passé...3.
La nostalgieLes formes du regret.
Le participe "regrettant" au vers 12 a un double sens : Il signifie à la fois éprouvant de la nostalgie à l'égard de mon amour pour vouset regrettant de ne pas y avoir répondu.
C e regret, Ronsard se plait à le faire durer en employant les participes présents chantant et vous émerveillant.Transférés à la servante, les participes présents du second quatrain jouent le même rôle nostalgique : « Q ui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant »La projection dans le futur aux vers 13 et 14.
Le poète lance à Hélène son appel : « Vivez si m'en croyez.
» (v.13-14).
Dans ces deux vers, il ne cherchepas à montrer que la beauté actuelle d'Hélène contredit à l'annonce de sa décrépitude : omettant de lui redire qu'elle est belle (adj.
belle au pass é) commes'il voulait par là qu'Hélène prenne bien conscience du caractère fugitif de sa beauté.
C'est parce que cette beauté est éphémère qu'elle a besoin de lapoésie de Ronsard.
II/ La célébration de la poésie..1.
La présence du poèteD'une part, Ronsard se consacre à peu près autant de vers qu'à Hélène.D'autre part, il a soin de ne pas se mettre en scène au moment cruc ial de sa vieillesse.De plus, alors qu'Hélène n'a pas droit à être nommé dans ce poème (elle n'ac querra ce droit que si elle cède à l'amour de Ronsard), le poète se cite deuxfois...2.
Une mort très doucePlus que s a vieillesse, c'est son fantôme qu'il met en scène et sa mort même semble légère.
Là où Hélène était accroupie, Ronsard se repose parmi desarbres consacrés à V énus.
Certes le poète meurt, mais il continue à vivre dans les mémoires.Chacun sur terre se souvient de lui, Hélène bien sûr : « Direz chantant mes vers » (v.3) mais encore l'ensemble de s es servantes se souviennent deRonsard.
L'expression « lors vous n'aurez servante » (v.5) a un caractère absolu.
Elle signifie toutes les s ervantes.
Ronsard est au cour du dialogue qu'ilimagine entre Hélène et ses servantes , et c'est la force de son seul nom qui les tire de leur somnolence...3.
Le nom de la gloireL'orgueil du poète ici ne manque pas de finesse puisqu'il envisage s a gloire pour la faire rejaillir sur Hélène : « bénissant votre nom de louange immortelle »(v.8).
Ne pouvant plus célébrer Ronsard mort, la servante transfert son admiration à celle qui lui a inspiré des poèmes, ce qui permet à Ronsard, écrivain dece texte, de célébrer Hélène.Ainsi Ronsard a vaincu la mort.
A u nom de la poésie Hélène devrait donc répondre de s on amour : « Vivez si m'en croyez, n'attendez à demain ».
Conclusion
Ce poème est une forme de provocation puisque Ronsard projette par Hélène une vision réaliste de son avenir mais il est aus si un appel à vivre leprésent, d’où le terme « Carpe Diem ».
Ronsard en ce poème, parle à la femme qu’il aime, il lui demande de l’aimer car quand elle sera vieille, pluspersonne ne voudra d’elle.
A vec ces éléments, on peut donc affirmer que le poème est bien le lieu d’un quête amoureuse..
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